BIRDY-APOCALYPSE
Plusieurs années durant notre bureau d’étude était dans un double bâtiment de 2 étages seulement ; situé dans une zone de bureaux de l’agglomération de Tours. Tous autant que nous étions, n’avions pas remarqué la particularité de ce bâtiment.
Environ tous les deux ou trois mois, il y avait un « boum ! », qui pouvait retentir de façon impressionnante. Il semble que cela avait un lien avec la saison et la météo. Surtout lorsque le ciel était clair avec quelques nuages blancs, des oiseaux de toutes sortes venaient se fracasser contre ce bâtiment à l’esthétique simple et épuré des années 90. Il nous a fallu du temps pour comprendre que ces grandes façades de verre étaient des miroirs mortels.
Le plus bruyant fut un pigeon, qui ensuite tomba raide au pied du bâtiment, sans vie. Le plus impressionnant fut un canard ; pendant une bonne demi-heure il a gigoté, pris parfois de spasmes. Personne n’osa s’en approcher. Et quand il ne bougea plus, c’est ma pomme qui fit un trou dans la belle pelouse pour son dernier repos. Le plus marquant, fut un couple de martins-pêcheurs ; ils se sont crashés à une demi-seconde d’intervalle. On aurait cru les coups d’un fusil de chasse. Après un temps à reprendre ses esprit, l’un repartit survivant, ou peut-être pour mourir ailleurs. Le second, c’est un collègue toujours en déplacement, sauf ce jour-là, passionné de chasse et de nature, qui l’a ramassé ; il ne parvenait plus à s’envoler ni à tenir sur ses pattes. Nous lui racontons alors la récurrence du phénomène. Deux heures plus tard le verdict était définitif. C’est une espèce protégée.
Mais c’est bien toute la variété ornithologique qui est menacée, par le modernisme scintillant et l’indifférence générale.
La vitesse de vol moyenne d’un volatile varie de trente à cinquante-cinq kilomètres par heure. C’est à chaque fois le bec en avant que l’oiseau se plante dans ces grandes baies vitrées assassines et indifférentes à leur sort. A ces vitesses, c’est d’abord le crâne qui reçoit l’impact du bec, puis dans l’instant le coup qui subit une pression considérable, ensuite, le corps et toutes ses entrailles qui passent de cinquante à zéro en une fraction de seconde, et les ailes qui s’étalent parfaitement sur la vitre, laissant ainsi la forme fantomatique faite de poussière et parfois de sang sur l’emplacement précis du drame.
Il est clair à présent que dans la grande vitre brillante et d’argent de Saint Gobain, les habitants de l’air ne voient que la continuité du ciel infini. Ce standard de l'esthétique urbain et des affaires représente bien ce miroir aux alouettes, d'une civilisation de plus en plus virtuelle, égocentriste et narcissique. Miroir, oh mon beau miroir, dit-moi ...
Prenons-nous en compte, dans nos constructions, le monde du vivant, la réalité du vivant ?
J’ai bien conscience de n’avoir aucun poids pour changer ce monde, ce mode de construction. Au mieux, je peux en parler sur la toile de la modernité partagée et rager en solitaire. Au mieux, je peux balancer mes illusions et quelques propositions. Bien sûr qu’il existe des solutions, que vous pouvez tous agir si vous le souhaitez, que nous pouvons faire s’arrêter ce massacre.
Des solutions, il en existe déjà, et on peut en trouver d’autres :
- Par exemple, les particuliers peuvent coller de grandes bandes adhésives micro-perforées sur leurs baies vitrées. Mais c’est d’une durée de vie limitée.
- Des Stickers anticollisions en silhouettes d’oiseaux, mais je suis sceptique sur le niveau d’efficacité.
- Peut-être que les industriels du verre, pourraient tout simplement limiter la brillance, pour ne pas dire la surbrillance des verres à destination du bâtit.
- Limiter sûrement la surface du verre dans les façades.
- Durant la guerre de 14-18, on fait appelle aux peintres cubistes pour inventer et mettre en œuvre le camouflage des engins et des bâtiments. Le temps est peut-être venu de demander aux artistes novateurs d’imaginer le « décamouflage » des buildings de verre et d’argent. Ainsi, dépolir 40% à 60% des façades de verre en créant un nouvel art visuel sur ces grandes hauteurs miroirs.
C’est bien à vous mesdames, messieurs les architectes, enseignant(e)s et étudiant(e)s en architecture de prendre en considération ces faits et de mettre tout en œuvre, de sensibiliser le monde citoyen, de prévenir le politique, d’interpeller le législateur, de moderniser la construction, au sens le plus profond ; de garantir un avenir à tout être vivant.
JYB - juin 2019
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11 moisÀ chaque fois qu'un oiseau heurte ma baie vitrée ça me fend le cœur