Brexit: la piste du retour aux sources: le plan Fouchet (1961)

Les trois semaines qui se sont écoulées depuis le Brexit ont confirmé l'analyse présentée ici. Du côté britannique, il convient de se mettre en ordre de marche avant d'affronter la négocation. Telle sera le rôle de la nouvelle Première ministre, Mme Theresa May, qui dispose de deux atouts: les Tories (conservateurs), profondément divisés par le scrutin du 23 juin, sont conscients que leur seule chance est de faire bloc sous la bannière de leur leader. L'opposition est sonnée: le Labour règle ses comptes,UKIP, privée de leader, s'interroge sur son rôle (son programme est rempli). Quant aux entités tentées par l'indépendance, elles ont besoin de temps.

Parmi les vingt sept, la réflexion pâtine ou est marquée par les nombreuses échéances électorales de 2017 (Pays-Bas, France, Allemagne). En France, le calendrier électoral prévalant depuis 2002 (présidentielle en avril-mai, législatives en juin)  impose, entre le début de la campagne et la mise en place des nouvelles équipes, un gros semestre d'inaction politique.

Faute de proposition concrete, il est une piste qui, semble-t-il,a été négligée. Elle part du raisonnement suivant: puisque le Royaume Uni s'en va, pourquoi ne pas se pencher sur la situation qui prévalait avant son entrée dans la Communauté ? En cette période là, l'Europe marchait plutôt bien.

Les objections fuseront aussitôt: nous étions 6, nous sommes 27. L'Europe s'est énormément complexifiée, la zone euro et Schengen sont en place.

Et pourtant, les six fondateurs retrouvent une légitimité du seul fait du départ britannique.

Quelques années avant l'arrivée de Londres, les Six n'étaient pas parvenus à s'accorder sur la proposition de plan Fouchet présentée par le Général de Gaulle. Celle-ci allait pourtant assez loin: une Union d'Etats compétente pour la politique étrangère, la défense, la culture.

Ce plan avait acchoppé sur trois questions:

  • le refus français de l'adhésion britannique: désormais hors sujet;
  • la subordination de l'Europe à l'OTAN: nul ne peut nier que la question se présente sous un jour nouveau, puisque en 1961, nous étions dans l'Europe des blocs
  • la supériorité de l'Union sur la Communauté, qui n'aurait plus de raison d'être. En effet, les fondateurs plus ceux qui souhaiteraient les rejoindre pourraient fort bien décider d'engager entre eux une Union plus étroite.

Aussi, il m'a semblé utile de retrouver le plan Fouchet dans sa version initiale. Bien des modifications devraient être apportées à ce document datant de 55 ans. Mais à la réflexion, il n'a pas si mal vieilli. Jugez en par vous-mêmes.

Début de citation

Projet de traité - Plan Fouchet I (2 novembre 1961)

 

Légende: Les 19 octobre et 2 novembre 1961, conformément à la mission confiée le 18 juillet 1961 par la conférence des chefs d'État et de gouvernement des Six réunis à Bonn, la commission Fouchet présente un premier projet de traité d'Union politique européenne (Plan Fouchet I).

Source: Recueil des documents institutionnels de la Communauté de 1950 à 1982. Luxembourg: Parlement européen Commission institutionnelle, 1982. 513 p. p. 98-100.

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Date de dernière mise à jour: 23/10/2014

Projet de traité - Plan Fouchet I (2 novembre 1961)

« Les Hautes Parties contractantes,

Convaincues que l’organisation de l’Europe dans une liberté respectant sa diversité permettra à leur civilisation de s’épanouir davantage encore, protégera leur patrimoine spirituel commun contre les menaces dont il peut être l’objet et contribuera ainsi au maintien de relations pacifiques dans le monde;

Décidées à sauvegarder ensemble la dignité, la liberté et l’égalité fondamentales des hommes, quelles que soient leur condition, leur race ou leur religion, et à concourir à l'avènement d'un monde meilleur où le règne de ces valeurs soit définitivement assuré;

Affirmant leur attachement aux principes de la démocratie, aux droits de l'homme et à la justice dans tous les domaines de la vie sociale;

Désireuses d'accueillir parmi elles les autres pays d'Europe prêts à accepter les mêmes responsabilités et les mêmes obligations;

