Apprendre de l’impossible: L'innovation logistique pour assurer la continuité des soins de l’hôpital en temps d’émeutes
La crise sécuritaire qui a secoué la Nouvelle-Calédonie dès le 13 mai 2024 n’a pas épargné son hôpital public. Alors que la sécurité des routes pour accéder au Médipôle n’était pas garantie pendant plusieurs semaines, l’hôpital a dû s’organiser du jour au lendemain, avec des contraintes d’effectif, d’approvisionnement et de logistique.
Cet article abordera la gestion de la crise d’un point de vue logistique, que nous partageons après avoir fait le point avec Alain Marchal, chef de service restauration, hôtellerie et logistique du CHT.
1. Les difficultés logistiques rencontrées
Dès le 14 mai au matin, l'hôpital a fait face à des défis logistiques majeurs qui ont entravé son fonctionnement habituel. Il a été impossible de :
- Procéder aux approvisionnements alimentaires, perturbant l’organisation habituelle pour la restauration des patients et du personnel.
- Assurer la livraison de la lingerie, nécessitant une solution alternative immédiate.
- Relever les équipes, obligeant à délivrer notamment beaucoup plus de repas, avec beaucoup moins d’agents présents en cuisine.
Le pôle logistique comprend des compétences essentielles : les coursiers, les vaguemestres, la lingerie, les prestataires des transports automatiques lourds et du secteur sale (déchets et nettoyage des chariots), l’unité centrale de production restauration, ainsi que les agents de palier. Ces derniers assurent la logistique hôtelière dans les offices alimentaires en appui des soignants pour les patients ainsi que tous les autres flux logistiques entre le Logipole et le Médipôle pour les soignants : pharmacie, linge plat, déchets DAOM – DASRI.
2. Assurer le service de lingerie pour assurer la continuité des soins
Sans livraison de linge pendant près de trois semaines, il a fallu déstocker 7000 draps et 500 couvertures du magasin général pour la lingerie, afin d’assurer la continuité des soins de l’hôpital. Cette organisation a nécessité une bonne communication avec la cellule de crise pour calibrer les besoins.
“Tout le monde a été mis à contribution : dès que la situation l’a permis, les soignants ont ramené leurs tenues professionnelles chez eux pour les laver, et un prestataire a été missionné pour nettoyer l’ensemble du linge plat,” souligne Alain.
3. Difficultés d’approvisionnement
Pour pallier les difficultés d’approvisionnement, des moyens alternatifs ont été utilisés dès le début de la crise. Des hélicoptères de l’armée ont été mis à contribution pour transporter des fournitures essentielles, permettant ainsi de contourner les barrages routiers et de maintenir un flux minimal de ressources vitales pour un hôpital. Cela comprend notamment les produits sanguins, des rations de combat militaires pour le personnel. Puis, des camions frigorifiques en convoi sécurisé ont ensuite ravitaillé en urgence le CHT, permettant d’assurer 10 jours de denrées alimentaires.
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4. Des records de production en restauration avec un effectif réduit et aucun approvisionnement la première semaine
Une des principales difficultés pour le pôle logistique a été de nourrir environ 250 patients et 750 membres du personnel CHT alors que d’habitude nous avons une moyenne de 500 – 550 patients et que les repas du personnel sont assurés par un prestataire. La restauration a dû passer brutalement de 1 700 à 2 500 repas par jour, avec seulement 15 personnes dans l’équipe de cuisine pour s'en occuper. Et ce, sans approvisionnements alimentaires durant toute la première semaine.
Dès la deuxième semaine, l’unité centrale de production a assuré 3 500 repas par jour, l’équipe a pu être renforcée de 5 personnes supplémentaires. Les relèves ont permis de renouveler des équipes tous les 4 à 5 jours.
“Des rationnements ont été effectués sur une période, pour garantir que chacun ait suffisamment à manger. Alors que la restauration maintenait habituellement 10 jours de stock, cette crise pourrait pousser l'organisation vers une politique de stock plus important à l'avenir.” explique Alain.
Au-delà de la logistique, les repas ont joué un rôle crucial pendant la période de crise. Alors que les équipes de l’hôpital été contraintes de dormir sur place plusieurs nuits consécutives, voire une semaine pour certains, les moments des repas ont été de véritables vecteurs de lien social, des parenthèses nécessaires après des journées ou nuits de travail éprouvantes.
