Au revoir...

Au revoir...

J'ai commencé ma carrière avec l'échafaudage du palais de justice et je la termine avec l'échafaudage, à l'échafaud, au pied de la justice.

Après plus de 35 ans dédiés avec passion à la vie bruxelloise, jour et nuit, j'ai décidé de prendre une pause, de me retirer un temps de cette effervescence que j'ai tant aimée. Les combats contre les vents & les courants contraires sous une pluie incessante ont épuisé ma foi en un avenir meilleur pour la ville que j'ai servie avec tant d'énergie.

J'ai longtemps espéré et œuvré pour le progrès, contribuant personnellement à de nombreuses avancées pour Bruxelles. Mais aujourd'hui, le poids des épreuves semble l'emporter sur les fruits de ces efforts, et je n'ai plus le cœur à croire en un renouveau immédiat.

Les fermetures administratives répétitives ont été particulièrement dévastatrices, tout comme les autres crises auxquelles j'ai dû faire face. De la fermeture administrative du bar le Maldoror dans les années 80 et celle du "mur du son" début 90, en passant par la fusillade à l'arme de guerre (déjà) au Mirano avant mon départ pour le Fuse (toujours menacé de fermeture), jusqu'à la fermeture du Who's Who's Land par un des anciens bourgmestres de Bruxelles et son échevin de l'urbanisme, et le retrait de permis d'exploitation au Wood, chaque événement a profondément marqué mon parcours et intensifié mon amertume face à ces injustices.

L'Impérial, mon dernier projet, n’a pas non plus été épargné par les défis. Mes commentaires ne visent en aucun cas à pointer un ou des responsables politiques (j'insiste), mais plutôt à mettre en lumière des enjeux qui méritent une attention collective. De nombreuses décisions, souvent prises sans une analyse globale suffisante et influencées par une certaine 'idéologie de l’interdiction', ont eu des effets néfastes sur l'attractivité de la cité.

Le télétravail, la réforme des rythmes scolaires, les changements de mobilité et d’accessibilité, tels que les zones à 30 km/h généralisées, les travaux imposés sans concertation sur le ring ou au carrefour Léonard, les tunnels souvent réduits à une seule voie, les incessants barrages de police, et la fermeture de certains axes majeurs, s’ajoutent aux coûts prohibitifs du stationnement, à l'insalubrité croissante, aux vols occasionnels de vélos ou montres sur la voie publique, aux nombreuses fusillades liées au trafic de drogue, et à la fermeture de nombreux commerces dans les galeries désormais fantômes du haut de la ville. Tous ces éléments, exacerbés par une couverture médiatique et des réseaux sociaux tous engagés dans une surenchère d'égo médiatique, sont autant de bâtons dans les rayons qui contribuent à dégrader l'attractivité de notre ville, rendant l'accès non seulement difficile mais surtout dissuasif.

Bien que ces initiatives locales soient louables pour réduire les émissions de carbone, améliorer la sécurité ou la qualité de vie, il est paradoxal de constater qu’en parallèle, dans un mutisme absolu, l'essor du trafic aérien pour le transport de produits hors saison, les livraisons de colis, ou les voyages sont bien plus dommageables et révèlent des contradictions flagrantes. Cela souligne l'urgence d'une réflexion plus approfondie et moins dogmatique, car en attendant... c’est notre ville qui en pâtit !

Mon départ sert également à faire prendre conscience de la gravité de la situation, fort de plus de 35 ans d'expérience dans le métier.

La situation économique de l'Horeca dans la capitale, ainsi que dans les deux autres régions, continue de se dégrader de manière alarmante. Cette année seule a vu émerger 548 faillites, un chiffre record depuis 2018.

En plus de subir encore les conséquences de la pandémie, l'Horeca est aujourd'hui écrasé sous le poids de la crise énergétique et d'une inflation dévorante. Face à une avalanche de charges — cotisations sociales et patronales élevées, coûts exorbitants des assurances, coût des heures supplémentaires, charges énergétiques insoutenables, gestion coûteuse des déchets, coût de la diffusion de musique, coût de la prévention et de la protection au travail … — notre marge a littéralement fondu. Avant, on faisait du bénéfice ; maintenant, on fait des pertes.

