Bruxelles, capitale de nos espérances
© Viince Vanden Bogaard

Bruxelles, capitale de nos espérances

Il y a vingt ans à Bruxelles, la jeunesse européenne s’organisait autour d’un rêve pan européen et proposait la paix aux organisations de la jeunesse arabe. Qu’avons-nous fait de si mal pour n’avoir pas su faire grandir la même espérance à Molenbeek et à Saint-Denis ?

À l’été 1996 nous nous retrouvions rue Joseph II, à Bruxelles, pour lancer le nouveau Forum européen de la jeunesse. Pour nous rendre au bureau, nous descendions à la station Maelbeek avant de traverser le petit parc. Parfois nous faisions un détour par le Wild Geese, le pub irlandais qui abritait nos discussions stratégiques. Nous débattions de la manière d’intégrer les organisations représentatives de la jeunesse des pays issus de l’ancien bloc soviétique. Le Mur de Berlin, tombé sept ans auparavant, nous mettions sur pied le grand projet qui, on le croyait, devait unifier la jeunesse européenne afin de consolider la paix et la prospérité sur le continent. Nous l’élargissions aux frontières des états membres du Conseil de l’Europe. Nous travaillions avec les institutions européennes pour mettre en place les programmes de renforcement des sociétés civiles. C’était exaltant. Beaucoup de voyages, de rencontres, de promesses.

La même année, nous nous lancions dans un projet de coopération avec les organisations de la jeunesse arabe. Nous avions affaire aux représentants des jeunesses révolutionnaires qui exprimaient fortement leur revendications d’émancipation. Elles nous faisaient de nombreuses remontrances sur les tendances néo-colonialistes de nos démocraties et nous tentions de démontrer que la nouvelle génération que nous représentions n’avait pas les mêmes défauts que celles de nos aînés. En parallèle nous menions un dialogue euro-méditerranéen qui existait formellement au niveau des états depuis 1995. Il avait notamment pour but de soutenir le dialogue israélo-palestinien. Les organisations de la jeunesse arabe nous reprochaient une certaine duplicité. Nous avons du donner de nombreux gages de bonne volonté, pensant à l’avenir que nous forgerions ensemble.

C’est dans cette veine qu’en 1997, avec des amis scouts, nous avons imaginé un projet de promotion et de réconciliation en Méditerranée : La croisière pour la paix. Avec mes collègues nous habitions à Molenbeek, rue du Niveau. C’est dans la maison que nous appelions « commune » qu’avec Dominique, nous avons conçu l’essentiel du projet : un programme de formation aux techniques de résolution de conflit à bord d’un trois-mâts navigant au Moyen-Orient. À l’été 1999, cent vingt jeunes issus des pays du bassin méditerranéen embarquèrent pour une expérience unique mêlant juifs, chrétiens, musulmans, athées, garçons et filles. Des jeunes provenant de toutes les zones en conflit pour expérimenter l’effet subversif de la fraternité. Dans les ports d’étapes nous communiquions notre utopie lors d’événements pour la paix que nous pensions convaincants.

"Expérimenter l’effet subversif de la fraternité."

C’était il y a vingt ans. Tous les amis impliqués dans ces projets ont grandi politiquement, culturellement, socialement. Chacun à sa manière est devenu agent de développement dans sa communauté.

Mouvements de jeunesse aux implantations locales effectives, qu’avons nous fait pour ceux qui, il y a vingt ans étaient encore des enfants à Molenbeek et à Saint-Denis, aujourd’hui acteurs de la radicalisation islamiste ? Ils nous attaquent à présent sur les principes que nous voulions partager avec tous, donc avec eux. Nous avons mis de gros moyens sur des campagnes de lutte contre le racisme et l’exclusion. « Inclusion », disions nous. Enfants puis adolescents, ils n’ont pas été touchés par l’espérance à laquelle nous avions mis tant de foi commune.

C’est le désespoir qui m’envahit en constatant l’échec de « l’inclusion » . Il n’y a pourtant qu’un seul moyen qui prépare à vivre ensemble. C’est l’éducation. Elle doit surpasser la capacité des arsenaux militaires et elle doit préparer à toutes les intelligences qui ne sont pas que diplomatiques, mais culturelles et sociales.

Rue du Niveau à Molenbeek, nous préparions une croisière pour la paix dont les enfants du quartier n’ont pas entendu parlé. Ils auraient su, sinon, que la fraternité est subversive et irrésistible.

Richard Amalvy
Administrateur du Forum européen de la Jeunesse (1996-1998)
Directeur de La croisière pour la paix (1997-1999)

 

Pour en savoir plus sur :
- La croisière pour la paix : www.peacecruise.org
-
 Le Forum européen de la jeunesse : www.youthforum.org

Pedro Henrique Aparício

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8 ans

Ce rêve continue d'être à beaucoup d'entre nous . L'histoire est en cours d'écriture chaque jour, nous étions tous jeunes Européens et nous sont également invités à construire un monde meilleur. Merci pour le rappel et le partage.

Merci Richard de tes mots et de cet éclairage pour moi. Oui, confiance en ce qui a été semé et poursuivons nos échanges fraternels avec un coeur ouvert pour l'Autre.

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