Bleu : la couleur du voyage.
Les tableaux de George Caleb Bingham nous en apprennent beaucoup sur l'Amérique des pionniers, sur leurs activités et... sur leurs vêtements. C'est bien un blue jeans que le paysagiste a peint en 1847 dans "Bateliers jouant aux cartes". La solide toile bleue des habits portés par les paysans du Midi et les marins bretons, en laine puis en coton, la Serge de Nîmes, a donné outre-atlantique le fameux “denim" en quittant le port de Marseille avec les Huguenots chassés vers l'Angleterre emportant avec eux techniques et savoir-faire qui profiteront à l'industrie textile britannique et au Wild West. Idée française, industrialisation anglaise, succès américain, nous y sommes habitués. La couleur bleue utilisée dans l'habillement a, elle aussi, son histoire. Elle a fait le tour de la Terre. C'est celle de teinturiers, tisserands et marchands Chinois sur le fleuve jaune, Assyriens et Babyloniens entre le Tigre et l’Euphrate, Indiens sur le Gange, Égyptiens sur le Nil, artisans et navigateurs Perses et Phéniciens en Méditerranée. Dans la France de la Renaissance, le bleu est "pastel", obtenu à partir d 'une plante cultivée dans la région toulousaine : le pastel (Isatis tinctoria). Sa réussite au XVIIIe siècle doit aux tissus d'ameublement puis aux uniformes et aux drapeaux révolutionnaires Mais bientôt, l'approvisionnement insuffisant, les échanges commerciaux avec l'Afrique, l'Asie et l'Amérique ainsi que la forte demande imposent un autre bleu, l'indigo, que la route des Indes avait déjà fait connaitre en Europe au XVe siècle. Pigment très sombre et plus intense que le pastel, avec un large éventail de teintes du bleu pâle au violet, il est obtenu à partir d'une plante, l'indigo sauvage (Indigofera tinctoria), native d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud, et a supplanté le pastel. De l'habit du nomade du Sahara à la tenue de travail du paysan chinois, indémodable blue jeans de l'Occident, le bleu serait bien la couleur symbole d'un ciel sans nuages entre les peuples...