Assurance médicaments: L’Ordre des ingénieurs en fait encore des siennes…
Des sept résolutions adoptées par les membres lors de l’assemblée générale spéciale du 6 mai 2014, il n’y en avait jusqu’à maintenant que deux qui étaient entièrement satisfaites, soit celle ayant trait à la destitution du comité exécutif et celle concernant l’assurance-médicaments.
Il y a lieu de remarquer que cela avait pris plus de deux ans de discussions, palabres, déclarations creuses, petites avancées et gros reculs, marchandages derrière des portes closes etc. , avant que l’ancien president Jean-Francois Proulx n’annonce que le problème de l’assurance-médicaments était véritablement réglé. En effet, comme je l’avais expliqué dans mon billet du 7 juin 2016 ”Assurance médicaments: Sans tambour ni trompette”, dès que l’OIQ aurait arrêté d’offrir l’assurance-médicaments les ingénieurs auraient finalement pu s’assurer à bien meilleur prix avec la RAMQ.
Maintenant on nous annonce, toujours sans tambour ni trompette, voire même presque en sourdine, que ”Ingénieurs Canada, en collaboration avec Manuvie, a confirmé que les membres de l’Ordre auront accès à des garanties d’assurance médicaments et soins médicaux à compter du 1er janvier 2017”. Enseveli dans le corps du document on fait savoir que les ingénieurs ne pourront pas s’assurer avec la RAMQ.
Pour une fois que l’Ordre des ingénieurs avait agi correctement en tenant compte des souhaits des membres, de surcroît dans une question qui ne concerne nullement sa mission de protection du public, il revient sur ses pas et recommence à poser des gestes pénalisants pour ses membres.
Pourquoi cette volte-face de l’OIQ ?
Pour comprendre ce qui s’est passé depuis juin 2016 il faut analyser ce qui a changé à l’OIQ_:
1) L’OIQ est maintenant en tutelle, Il est toutefois improbable que les tuteurs se soient intéressés à ce dossier, étant donné qu’il n’a absolument rien à voir avec la protection du public et que leur mandat est de redonner à l’Ordre ”ses lettres de noblesse”.
2) Kathy Baig est devenue présidente. Présentement ses photos sont partout dans les outils de communication de l’OIQ ainsi que dans les médias sociaux. Il est peu probable qu’elle ait poussée l’organisation à demander à Manuvie de monter un programme d’assurance-médicaments pour les ingénieurs québecois, occupée comme elle est à sourire sur toutes le tribunes. Il n’en demeure pas moins qu’elle demeure l’ultime responsable des gestes posés par l’organisation, à moins bien sûr que cette décision n’ait été imposée par les tuteurs.
3) Les cadres qui, au lieu de passer par la CNESST, se sont plaints dans les médias en ignorant les obligations de discrétion les plus élémentaires, sont toujours en place et ont désormais pris beaucoup d’assurance. Ils ont vraisemblablement interprété, à raison, que la réaction inadéquate du CA à l’époque des faits leur permet désormais de prendre des décisions majeures sans demander l’autorisation à qui que ce soit.
N’étant pas dans le secret des dieux, je ne peux affirmer de façon définitive de quelle façon cette décision a été prise, mais dans d’autres occasions j’ai entendu des cadres de l’OIQ affirmer qu’ils pouvaient prendre des décisions de nature semblable sous prétexte qu’elles auraient été purement ”administratives”. Or, la question de l’assurance-médicaments, sur laquelle a statué une assemblée générale où presque 2 000 membres étaient présents, est tout sauf ”administrative”.
Analyse du communiqué
En lisant attentivement le communiqué on ne peut que constater qu’il est truffé de demi-vérités et de raccourcis logiques. Le paragraphe suivant en particulier en aligne plusieurs :
”La Loi sur l’assurance médicaments du Québec oblige tout Québécois à être couvert par une assurance médicaments. Par ailleurs, comme Ingénieurs Canada et Manuvie offrent un programme d’assurances accident et invalidité, ils ont l’obligation d’offrir aussi un programme d’assurance médicaments aux membres de l’Ordre s’il n’en existe pas d’autres. De ce fait, la loi ne permettra pas aux membres de se prévaloir du régime offert par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).”
