Article du Figaro situation en RCA

La capitale centrafricaine connaît depuis dimanche un fort regain de tensions. Des combats enflamment le PK5, un quartier musulman, où un Casque bleu et au moins 23 civils ont été tués, et une centaine de personnes blessées.

Ils étaient près d'un millier à marcher, mercredi matin, dans les rues de Bangui. Un millier de civils, lassés des violences qui secouent la capitale de la Centrafrique, à organiser cette protestation inédite à la porte de la Mission des Nations unies (Minusca). Le cortège a déposé devant les grilles les dépouilles de 17 civils tués la veille dans des combats au cœur du «PK5», le dernier quartier musulman de la ville.

Cette enclave s'est enflammée, mardi vers 13 heures, quand un fort contingent de soldats centrafricains (Faca), appuyé par des instructeurs russes, des policiers locaux et des casques bleus de la Minusca, y a pénétré. Officiellement, cette opération s'inscrivait dans un processus de désarmement des milices du secteur, notamment celle dirigée par Nimery Matar Jamous, alias «Force». Son groupe, qui se décrit comme «d'autodéfense» contre les Anti-Balaka, un mouvement majoritairement chrétien, s'est en fait mué en un clan plus mafieux que politique. Au point qu'en janvier les commerçants du PK5, exaspérés d'être rackettés contre une vague protection, ont refusé de payer.

» LIRE AUSSI - La Centrafrique s'enfonce dans l'anarchie

La mission des Faca s'est toutefois heurtée à une «très forte résistance», affirme une source sécuritaire. Les échanges de tirs, à l'arme automatique et lourde, ont duré près de cinq heures, causant de lourds dégâts humains et matériels. Au moins 23 civils auraient été tués, tandis que des familles fuyaient en masse. Médecins sans Frontières (MSF) a reçu 40 blessés, en majorité par balles, dans ses centres de santé. Selon la Minusca, un casque bleu a été tué et 10 autres blessés, dont un grièvement. On ignorait, mercredi, les pertes côté Faca. Dimanche, un premier déploiement au PK5 avait déjà entraîné des échanges de tirs et la mort de deux personnes ainsi qu'une quarantaine de blessés. Dans un communiqué, la Minusca endosse la responsabilité des opérations. «Nous allons continuer. Cela ne peut pas se faire en un jour», détaille le porte-parole.

Le cessez-le-feu en péril

Mercredi, dans un Bangui qui avait retrouvé son calme, beaucoup s'interrogeaient sur ce lourd bilan et les raisons de cette dernière offensive. «Le moins que l'on puisse dire est qu'elle a été mal montée, souligne Jean-Serge Bokassa, ministre de l'Administration du territoire. Il y a beaucoup de morts et «Force» est toujours dans la nature, ce qui est dangereux». Un observateur, qui tient à rester anonyme, insiste, pour sa part, sur le caractère «étrange» des combats de mardi: «On a le sentiment que c'est plus une volonté des Faca d'en découdre que l'action des Nations unies qui a débouché sur cette bataille». Par ailleurs, de nombreux témoins affirment que les milices Anti-Balaka, très peu présentes ces derniers mois, sont de nouveau très visibles dans les rues de la capitale. Ce retour au premier plan de ces combattants, responsables de nombreux massacres dans Bangui en 2014, a provoqué une véritable terreur parmi les musulmans.

» LIRE AUSSI - Face aux pertes, l'ONU veut muscler ses opérations de maintien de la paix

Ce regain de tensions n'est pas sans conséquences dans les provinces, largement contrôlées par les combattants des Séléka, une milice à dominante musulmane. Mercredi, des barrages et des tirs ont été entendus dans plusieurs villes, notamment dans l'est du pays, à Bria et Bambari. «C'est le point le plus négatif. Par un sentiment de solidarité de la part de la Séléka, les combats du PK5 pourraient mettre un terme au cessez-le-feu», redoute Jean-Serge Bokassa. «Cette situation risque de compromettre le processus de paix» de l'Union africaine, a d'ailleurs déclaré mercredi dans un communiqué le groupe armé Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), l'une des principales composantes des Séléka.

 

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets