Attractivité, compétitivité : et si nous avions tout faux ?
Dans une économie mondialisée, le Graal semble être la compétitivité. Sa quête est donc naturellement la raison d’être des organisations professionnelles et souvent l’un des piliers des politiques publiques. Coût du travail, fiscalité, formation, infrastructures, tout doit être fait pour attirer les investissements étrangers et rendre nos productions de meilleure qualité et moins chères.
Cette question de la compétitivité a par exemple été au coeur des réflexions de la place financière de Paris dans le contexte du Brexit. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est censée créer une opportunité majeure pour les places financières continentales, avec à la clé des milliers d’emplois … mais la compétition est rude. Chaque pays veut obtenir la meilleure part de ce gâteau. Les professionnels n’ont donc eu de cesse depuis deux ans de demander au gouvernement des mesures de compétitivité pour la place de Paris … Comprenez pour l’essentiel des baisses de taxes. Ils ont eu en grande partie gain de cause. Taxe sur les transactions financières, régime favorable pour les impatriés, taxe sur les salaires … Et encore récemment cette mesure adoptée en première lecture du Projet de Loi de Finances : une disposition spécifique pour les bénéficiaires de « carried interest » venant s’installer en France. Autrement dit, un sésame supposé attirer les fameux traders et gérants de hedge funds britanniques.
Ce focus quasi exclusif sur la fiscalité et le coût du travail hautement qualifié me laissait déjà perplexe il y a plusieurs mois. Dans « La finance verte commence à Paris », je m’interrogeais sur cette vision étriquée de la compétitivité et de l’attractivité, et je mettais en avant le besoin de sens, le narratif indispensable pour attirer des investissements et occuper une place de leader. Quelle finance voulons-nous ? Pourquoi pensons-nous que Paris doive devenir la place financière leader en Europe ? Il me semblait évident que ces questions ne pouvaient se réduire à un taux d’impôt ou de cotisations sociales.
Après quatre semaines de chaos et de violences dans les rues de la capitale, je me rends compte que la réalité est bien plus sévère. Non seulement il est indispensable de trouver un narratif à la place de Paris, non seulement la finance verte, durable, sociale, est probablement le seul narratif crédible, mais toutes les tentatives pour améliorer la compétitivité de la place de Paris se fracassent aujourd’hui sur les images des chaines de télévision. Quelles questions se poseront désormais les traders britanniques qui voudront s’installer à Paris ?
Il apparait une évidence : l’attractivité d’un territoire dépend aussi de sa cohésion sociale. Pour des investisseurs, cela peut se traduire par stabilité du système politique, bonne gouvernance, visibilité des politiques économiques et fiscales, mais derrière ces conséquences il y a la capacité à faire société, et par conséquent un niveau d’inégalités acceptable. Ceci n’est certes pas une découverte. La situation sociale et politique a toujours été un critère de choix des investissements. Ce qui interpelle dans le contexte actuel, c’est que les mesures de compétitivité exigées par les professionnels sont aussi celles qui conduisent progressivement à une explosion sociale, le remède détruisant ainsi ses prétendues conséquences positives et devenant un poison.
Voilà donc le paradoxe dans lequel nous sommes piégés : nous croyons jouer dans une compétition mondiale, avec des règles connues, notamment fiscales, mais nous sommes aussi les acteurs d’un territoire. L’oublier serait sans doute une faute éthique, ce serait incontestablement aussi une grave erreur économique.
🎤 👏18.5K+née 316.2 ppm ✅ Construisons des villes durables 🍋 Cultivons des villes marchables et nourricières 📌 Développons des sépultures Éthiques et l'Humus Humain
6 ansJe suis plutôt déçue par vos conclusions! Je m'attendais à ce que vous nous donniez des solutions et pas seulement un constat du reste assez simple sur l'incompatibilité compétitivité / équité et paix sociale qui en suit! Être compétitif aujourd'hui c'est bien souvent avoir un bas prix qui n'intègre en rien le cout environnemental de sa production et de son utilisation, qui détruit des emplois locaux et de plus tout cela est fait avec un manque total de transparence vis a vis du consommateur sur son cout carbone ( à lui et au fournisseur) faute de loi à ce sujet. Si par contre, les investisseurs aidaient les nouvelles offres propres pour qu'elles soient mises sur le marché au même prix que les offres pollueuses compétitives sur le même marché en indiquant avec transparence comment est fait cet effort sur la transition écologique, les consommateurs basculeraient beaucoup plus volontiers vers ces nouvelles pratiques et ce nouveau monde! Qu'en pensez-vous ?
Economiste
6 ansIntéressant, mais je me demande si pour acheter la cohésion sociale, il ne faut pas d’abord disposer de réserves de puissance que donne la compétitivité. L’oeuf de la productivité nait la poule de la cohésion sociale, mais la cohésion sociale n’éclot en compétitivité que si la productivité est là. L’affaiblissement incroyable de notre industrie au cours des trente dernières années nous met dans la situation des douairières qui voudraient bien réduire leur train de vie, mais qui n’ont même plus les moyens de licencier leurs domestiques. J’emprunte cette comparaison, sans intérêts, à Camille Chauveau, professeur d’économie il y a cent ans. Un des problèmes de notre temps me parait être que depuis cent ans, et mis à part l’or et l’immobilier, par suite de circonstances démographiques non renouvelables, les épargnants ne se sont enrichis sur aucune période de trente années consécutives, qui est l’horizon d’une vie active. Le capital au XXème siècle est le tonneau des Danaïdes qui se vide presqu’aussi vite qu’il se remplit par l’épargne. Outre l’appauvrissement des épargnants, il en résulte un sentiment de découragement qui décapite l’initiative. Il suffit de lire les commentaires des Gilets jaunes pour voir qu’au fond, que ce soit par l’impôt ou l’inflation, tout le monde trouve normal que les épargnants payent les dettes, comme en 1918, comme en 1936, comme en 1945, comme en 1970. Dès lors il n’est pas très important de savoir si on est compétitif ou non, il faut soit profiter du système jusqu’à ce qu’il meure, soit partir car de fait, ce n’est pas le cas ailleurs. Est il impossible de rêver à une économie durable et « en même temps » à une épargne durable? Le ruissellement ne fonctionne pas si mal là où et quand l’épargne est encouragée, c’est à dire rémunérée réellement.
La cohésion sociale commence par une fiscalité plus juste entre les classes moyennes et les plus riches et par une meilleure redistribution des fruits de la croissance. La mondialisation doit profiter à tous, pas seulement à quelques-uns. Sinon viendra ce que Christine Lagarde appelait récemment un "âge de la colère".
International Sales Manager
6 ansEssayer d'être atractif pour attirer les traders de Londres quand l'Angleterre a toujour joué avec un pied dans la piraterie et par cela j'entends le maintien de plusieurs paradis fiscaux comme les iles de Jersey, Gibraltar... et ou des milliars et des milliards d'euros échappent aux fisks des pays qui générent la richesse: c'est vraiment se tromper sur la façon de poser le problème, donc de le résoudre.