Premièrement, le siège social de la compagnie Manuvie est à Waterloo en Ontario, le siège social d’Ingénieurs Canada est à Ottawa, les deux étant soumis à la législation fédérale. La loi sur l’assurance médicaments est une loi provinciale. Par conséquent, il est fortement contestable qu’il existerait rien de moins qu’une obligation de la part d’Ingénieurs Canada et de Manuvie d’offrir un programme d’assurance médicaments aux membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec, et ce peu importe les autres programmes qu’ils offrent.
Deuxièmement, le communiqué spécifie clairement que la compagnie d’assurance Manuvie fait affaire avec Ingénieurs Canada et non pas avec l’OIQ directement. Le lien entre Manuvie et les ingénieurs québecois et donc excessivement ténu. Pour ce qui est d’Ingénieurs Canada on spécifie dans son site qu’il est ”l’organisme national constitué des 12 organismes de réglementation du génie qui sont chargés de délivrer les permis d’exercice aux ingénieurs du pays, dont le nombre est actuellement de 280 000. Ensemble, nous faisons progresser la profession dans l’intérêt public.” Est-ce cela veut dire que les 280 000 ingénieurs au Canada seraient des membres d’Ingénieurs Canada ? Il est permis d’en douter, d’autant plus qu’aucun ingénieur individuel ne reçoit une carte de membre, un avis de cotisation ou même une communication personnelle (à l’exception de publicités pour des tiers) de la part d’Ingénieurs Canada.
Troisièmement, suite à une décision arbitrale c’est le Réseau des Ingénieurs et non pas l’Ordre des ingénieurs qui reçoit les redevances pour la promotion des programmes d’assurances accident et invalidité de Manuvie au Québec. Ceci rend encore plus faible le lien entre l’OIQ et Manuvie et rend le pouvoir de l’OIQ d’imposer aux ingénieurs de s’assurer avec Manuvie plus que douteux. À la limite, s’il le voulait, le RéseauIQ pourrait avoir une influence pour obliger un ingénieur à s’assurer pour les médicaments avec Manuvie, mais là la parade serait facile : il suffirait de se désinscrire du RéseauIQ, tout simplement.
Pour toutes ces raisons, on peut se poser la question à savoir sur quelles bases la Régie de l’assurance médicaments du Québec pourrait refuser l’accès à son programme à un(e) ingénieur qui n’est pas couvert(e) par le régime de son employeur ou par celui de sa(son) conjoint(e).
Mais alors pourquoi s’inquiéter ?
Si tout ce que l’OIQ nous raconte n’a aucune valeur alors pourquoi ne pas passer outre à ses directives et s’assurer avec la RAMQ ?
Pas si vite.
Si quelque chose n’a absolument aucun sens cela ne veut pas dire que des avocats ”créatifs” ne peuvent trouver des arguments tarabiscotés, voire farfelus, pour forcer quelqu’un à obtempérer ou à dépenser des milliers de dollars pour faire valoir ses droits, et ce, sans garantie de gagner. Par exemple, si un ingénieur décidait de s’assurer avec la RAMQ et que la RAMQ le refusait et le renvoyait vers Manuvie quelles options aurait-il ? Obtempérer, payer des primes beaucoup plus élevées et se taire, ou contester la décision de la RAMQ devant les tribunaux à ses frais, tout en étant obligé de s’assurer avec Manuvie dans l’intervalle (qui pourrait durer plusieurs années). Bref, il ferait face à une typique situation perdant, perdant…
Il se peut qu’une telle situation ne se produira pas, mais une chose est certaine: Cette décision impromptue de l’OIQ est nuisible pour plusieurs milliers de ses membres.
Gérant de projet et développement des affaires
8 ansL'OIQ FAIT PITIÉ.