Argument Session 2025 La dépression et la question du désir
Désignée comme « le mal du siècle », la dépression est souvent considérée comme un entité, voire comme une maladie en soi. Si cette applellation est facilement utilisé par la communauté scientifique et par le public, le succès de son emploi peut surprendre. Est-ce parce qu’elle recouvre par son ampleur sémantique ce qui plus diversement s’exprime à l’occasion par la tristesse, le chagrin, le désarroi, la douleur morale, le désespoir, le découragement, le burn-out, la lassitude, l’accablement, le cafard ou le marasme ? Est-ce parce qu’elle donne un habillage pudique à des perturbations psychiques plus inquiétantes qui pourraient s’apparenter à la folie ? Ou est-ce encore parce qu’elle trouverait son unité dans un dysfonctionnement cérébral particulier ?
L’usage courant du terme de dépression et l’action thérapeutique des médicaments antidépresseurs sur les symptômes dépressifs contribuent à forger l’image de la dépression comme une maladie spécifique. Cependant, toute enquête clinique orientée par une recherche psychopathologique permet d’opérer des distinctions fécondes tant sur le plan conceptuel que thérapeutique.
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La découverte par Freud des psychonévroses de défense, de la névrose obsessionnelle, des caractéristiques psychiques de la mélancolie en regard du deuil ; l’élaboration conceptuelle par Lacan de la forclusion d’un signifiant comme point pivot de la psychose ; l’enseignement de Jacques-Alain Miller permettant de lire les implications cliniques du Séminaire de Lacan : tous ces apports de la psychanalyse donnent de solides repères pour s’orienter dans le champ clinique de la dépression. Il devient alors possible de distinguer radicalement la dépression du sujet névrosé où prévaut l’égarement du désir, de la mélancolie corrélée à un deuil impossible, de la dépression du sujet dit « borderline » face à l’effondrement de ses suppléances ou encore de la dépression du paranoïaque dont les certitudes vacillent. Et ces distinctions sont bien sûr précieuses pour orienter le traitement et assurer une stabilisation durable.
Pour former les praticiens et futurs praticiens à une prise en charge de la dépression, nous leur offrons d’intégrer les notions conceptuelles et pratiques permettant d’interroger les causes psychiques et les facteurs relationnels essentiels touchés par la dépression. A cette fin, nous lions cette année l’étude de la dépression à celle de la question du désir. Les problématiques du désir sont électivement celles du champ clinique des névroses telles qu’elles sont définies par Freud et Lacan, c’est-à-dire comme des structures psychiques. Dans le séminaire théorique, notre approche sera donc centrée sur ces dépressions névrotiques, à partir notamment des leçons consacrées par Lacan aux névroses dans son Séminaire Les formations de l’inconscient. Mais nous aborderons aussi les développements les plus récents sur « la position dépressive », notamment à partir du livre de Jean-Pierre Deffieux La clinique du présent, ce qui nous permettra aussi de saisir comment s’articulent dépression et position subjective.
Les entretiens cliniques à l’hôpital et les ateliers cliniques par petits groupes nous permettront également de nous enseigner à partir du discours des patients. Un suivi pédagogique par les enseignants et des groupes de travail permettront à chacun de trouver l’appui qui lui convient au cours de sa formation.