ATTITUDE MEDIANE, 31/39 : Les trois couches : Juridique, technique, et émotionnelle.
Episode 31/39 : Un mille feuille de seulement 3 couches... mais quelles couches !!!
Ce qui est du domaine du justiciable rend déjà compte à la justice. Alors que ce qui est du domaine du « juridiciable » dispose seulement d’éléments encore inexploités juridiquement, mais ceux-ci seraient suffisants pour entrer en action juridique. C’est un conflit qui peut aboutir à un traitement juridique... Ou pas !!! (si on le travaille à temps)
Un conflit « juridiciable » est constitué d’un assemblage de trois éléments factuels et émotionnels. Une formalisation visuelle, (une image), peut être utilisée pour comprendre mieux cette composition : imaginez le conflit « juridiciable » comme un bloc dont la coupe verticale serait constituée de trois couches :
- La couche du sommet : l’aspect juridique, la contestation du contrat : une contrat de travail entre l’employeur et l’employé, ou bien, le plan cadastral indiquant les limites de propriété entre deux voisins, ou bien encore, le bon de commande entre le vendeur de voiture et l’acheteur.
- La couche du milieu : l’aspect technique, le désaccord factuel : l’employé estime que, pour le travail supplémentaire qu’il exécute, il devrait lui être octroyé une prime, ou bien, le mur qui s’effondre entre le terrain de M. Durand et M. Dupont, risque t-il, oui ou non, d’endommager le potager de M. Dupont ?, ou bien encore, l’acheteur estime que la climatisation automatique lui est due, alors que le vendeur s’arrête à la livraison d’un véhicule avec une climatisation manuelle.
- Et la couche la plus profonde : l’aspect affectif, l’enfermement émotionnel : l’employeur estime que le manque d’intérêt que porte son salarié à l’entreprise suffit pour le classer dans la catégorie des « fainéants » : et ils ne se parlent plus ! ou bien, le père de M. Durand étant déjà persuadé, à l’époque, que ce mur avait été construit par les voisins pour le priver du soleil en fin d’après-midi, il crie haut et fort, sans retenue, que son voisin est un abruti : ils ne se supportent plus ! ou bien, le vendeur prête des intentions de mauvaise foi à l’acheteur, et l’acheteur juge le vendeur escroc sur les bords : ils sont très embarrassés par la situation, et « tournent chacun autour du pot » sans se dire les choses franchement.
À propos de conflits et des professionnels de la résolution des conflits, il est donc absolument nécessaire de bien percevoir ces trois couches :
- La couche du sommet est faite de contractuel : elle concerne le juriste.
- La couche intermédiaire est faite de technique : elle concerne l’expert en la matière.
- La couche profonde est faite d'émotions : elle concerne le médiateur.
Un juriste ou un avocat s’attaquera à un conflit par la partie haute. Il s’y attaquera du haut vers le bas. Il fera rentrer ou rerentrer la solution du conflit dans des textes de loi. Son travail ne consiste pas à expertiser la solution technique qui convient à son client, ni à expertiser la situation affective. Le travail du juriste consiste à faire appliquer la justice (c’est-à-dire les textes de loi, et non pas ce qui est fatalement juste : la nuance est ABSOLUMENT considérable). Et il fera appliquer la justice en se plaçant, en opposition de l’avocat de la partie adverse. Et placé en compétition contre l'avocat de la partie adverse, il travaillera afin que le fléau des plateaux de la balance juridique, fléchisse en faveur de son client.
Lorsque cela est nécessaire, l’avocat proposera à son client l’association d’un expert à sa prestation (un conciliateur), pour éclairer techniquement l’affaire (la couche du milieu). Et pour ce qui est des difficultés émotionnelles de son client (la couche du bas), le sujet est le plus souvent très embarrassant pour lui. Car même si, humainement, il y est très sensible au confort émotionnel de son client, ce n’est pas son métier premier. Il est donc rare qu'il aille chercher un médiateur pour l'aider sur ses chantiers...
Un médiateur s’attaquera au conflit, par un chemin radicalement inverse de celui de l’avocat. Il s’y attaquera du bas vers le haut. Son seul et unique travail consiste à déverrouiller les positions émotionnelles de chacun, afin que les deux parties récupèrent l’autonomie de leurs relations, grâce à une communication redevenue correcte entre eux.
Une fois que les protagonistes ont (re)établi leurs nouvelles bonnes règles de communication, ainsi que leur(s) solution(s), le médiateur est à même de les mettre en relation avec l’expert qui les aidera techniquement à mettre en œuvre cette solution. Ensuite, si nécessaire, il peut faciliter leur mise en relation avec les hommes de loi qui formaliseront juridiquement la solution décidée par eux-mêmes, les protagonistes de la situation conflictuelle.
En conclusion de ces deux derniers épisodes, il serait peut-être simplement bon d’évoquer la PRECAUTION. Précaution de choisir de bons professionnels. Cette lapalissade en fera sourire plus d’un, mais à combien d’affaires avons-nous déjà assisté, combien d’affaires avons-nous déjà observées, où le côté inextricable du dossier semble convenir aux mauvais professionnels qui facturent leurs honoraires, pendant que leurs clients s’enfoncent plutôt qu’ils ne se redressent ?...
Et, de même que le client doit donc choisir de bons prestataires pour l’accompagner, de même les avocats, arbitres, conciliateurs, médiateurs, nous nous devons de travailler en parfaite intelligence, les uns avec les autres, et pas les uns contre les autres !
Ces professions sont complémentaires, alors que trop de gens (et notamment les gens du métier) pensent encore qu’elles sont concurrentes !