Bongo ne partira pas
Le président gabonais est réélu grâce à une participation de 99,93% de son fief natal.
Au Gabon, un pays d’Afrique centrale d’une population de 1,8 million, vous ne pouvez pas ne pas voir le visage de Ali Bongo Ondimba. A l’aéroport, dans le portrait qui pend derrière le guichet d’immigration, on voit M. Bongo assis dans une chaise luxueuse. Dans les bureaux publiques et privés, on retrouve la même photo. Lorsque notre correspondant l’avait visité, il rayonnait dans des affiches de la dernière édition de l’hebdomadaire français, Jeune Afrique. Dans les journaux locaux, il fait généralement la une.
Ce n’est pas pour demain que ces images vont disparaître. Le 27 août dernier, M. Bongo, qui est président depuis 2009, succédant à son père au pouvoir pendant 42 ans, s’était soumis lui-même à la réélection. Beaucoup s’attendait qu’il gagne et il n’a pas déçu. Mais l’écart des résultats était de loin plus serré que ce que beaucoup d’analystes espéraient. Au final, les résultats ont pris quatre jours pour être publiés et lorsque M. Bongo a été déclaré vainqueur – battant ainsi Jean Ping, un ancien président de la commission de l’Union Africaine – ce n’était qu’une différence de quelques milliers de voix.
C’était tout sauf des résultats propres. L’Union Européenne a déclaré que cette élection « a manqué de transparence ». C’est peu dire. Pour arriver à ce décompte final qui lui donne la victoire, M. Bongo a ravi 95% des voix de sa province natale, le Haut-Ogooué, avec une participation de 99,93%. Au départ, c’était une province avec une population dont le nombre posait problème.
Après le vote, les supporters de M. Ping s’étaient soulevés, incendiant le Parlement gabonais dans la capitale, Libreville. Plusieurs personnes étaient tuées lors de ces affrontements avec les forces de l’ordre. Les bureaux de M. Ping étaient encerclés et par conséquent, il fut assigné à résidence. Aujourd’hui, les rues sont calmes. M. Ping a été relâché à la suite de la pression de la France (la France est l’ancienne puissance coloniale toujours influente). Mais le calme peut être éphémère. Le parti socialiste français au pouvoir avait, en effet, demandé à M. Bongo de se retirer ; quelque chose qu’il n’a pas évidemment l’intention de faire. M. Ping, pendant ce temps, s’est tourné vers le New York Times, demandant au peuple américain « d’aider son pays à sortir de cette crise de démocratie ».
Le problème de M. Bongo est qu’il semble vouloir être jugé comme un vrai homme d’état démocratiquement élu et non comme un autocrate voyou. Lorsqu’il a été interviewé par l’Economist au mois de juillet, il a catégoriquement soutenu qu’il est tolérant à l’égard des critiques. « En très peu d’endroits au monde, vous verrez un chef d’Etat traité comme je le suis », a-t-il dit. Cela est vrai jusqu’à un certain point. La campagne de M. Ping a même allégué que Bongo n’est pas réellement gabonais. Le président Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazaville ou Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de la Guinée Equatoriale ne permettraient pas de telles attaques. Jusque-là M. Bongo ne voulait pas faire partie de leur club.
Maintenant, qu’il ait voulu ou pas, il a rejoint ses voisins. Il reste à voir s’il va supporter les conditions d’adhésion. S’il avait été en mesure de gagner proprement ce vote et sans la violence post-électorale, la France et les autres alliés occidentaux importants auraient probablement fermé les yeux à une petite répression. Maintenant, ils ne peuvent que constater.
Et M. Bongo dirige un pays plongé dans une grave crise économique conséquence de la chute du prix du pétrole. Le pays avait un excédent de 2,5% du PIB en 2014 mais est retombé dans le déficit l’année dernière. Cette année, le déficit va encore probablement se creuser à cause des dépenses pour la coupe d’Afrique des nations l’année prochaine. Le gouvernement admet qu’il devra s’endetter – probablement auprès de FMI – cette année ou le début de l’année prochaine pour compenser l’écart. La stratégie de M. Bongo jusque-là a été de racoler les investissements étrangers directs pour compenser le manque à gagner du pétrole. Cela a eu un certain succès. Le pétrole a chuté de la moitié du PIB en 2008 à moins d'un tiers aujourd'hui. Mais avec sa réputation maintenant en perte de vitesse, cela fonctionnera-t-il toujours?
By The Economist, Traduction par Marcel Mukendi