4. Réorganisation des équipes et des ressources
Bien que seulement 85% du personnel logistique soit venu tous les jours à l’hôpital, il a fallu organiser avec agilité les équipes. Cela signifie la nécessité d’une hôtellerie basique pour que les équipes puissent dormir au CHT. Cette réorganisation a été essentielle au niveau du pôle logistique avec une solidarité professionnelle remarquable, comme dans tous les services de l’hôpital.
“La planification des équipes a permis de maintenir les services vitaux du CHT, tandis que la gestion des approvisionnement (nourriture, médicaments, équipements) a été cruciale,” évoque Alain.
5. Passer la vague d’une crise révèle le travail de fond
Depuis plusieurs années, le pôle logistique travaille des stratégies d’amélioration continue sur différents aspects. La digitalisation de la prise de commande des repas des patients (depuis l’ouverture du Médipôle en 2016) a grandement facilité l’organisation en temps de crise, car l’unité centrale de production est également informatisée. Le décloisonnement des équipes et la communication transversale ont également contribué à mieux s’organiser pendant la crise.
“L’esprit de service public partagé, l’esprit hospitalier, et la solidarité ont été essentiels pour avancer en cette période compliquée. Nous nous sommes aperçus que le travail de fond effectué avec les équipes a porté ses fruits en temps de crise. Le rôle essentiel des métiers de l’ombre de la Suply Chain a été mis en lumière, ainsi que leur contribution au bon fonctionnement de tous les services hospitaliers. La qualité et l’investissement de tous les acteurs logistiques à 200%, qu’ils soient agents ou prestataires, a également été souligné, et ce dans un moment critique inédit sur le territoire, pour le CHT, et pour tous les Calédoniens, “partage Alain.
Ces efforts concertés, et ces innovations immédiates ont permis de garantir la continuité des soins et du service hospitalier, malgré les conditions extrêmes. L'expérience a souligné l'importance de la flexibilité, de l'anticipation, et de la capacité à s'adapter rapidement en temps de crise.
Le retour d’expérience de cette période reste positif pour les équipes : grâce à l’intelligence collective, à la communication et aux décisions pragmatiques, le CHT a mis en œuvre des processus innovants et efficients, et ce de manière transverse.
Infirmière chez Lycée Professionnel Auguste Escoffier
3 moisBravo pour toute cette organisation qui a nécessité énormément de résilience de tout le personnel du medipole J'ai pu découvrir l'équipe de chirurgie viscérale et vasculaire pour être venue en renfort comme infirmière en septembre 2024 Ce fût une experience extraordinaire de pouvoir dispenser des soins aux patients, d'échanger avec les patients et tout le personnel du service Beaucoup de professionnalisme et de bienveillance Un clin d'œil à Franck le cadre du service , Et Mes collegues infirmières Mervi de votre accueil Brigitte
Chef de service GPEC Recrutement et Formation chez CHT Gaston-Bourret
3 moisBravo Alain...
Consultant en Organisation et Management chez F&B -H-Management
3 moisBravo Alain. Amitiés.
Praticien Hospitalier - Medecine d’Urgence - CHT GB Nouvelle Calédonie
3 moisUn grand Bravo pour votre agilité en cette période de crise !
"Soyez le changement que vous voulez voir dans le Monde" (Gandhi), voici mon adage en tant que Gérante de Cam éco et Consultante en Développement Durable et Responsabilité Sociétale de l'Entreprise en Nouvelle Calédonie
3 moisUn grand bravo aux équipes du Médipole qui ont réussi à gérer une situation incroyable pour un pays démocratique. Elles n'ont jamais abandonné leurs patients malgré les violences dont elles ont été victimes et la difficulté de leurs conditions de travail. Conditions de travail qui ne doivent pas s'améliorer avec les nombreux départs de professionnels et le manque de moyens financiers qui s'aggrave. Un grand merci à mes anciens collègues de cardio/USIC et interventionnel qui, malgré tout ce qu'ils ont vécu, réussissaient encore à garder un moral d'acier et ont même réussi à me faire rire lorsque je suis passée leur apporter mon soutien il y a plusieurs semaines. C'était la 1ère fois que je riais depuis les événements! Bravo la team cardio! Vous êtes des warriors! Courage à tout le personnel du Médipôle!