Bienveillance oui...mais dans la réciprocité

Bienveillance oui...mais dans la réciprocité

Une révolution s’opère dans les pratiques managériales depuis quelques années autour de la notion de bienveillance. Les managers sont invités à adopter une posture bienveillante dans les relations avec leurs collaborateurs et à laisser de côté les postures traditionnelles fondées sur l’injonction, l’autorité et le contrôle.

Le manager d’aujourd’hui est un « manager-coach » qui aide, soutien, motive, facilite et accompagne.

Il est étonnant de constater que cette révolution, considérée comme une profonde innovation des modèles de management du 21° siècle, se fonde sur des préceptes bien connus depuis des années (si l’on a plus de 50 ans) et dont le chantre fût Carl Rogers. Mais comme dit le proverbe, c’est dans les vieux pots...

Carl Rogers avait en son temps (dans les années 60 du siècle dernier), défini 7 conditions de la relation d’aide et son approche résume déjà parfaitement ce qu’est la bienveillance.

1.      LA PRÉSENCE. La relation est d’abord une présence à l’autre, “être là”. C’est la disponibilité physique et psychologique que l’on a pour l’autre.

2.      L’ÉCOUTE. C’est une posture active qui consiste à se centrer sur ce que l’autre dit ou vit sans que notre propre jugement interfère. L’écoute active met en œuvre le questionnement et la reformulation.

3.      L’ACCEPTATION. C’est la capacité à accepter l’autre avec ses qualités et ses défauts, à être dans une posture de non-jugement, à être ouvert aux émotions de l’autre et à les accepter.

4.      LE RESPECT CHALEUREUX. C’est le fait de reconnaitre l’autre comme une personne humaine digne de respect, libre et capable de prendre des décisions par elle-même.

5.      L’EMPATHIE. L’empathie est un profond sentiment de compréhension qui suppose de se mettre à la place de l’autre et de regarder les choses de son point de vue. 

6.      L’AUTHENTICITÉ. C’est la capacité à être transparent dans la relation et à se positionner dans une relation d’égal à égal. Je ne suis ni dominant, ni dominé dans la relation.  

7.      LA CONGRUENCE. C’est la capacité à être en adéquation entre ce que je ressens, ce que pense, et ce que je dis. 


Au-delà des principes de Rogers, quelles sont les conditions d’une aide et d’un accompagnement efficace ? Peut-on aider tout le monde et quelles que soient les circonstances ? Nous oublions trop souvent que la bienveillance, comme la confiance, ne peut s’exercer durablement que dans la réciprocité.

5 conditions pour aider et accompagner efficacement ses collaborateurs.

1-Une aide n’est efficace que s’il existe une demande d’aide formulée clairement. On ne peut aider efficacement autrui que si ce dernier est demandeur d’aide et que s’il formule clairement sa demande. Or souvent, les managers, trop contents de pouvoir se sentir utiles, répondent instantanément à la demande d’aide (fais ceci ou cela…). Dans cet empressement ils auront souvent oublié de clarifier la demande. « qu’est ce qui te pose problème sur le dossier Machin ? Que n’arrives-tu pas à faire sur ce dossier ? ». Nous pouvons tous utiliser les 4 questions « magiques » qui permettent de clarifier la demande d’aide :

·      qu’as-tu fait et avec quels résultats (permet de savoir où la personne en est et évite de le conseiller sur des éléments qu’elle a déjà traité).

·      quelles sont les freins ou difficultés (permet d’exprimer le problème rencontré concrètement)

·      qu’attends-tu de moi ? (permet de clarifier le besoin)

·      que fais-tu demain ? (permet d’accompagner l’action future)

La question « qu’attends-tu de moi ? » permet à l’autre de clarifier sa demande d’aide et lui permet d’y voir plus clair dans son propre besoin. Elle est généralement extrêmement puissante.

2-Une aide n’est efficace que si j’ai envie d’aider l’autre. Rien de pire que l’aide apportée par devoir et non par envie. La relation est-elle saine ? La demande d’aide ne cache-t-elle pas autre chose ? la demande d’aide est-elle respectueuse ? Un collaborateur vient vous voir pour la troisième fois avec la même question. Il vous teste ou il a décidé de vous faire perdre votre temps. Bref, il vous manipule. La demande d’aide cache une autre intention. Autre cas de figure, le collaborateur vous envahit considérant qu’il est de votre devoir de l’aider sur tous les sujets. Sa demande d’aide est véhémente et considérée comme un du. La personne se comporte en consommatrice d’aide. Enfin on notera aussi le cas du collaborateur qui demande de l’aide et à qui vous allez consacrer du temps et qui refusera tout ce que vous lui proposez parce qu’au fond de lui, il a déjà décidé de ce qu’il allait faire. Notre cerveau intuitif perçoit généralement très bien ces situations et leurs intentions cachées et cela ne nous incite pas à renouveler l’expérience. Dans ces cas, refusez l’aide car votre aide ne sera pas efficace mais expliquez-en le pourquoi sincèrement : «tu m’as déjà posé 3 fois la question cette semaine et je t’ai répondu, donc je pense que tu peux très bien résoudre ce problème sans moi ». Avoir envie d’aider l’autre ne dépend pas uniquement de nous. L’attitude de l’autre est aussi déterminante.