Résolues à poursuivre le rapprochement de leurs intérêts essentiels, qui constitue déjà l'objectif, dans les domaines qui leur sont propres, de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, de manière à préparer un destin désormais irrévocablement partagé;

Décidées, à cette fin, à donner, conformément à la déclaration adoptée par les chefs d'Etat ou de gouvernement à Bonn le 18 juillet 1961, un caractère statutaire à l'union de leurs peuples;

Ont désigné pour leurs plénipotentiaires:

lesquels, après avoir échangé leurs pouvoirs en bonne et due forme, sont convenus de ce qui suit:

Titre Premier – DE L’UNION DES PEUPLES EUROPÉENS

Article premier

Il est institué par le présent traité une union d'Etats, ci-après désignée par le terme: l'Union.

L'Union est fondée sur le respect de la personnalité des peuples et des Etats membres, l’égalité des droits et des obligations. Elle est indissoluble.

Article 2

L'Union a pour but :

  • de parvenir, dans les questions qui présentent un intérêt commun pour les Etats membres, à l'adoption d'une politique étrangère commune;
  • d’assurer par une étroite coopération entre les Etats membres dans le domaine de la science et de la culture, l’épanouissement de leur patrimoine commun et la sauvegarde des valeurs qui donnent son prix à leur civilisation;
  • de contribuer ainsi dans les Etats membres à la défense des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de la démocratie;
  • de renforcer, en coopération avec les autres nations libres, la sécurité des Etats membres contre toute agression grâce à l'adoption d'une politique commune de défense.

Article 3

L'Union a la personnalité juridique.

Dans chacun des Etats membres, l'Union jouit de la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales. Elle peut notamment acquérir et aliéner des biens immobiliers et mobiliers et ester en justice.

Titre II – DES INSTITUTIONS DE L’UNION

Article 4

Les institutions de l'Union sont:

  • le Conseil;
  • l'Assemblée parlementaire européenne;– la Commission politique européenne.

Article 5

Le Conseil se réunit tous les quatre mois, au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement et, dans la période intermédiaire, au moins une fois au niveau des ministres des affaires étrangères. Il peut, en outre, se réunir à l'un ou l'autre niveau, en session extraordinaire à tout moment à la demande d'un ou de plusieurs Etats membres.

A chacune de ses réunions, au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement, le Conseil désigne un président qui prend ses fonctions deux mois avant la réunion suivante et les conserve deux mois après celle-ci.

Les réunions du Conseil au niveau des ministres des affaires étrangères sont présidées par le ministre des affaires étrangères de l'Etat dont le représentant préside les réunions au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement.

Le président en exercice préside les réunions extraordinaires qui peuvent avoir lieu pendant la durée de son mandat.

Le Conseil choisit le lieu de ses réunions.

Article 6

Le Conseil délibère sur toutes les questions dont l'inscription à son ordre du jour est demandée par un ou plusieurs Etats membres. Il adopte, à l'unanimité, les décisions nécessaires à la réalisation des buts de l'Union. L'absence ou l'abstention d'un ou de deux membres ne fait pas obstacle à la formation de la décision.

Les décisions du Conseil sont obligatoires pour les Etats membres qui ont participé à leur adoption. Les Etats membres pour lesquels une décision n'est pas obligatoire en raison de leur absence ou de leur abstention peuvent y adhérer à tout moment. La décision devient obligatoire pour eux à partir de leur adhésion.

Article 7

L'Assemblée parlementaire européenne prévue par l'article premier de la convention relative à certaines institutions communes aux Communautés européennes, signée à Rome le 25 mars 1957, délibère sur les matières qui se rapportent aux buts de l'Union.

Article 8

Elle peut adresser au Conseil des questions orales ou écrites.

Elle peut présenter des recommandations au Conseil.

Le Conseil, saisi d'une question par l'Assemblée parlementaire européenne, lui donne réponse dans un délai de quatre mois.

Le Conseil, saisi d'une recommandation par l'Assemblée parlementaire européenne, fait savoir à celle-ci dans un délai de six mois la suite qu'il lui a donnée.

Le Conseil présente chaque année à l'Assemblée parlementaire européenne un rapport sur son activité.

