Biden Président, une bonne nouvelle pour l’Europe ?

Biden Président, une bonne nouvelle pour l’Europe ?

L’élection de Joe Biden à la Présidence des Etats-Unis est peut-être une chance pour l’Amérique et notamment pour son influence sur la scène internationale, mais en est-ce une pour l’Europe ? On peut en douter tant celle-ci avait commencé, au cours des dernières années, à s’affranchir, au moins partiellement, de son oncle d’Amérique. La rhétorique de Trump et certaines de ses décisions avaient en effet remis en question l’entente cordiale entre les deux continents et poussé l’Europe à s’autonomiser des Etats-Unis. Joe Biden, à l’instar de nombre de ses prédécesseurs, et sous couvert d’une vision progressiste de la société et du monde, risque d’endormir les européens pour mieux les maintenir sous dépendance et empêcher in fine l’émergence d’une puissance politique et militaire européenne dont les Etats-Unis ne veulent pas.

Trump a servi d’électrochoc à l’Europe

Face à l’hystérie, aux colères et aux réactions intempestives de Trump, l’Europe s’était tout à coup réveillée. Elle était bousculée dans sa politique extérieure et de défense (au moins au portefeuille), bousculée sur le plan commercial avec de nouvelles barrières douanières ou la menace de leur mise à exécution. C’était le retour du rapport de force, de la politique, celle qui ne repose pas sur l’Etat de droit et le commerce international auxquels l’Europe faisait jusque-là trop confiance. L’Union Européenne, qui avait mis les droits de l’homme et l’environnement au cœur de ses principes devait tout à coup repenser géostratégie, sécurité, protection de ses frontières et de son marché intérieur. Quoi que l’on pense du personnage, Trump avait le mérite de dire tout haut ce qu’une bonne partie des américains pensent tout bas. Il avait également le mérite d’être brutal et de mettre les Etats en face de leurs responsabilités ou de leurs incohérences et de les forcer ainsi à réagir. Les Etats-Unis souhaitent bien sûr rester le meilleur ami de l’Europe, mais tant que cela ne nuit pas trop à leurs intérêts et qu’ils gardent la main face à leur principal concurrent commercial.

Déjà les premiers signes du retour de l’Europe dans le giron américain

Début novembre, anticipant sans doute l’élection de Biden, que tous les sondages donnaient largement gagnant, la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, déclare que « les illusions d’une autonomie stratégique européenne doivent cesser », donnant de fait une fin de non-recevoir au projet de défense européen d’Emmanuel Macron et Jean-Yves le Drian. Et Merkel d’ajouter au lendemain de l’élection de Biden : « notre amitié transatlantique est irremplaçable ». Elle n’aurait pas employé ce mot très fort il y a encore quelques mois tant les relations étaient exécrables avec D. Trump. Les allemands, soutenus par les pays d’Europe de l’Est ou du Nord, se remettent à dire de manière à peine voilée qu’ils préféreront toujours le parapluie nucléaire américain à celui des français. L’Europe de la défense est ainsi mise aux oubliettes. Partisan de l’OTAN, Biden va s’employer à rassurer les différents pays européens sur la pérennité de l’engagement américain, tout en les mettant financièrement à contribution et en leur faisant acheter du matériel américain. Il fera du Trump mais y mettra les formes.

Une Europe à la merci du paternalisme américain et de la silicon valley

Plus largement, Biden va renouer avec le multilatéralisme, réintégrer les accords de Paris et se montrer plus conciliant sur les accords commerciaux. Mais ne nous y trompons pas, ce sera surtout un changement de méthode, le retour à une diplomatie de velours et non plus celle des tweets vengeurs. Finis les rodomontades et les coups de bluff de Trump, les Etats-Unis vont continuer à chercher à maximiser leurs intérêts face à l’Europe mais ils avanceront masqués ou de manière plus « collaborative », surtout préoccupés qu’ils sont à contrecarrer la chine, désormais leur principal rival. Ce sera le sourire de Biden contre les vociférations de Trump, et ce sera sans doute plus efficace pour imposer ses choix, fondés sur le droit et le libre commerce, domaines dans lesquels les Etats-Unis font bien souvent prévaloir leurs règles via la domination sans égale du dollar et le caractère extraterritorial de leurs lois. Alors qu’elle commençait à sortir d’une certaine naïveté consubstantielle à sa fondation, il est à craindre que l’Europe ait à nouveau tendance à s’en remettre au paternalisme américain et continue à nous laisser à la merci du big brother de la silicon valley.


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