Pourquoi vous n'aimez pas le changement?
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Pourquoi vous n'aimez pas le changement?

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L’un des plus anciens livres tenus pour sacré dans le monde est le Yi King « Le livre des changements ».

C’est un écrit chinois dont l’origine se perd dans la nuit des temps. À la fois fondement philosophique et objet de divination, ce livre aux propos obscurs reste cependant très clair sur un sujet : La seule chose qui ne changera jamais, c’est que tout est toujours en train de changer.

La nature, l’univers, la vie, tout nous prouve cette sentence sans appel. Il n’est donc tout simplement pas possible de stopper la transformation, de revenir en arrière. Ceux qui promettent de stopper la transformation économique, de construire des murs, de rapatrier les emplois perdus, « to make us great again » se bercent d’illusions.

Non seulement il est illusoire de penser possible un arrêt du changement, mais même si c’était le cas, ce serait temporaire puisqu’un autre changement suivrait aussitôt.

Les Chinois l’ont compris depuis des milliers d’années : la stabilité n’est pas l’état normal d’un système : c’est une exception.

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Lao Tseu, philosophe chinois de l’Antiquité, propose une voie pour mieux appréhender le changement : le Wuwei (無爲) le « non-agir » qui n’est pas de la passivité, mais le fait d'agir en conformité avec « l'ordre cosmique originaire », le mouvement de la nature.

Lao Tseu a fait du Wuwei un principe politique de gouvernement idéal et plusieurs empereurs chinois en ont fait leur devise nationale, et ce jusqu'à la fin de la Chine impériale en 1911.

Aujourd’hui encore, plusieurs entrepreneurs chinois ont une plaque dans leur bureau sur laquelle est inscrite cette devise : « agir sans agir ».

Puisque le changement est inévitable comment agir sans agir aujourd'hui ?

L’auto-organisation critique

Pour savoir comment agir, il serait utile de savoir quand et dans quelle mesure le changement surviendra. Comment le savoir?

D’après les lois de la thermodynamique, dans l’univers, tous les phénomènes n’auraient qu’une seule tendance : amener le système vers un complet état de désordre thermique et moléculaire. Et si la matière et l'énergie s’organisent spontanément en systèmes organisés, ce ne serait que pour créer encore plus de désordre.

Le degré de désordre d’un système s’appelle l’entropie et la survenance de ces systèmes temporairement stables, mais complexes, s’appelle le “principe d’émergence”. 

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L’astrophysicien Eric Chaisson a d’ailleurs calculé qu’à poids égale l’humain est 10 000 fois plus efficace que le soleil pour dissiper de l’énergie.

L’émergence même de l’être humain respecterait donc la tendance de l’Univers à aller vers l’entropie. C’est une notion qu’on retrouve en thermodynamique, en astrophysique, en mathématiques, en écologie, et surtout en théorie de l’information (et donc en économie).

En 1987, Per Bak, chercheur en physique fondamentale et spécialiste danois dans les transitions de phases, publie un article présentant un nouveau concept baptisé “criticalité auto-organisée”. Ces précédentes recherches l’avaient amené à étudier comment une organisation émerge du désordre. À l’époque, il étudie notamment l'écoulement du sable pour former des tas et propose un modèle mathématique. Son modèle, pris plus tard le nom de pile de sable de Bak-Tang-Wiesenfield dans son livre intitulé «How Nature Works».

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Bak y applique son modèle aux marchés financiers pour démontrer que, comme dans la nature, des systèmes complexes et bien structurés émergent spontanément du chaos et que de brusques changements peuvent être anticipés. Dans le cadre de cette théorie, des systèmes complexes gouvernés par des interactions entre individus hétérogènes convergent spontanément vers des états critiques attracteurs, à partir desquels ils peuvent bifurquer brutalement d’une phase (par exemple l’euphorie) vers une autre (la panique).

Un état critique peut être identifié lorsque l’on voit une tendance passée se répéter plus régulièrement. Les individus commencent à imiter leurs comportements respectifs par des mécanismes qu’ils ont en commun dans le système ; en économie l’endettement par exemple. Ce type de comportement peut conduire à des bulles spéculatives qui finissent par exploser. Cependant, bien qu’il soit possible d’identifier la présence d’un état critique, il est plus difficile de prédire le moment auquel aura lieu la transition de phase, « le changement ». 

Cependant, comme pour Lao Tseu, pour Bak la stabilité n’est qu’un état temporaire qui requiert un ensemble de conditions particulières, rares, convergentes. La situation qui précède le basculement est qualifié de “critique”, car le changement est inexorable mais le moment auquel il surviendra est imprévisible.

La seule certitude c’est que le changement surviendra. Est-ce que cela veut dire que l’on ne peut rien prévoir rien anticiper, donc que le “non-agir” est la seule voie ?