Article 9

La Commission politique européenne se compose de hauts fonctionnaires appartenant à l'administration des affaires étrangères de chaque Etat membre. Son siège est à Paris. Sa présidence est exercée par le représentant de l'Etat membre qui détient la présidence du Conseil et pendant la même durée.

La Commission politique européenne établit les organes de travail qu'elle estime nécessaires.

Article 10

La Commission politique européenne dispose du personnel et des services nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

La Commission politique européenne assiste le Conseil. Elle prépare et exécute ses délibérations. Elle s'acquitte des missions que le Conseil peut lui confier.

Titre III – DES OBLIGATIONS DES ÉTATS MEMBRES

Article 11

Les Etats membres se doivent solidarité, confiance réciproque et concours mutuel. Ils s'engagent à ne pas prendre d'initiative ou de décision qui seraient de nature à entraver ou retarder la réalisation des buts de l'Union. Ils se prêtent loyalement aux consultations qui leur sont proposées et répondent aux demandes d'information qui leur sont adressées par le Conseil ou, en exécution d'instruction du Conseil, par la Commission politique européenne.

Titre IV – DES FINANCES DE L’UNION

Article 12

Le Conseil arrête chaque année le budget de l'Union qui comprend toutes les recettes et toutes les dépenses.

Article 13

Les revenus de l'Union proviennent des contributions versées par les Etats membres selon la clé de répartition suivante:

Belgique                                    7,9

France                          28

Allemagne (R.F.)                                    28

Italie                              28

Luxembourg                            0,2

Pays-Bas                                    7,9

_____

100,0

Article 14

L'exécution du budget est assurée par la Commission politique européenne, qui peut déléguer à son président tout ou partie des pouvoirs nécessaires à cette fin.

Titre V – DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 15

Le présent traité pourra être révisé. Les projets d'amendement sont soumis au Conseil par les Etats membres. Le Conseil se prononce sur les projets et décide s'il convient de les soumettre, pour avis, à I'Assemblée parlementaire européenne.

Les projets d'amendement adoptés par le Conseil à l’unanimité sont soumis, lorsque l'Assemblée parlementaire européenne, s'il y a lieu, a donné son avis, à la ratification des Etats membres. Ils entrent en vigueur lorsque tous les Etats membres les ont ratifiés.

Article 16

Trois ans après l'entrée en vigueur du présent traité, celui-ci sera soumis à une révision générale, qui aura pour objet l'examen des mesures propres à renforcer l'Union, compte tenu des progrès accomplis.

Cette révision devrait avoir pour objectifs principaux l’établissement d'une politique étrangère unifiée et la constitution progressive d'une organisation centralisant, au sein de l'Union, les Communautés européennes mentionnées dans le préambule du présent traité.

Les amendements qui résulteront de cette révision seront adoptés conformément à la procédure fixée à l'article 15 ci-dessus.

Article 17

L'Union est ouverte à l'adhésion des Etats membres du Conseil de l'Europe qui acceptent les buts fixés à l'article 2 ci-dessus et qui ont préalablement adhéré aux Communautés européennes mentionnées dans le préambule du présent traité.

L'admission d'un nouvel Etat membre est décidée par le Conseil à l'unanimité, après l’établissement d'un acte additionnel au présent traité. Cet acte contient les adaptations nécessaires au présent traité. L'acte d'adhésion entre en vigueur lorsque l'Etat intéressé a déposé son instrument de ratification.

Article 18

Le présent traité, rédigé en un exemplaire unique, en langue allemande, en langue française, en langue italienne et en langue néerlandaise, les quatre exemplaires faisant également foi, sera déposé dans les archives du gouvernement de... qui en remettra une copie certifiée conforme à chacun des gouvernements des autres Etats signataires.

Le présent traité sera ratifié. Les instruments de ratification seront déposés auprès de... qui notifiera leur dépôt aux gouvernements des autres Etats membres.

Le présent traité entrera en vigueur le jour du dépôt de l'instrument de ratification de I'Etat signataire qui procédera le dernier à cette formalité.

En foi de quoi les plénipotentiaires soussignés ont apposé leur signature au bas du présent traité et l'ont revêtu de leur sceau. »

 

Fin de citation.

 

 

 

 

 

 

 

 

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