Chaque jour, nous sommes aux prises avec des heures supplémentaires onéreuses, des difficultés de recrutement insurmontables, des problèmes de trésorerie asphyxiants, et des fermetures forcées faute de personnel. Les no-shows des clients et la disparition de la classe moyenne amplifient nos pertes, tandis que la rareté de cash diminue les pourboires pour un personnel déjà difficile à recruter. Pendant ce temps, nos responsables, empêtrés dans des querelles interpartis, restent paralysés, se contentant d'annonces lointaines sans jamais mettre en œuvre un plan de mesures urgentes et indispensables.

On vous détend, mais nous, on a le doigt sur la détente. Personnellement, je suis épuisé par cette lutte incessante et le manque criant de leadership. Pour avancer, il est crucial d'avoir un cap et un capitaine, mais actuellement, il n'y a personne aux commandes et surtout aucune perspective. Pour ceux qui restent, il est vital d'adopter urgemment des mesures concrètes et significatives. Il est impératif de repenser entièrement notre cadre réglementaire et économique pour assurer non seulement notre survie, mais aussi notre prospérité future dans l'Horeca.

Pour finir, les accusations diffamatoires à mon égard, amplifiées par une presse sensationnaliste, ont considérablement nui à ma réputation, m'atteignant profondément et irrémédiablement. Aujourd'hui, il suffit de publier une accusation non vérifiée sur les réseaux sociaux pour que celle-ci soit acceptée comme vérité, déclenchant un déluge de réactions haineuses. Désormais, ce ne sont plus les tribunaux, mais les rumeurs qui déterminent la culpabilité ou l'innocence. Nous vivons dans une société où la délation règne et où, face à une rumeur implacable, la présomption d'innocence devient un simulacre. L'aspect le plus affligeant et injuste, c'est l'obligation de silence, ce qui ajoute aux soupçons. Si l'accusé envoie son avocat et ne parle pas, les gens pensent qu'il a quelque chose à cacher, alors qu'il ne le fait que pour protéger son activité, car beaucoup de personnes en dépendent (le personnel, les associés, les partenaires, les fournisseurs, etc.). L'accusé attend en vain une justice qui, malheureusement, n'arrivera qu'après sa mort médiatique. C'est le cas de nombreux individus confrontés à cette situation. Désormais libéré de cette contrainte au silence, je suis déterminé à souligner l'intégrité de ma réputation.

Ces accumulations de bâtons dans les roues durant plus de 35 ans ont été épuisantes et ont freiné mes espoirs de renouveau. Avec un cœur lourd, mais convaincu que c'est la meilleure décision, je choisis de me retirer, espérant un jour revenir dans un contexte plus clément pour redécouvrir et partager de nouveaux moments de joie avec vous.

Malgré tout, quand je repense à ma carrière, je me souviens avant tout du plaisir partagé avec vous tous, des moments de joie que nous avons créés ensemble. Ces souvenirs resteront précieux. Pourtant, face à un horizon qui semble se brouiller davantage, je choisis de me retirer, non sans un pincement au cœur.

Je tiens à vous remercier profondément pour ces années de soutien et d'amitiés. Ce n'est qu'un au revoir, car je garde l'espoir de revenir un jour, peut-être dans un contexte plus clément, pour revivre et partager de nouveaux moments de bonheur avec vous.

Avec toute ma gratitude et un espoir persistant pour l'avenir,

Carl

PS: L'ancien Impérial rouvrira cette semaine avec une nouvelle direction et un nouveau nom, 'Lawren's House'. Plus d'infos à suivre prochainement...

Sébastien COMEAU-MONTASSE

Commercial - Clients francophones

6 mois

Merci Carl ♥️

Sébastien COMEAU-MONTASSE

Commercial - Clients francophones

6 mois

Le Who’s Who’s land, le Studio restent mes meilleurs souvenirs de jeune sorteur.

Pierre van Albada de Haan Hettema

Consultant Real Estate Development

6 mois

Voilà un bien triste mais somme toute réaliste constat de ce qu’est devenue Bruxelles, capitale européenne mais qui n’en a que le surnom. Espérons qu’un sursaut interviendra mais vu le chaos actuel, il est fort à en douter ! Bonne retraite qui vous donnera sans doute l’occasion de rebondir ici ou là, dans un environnement plus propice !

Juste un message pour vous dire un énorme merci pour cette incroyable époque des années 90’ et du Who’s who … et déjà on sentait poindre le virage que vous décrivez. La fête n’est définitivement plus la bienvenue à Bruxelles !

Attilio Perelli del Cippo

Fabricant de mobiliers sur mesure - Créateur D’interieur - Architecture d’interieur

6 mois

Tout est dit ! Merci Carl

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