Nous ne sommes pas toujours disponibles pour aider l’autre. Quelquefois ça n’est pas le bon moment, nous ne sommes pas disponibles psychologiquement. Dans ces cas-là, n’hésitez pas à temporiser. « Là aujourd’hui vraiment ça n’est pas le bon moment. J’ai trop de pression et je dois me concentrer sur un sujet prioritaire. Je te propose que nous revoyons cela dans 2 jours, je serai plus au calme ».

« Mon aide n’est pas gratuite » est aussi un message qu’il faut quelquefois savoir faire entendre. Non pas qu’il faille la monnayer mais le temps, l’énergie est l’attention que je porte à l’autre dans la relation d’aide mérite un temps, une énergie et une attention réciproque et…de la reconnaissance. Un simple « merci pour ton aide » y suffit. Encore faut-il qu’il soit prononcé.

3-Une aide n’est efficace qui si elle se situe dans mon périmètre de responsabilité et d’action.

Comment aider efficacement l’autre si l’aide demandée échappe à mon périmètre de responsabilité et d’action ? Les philosophes grecs, que l’on appelle les stoïciens, posaient la question suivante : Pourquoi vouloir dépenser de l’énergie à vouloir changer ce qui ne dépend pas de soi ? La relation d’aide implique aussi cette part d’humilité qui consiste à savoir dire à quelqu’un qu’on ne peut pas l’aider sur certains sujets. Car laisser croire à l’autre qu’on va pouvoir l’aider sans pouvoir d’action, c’est créer de l’illusion et de la frustration à terme. « Je ne peux pas d’aider sur ce problème car cela ne dépend pas de moi » est une parole préférable à celle qui consisterait à prendre un engagement dont on sait qu’on ne pourra pas le tenir.

4-Une aide n’est efficace que si la responsabilité est partagée

Tout ne dépend pas de l’aidant. Dans la relation d’aide, chacun prend sa part. La responsabilité est partagée. Certaines choses dépendent de l’aidant et d’autres de l’aidé. La relation d’aide efficace sait faire le tri entre « ce qui dépend de moi et ce qui dépend de toi ». Et il est souvent utile de poser en préalable à toute aide, ce principe de base et de préciser jusqu’où va l’aide et à quel moment l’aidé prend le relai. Donc il est important de fixer rapidement les limites de l’aide. C’est la différence qui existe entre l’aide et l’assistanat. Je te montre comment faire mais je ne fais pas pour toi.


5-Une aide n’est efficace que si je possède les compétences pour aider l’autre.

Dans le modèle PAE de l’analyse transactionnelle (un autre vieux pot…), le parent Sauveur est l’archétype même de la personne qui veut aider quelque soit les circonstances et même lorsqu’elle ne possède pas les compétences adéquates pour le faire. L’aide est alors improductive et frustrante, voire dangereuse pour la personne aidée. Là encore il faut suffisamment d’humilité dans la relation d’aide pour pouvoir dire à quelqu’un que l’on n’est pas le mieux placé pour l’aider.


En définitive, la bienveillance est une posture complexe. Etre bienveillant ça n’est pas, comme on pourrait le croire souvent,  être gentil ou faire plaisir à l’autre. Etre bienveillant c’est avant tout être utile à l’autre mais aussi savoir être exigeant quant à la réciprocité dans la relation.

REGINE ALBERT

Gestion Administrative et Comptable

6 ans

c'est donne et tu reçois entièrement d'accord

Marie-Laure J.

CSR Employee Engagement Leader

6 ans

Je suis surprise régulièrement de l’opposition qui est faite entre bienveillance et autorité cf « Psychologie de la relation d’autorité » par Roger Muccielli

Excellent article plein de bon sens. Des choses simples à mettre en pratique. c'est à toutes ces conditions que manager devient passionnant .

S'il y a réciprocité, c'est mieux..Mais elle ne peut pas être une condition première et on n'a pas de contrôle sur ce que font les autres. Il faut donc être bienveillent, et advienne ensuite que pourra.

Frédéric BOTTER

Consultant management et développement personnel

6 ans

merci pour vos commentaires encourageants

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