Prévoir les Tsunamis

Il reste dans les archives japonaises, les traces d’un dévastateur Tsunami que les anciens ont qualifié de “tsunami orphelin” car il n’était précédé d’aucun tremblement de terre. Il a eu lieu le 23 décembre 1700.

En fait, on sait aujourd’hui que ce tsunami avait été précédé d’un des plus forts tremblements de terre de la côte Ouest américaine. Mais les Japonais du 17e siècle ne l'ont pas ressenti.

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Les populations amérindiennes, elles, l’ont ressenti et il a causé un immense tsunami qui a ravagé les villages et tué des centaines de personnes bien avant que les premiers européens ne s’installent dans cet Ouest Lointain, le « Far West ».

Le tremblement de terre et le tsunami de 1700 ont été causés par le glissement de la petite plaque tectonique de Juan de Fuca, sous la plaque de l’Amérique du Nord. Cette petite plaque, est poussée par l’immense plaque de l’Océan pacifique et crée la faille de Cascadia, qui commence au nord de la Californie et se termine au Nord de la Colombie-Britannique au Canada.

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Cette « zone de subduction » menace aujourd’hui toutes les villes du nord de côte ouest et notamment les grandes villes de Seattle et de Vancouver. Mais la menace, ce n’est pas le tremblement de terre lui-même, c’est l’immense vague qu’il pourrait former, le tsunami.

Les tsunamis se déroulent en trois phases: le déclenchement, la propagation et le déferlement. Si les deux dernières phases sont relativement simple à calculer, c’est le déclenchement qui pose problème aux mathématiciens. Une fois que la colonne d’eau est formée, prédire ou le tsunami détruira tout sur son passage, est relativement simple. Mais dans le meilleur des cas, les populations ont moins de 12 heures pour s’abriter.

Comme pour les tas de sables de Bak, c’est le moment de la transition de phase qui est difficile à déterminer. Pour calculer et quand se produira un tsunami il faudrait pouvoir décrire la déformation du fond sous-marin et d’en déduire la déformation initiale de la surface de l’eau. Mais représenter la géométrie du fond et la dynamique du tremblement de terre est pratiquement impossible aujourd’hui.

Tout ce que peut faire les populations côtières, c’est de garder à l’esprit que ce risque existe et qu’il faut pouvoir “vivre avec”.

C’est-à-dire prévoir des solutions d’évacuation et de sauvetage, donc agir!

Mais il serait déraisonnable de vider Seattle et Vancouver de ses habitants, simplement car un risque de Tsunami existe, il ne faut donc pas agir !

Agir, sans agir, en clair, c’est prévoir et s’adapter.

Individualisme, collaboration et adaptation

Le changement n’est pas un état exceptionnel. C’est la stabilité qui l’est !

Ce qui est “normal”, c’est la diversité, les différences, la pluralité des intérêts et des opinions, l’individualité. En ce sens, l'avènement de l’économie de partage répond à ce désir d’individualité. 

Pour être à l’abri de l’angoisse due au changement, il faut simplement l’accepter et ouvrir ses horizons pour chercher de nouvelles façons de travailler et de vivre, même si elles sont plus marginales.

Il ne faut pas s’attacher inutilement à des recettes du passé, ne pas chercher la routine, mais plutôt aimer voire désirer le changement, s’adapter et saisir chaque modification de notre environnement comme une occasion de faire mieux.

Dans son livre «Homo Deus», Yuval Harari démontre que ce qui a fait la force des êtres humains, sur toutes les autres espèces c’est notre capacité à régulièrement réinventer nos modèles de coopération et de collaboration.

Le meilleur moyen de survivre aux changements c’est de s’appuyer les uns sur les autres, en réinventant sans cesse, nos moyens de coopérer.

En résumé, soyez vous-même sans être individualiste, prévoyez sans angoisser, et collaborez avec les autres en apportant au groupe ce qui vous rend unique.

Ainsi vous pourrez surmonter tous les changements qui nous attendent cette année et les suivantes.

Caroline Tuchscherer

Directrice de compte commercial chez BMO Groupe Financier

8 ans

J'aime: Le changement n’est pas un état exceptionnel. C’est la stabilité qui l’est !

Elodie Windels

Coach Bien-Être, professeure de hatha yoga et Superhôte Airbnb 🪷 J’accompagne les personnes en crise existentielle à développer la confiance et l'estime de soi pour vivre leur plein potentiel.

8 ans

Très inspiré :-) La Conscience évolue et nous pouvons penser que le monde se dirige vers une plus grande ouverture, plus d'authenticité, de respect et, surtout, de solidarité. D'où l'ère de la collaboration et du développement durable véritable.

Martin Coté

Chef d’équipe de développement Web @ Nixa | Web Development

8 ans

Très bon!

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