Capital boursier – capital humain : une alliance contre nature ou un mariage vecteur de croissance et de stabilité ?

Capital boursier – capital humain : une alliance contre nature ou un mariage vecteur de croissance et de stabilité ?

Article paru dans Le Cercle Les Echos, le 21 juillet 2016

Regards croisés de Sabine Lochmann, Présidente du directoire de BPI group, et Aline Poncelet, Avocate Associée chez Paul Hastings

 

La parution des rapports d'activité 2015 et la saison des assemblées générales nous interpellent à nouveau sur l'importance des engagements extra-financiers des entreprises. L'augmentation régulière des questions des actionnaires à ce sujet témoigne de l'intérêt des investisseurs pour le capital humain et la RSE.

Cette évolution apparaît comme un paradoxe, au moment même où l'impact de la mondialisation, de la financiarisation de l'économie et des défis de la digitalisation, du trading à haute fréquence à l'intelligence artificielle, semblent démontrer que le capital boursier et le capital humain appartiennent à deux univers étrangers l'un à l'autre, voire hostiles lorsqu'on parle de « licenciements boursiers ».
Pourtant, les marchés financiers ne sont pas schizophrènes et les comités RSE ou les spécialistes RH externes ou internes ne sont pas naïfs.
Sans remonter à Jean Bodin qui osait écrire en 1576  qu'« il n'y a richesse, ni force que d'hommes », la dynamique juridique est clairement en faveur d'une appréciation explicite et économique des engagements extra-financiers des entreprises. 

Depuis la loi NRE de 2001, une obligation de publier des données « sur la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité » s'impose aux sociétés cotées.

Cette évolution législative a été parachevée par les lois Grenelle I et II et surtout le fameux décret Grenelle II de 2012 qui a défini les trois types d'informations relevant de cette obligation : sociales, sociétales et environnementales. Tous les observatoires et autres initiatives de place nécessaires à leur suivi ont été mis en place dès 2013.
Cette évolution s'inscrit au demeurant dans un cadre européen dont les points d'orgue sont la directive de 2013 sur les comptes et surtout celle de 2014 dite « Directive RSE » qui doit être transposée par tous les Etats membres d'ici le 6 décembre 2016. De même, au plan international, les Nations Unies ont lancé en 2006 les Principles for Responsible Investment (PRI) parachevés en 2012. En octobre 2013, le premier ICH - Indice du Capital Humain ou Human Capital Index - a été publié par le World Economic Forum.

Objectif :  classer les pays « en termes d'optimalisation de leur potentiel économique de la main d'oeuvre à long terme ». L'ICH mesure « les capacités d'un pays à développer et utiliser une main d'oeuvre saine, formée, et compétente ». Enfin, au terme d'un processus entamé en 2009, la norme de l'International Integrated Reporting Council (IIRC) qui intègre la stratégie financière et la RSE, a commencé à s'imposer.
Alors pourquoi cette impression de paradoxe ? Sans doute parce que l'on confond un peu vite les investisseurs et les spéculateurs. Les investisseurs de long terme dans les grands groupes sont très sensibles aux valeurs de la RSE. D'ailleurs, comme on le sait, ce sont eux qui rémunèrent les audits extra financiers.
Et ce n'est pas sans raison. Depuis la mise en place récente de ces dispositifs, on peut maintenant démontrer des corrélations qui ne sont sans doute pas dues au hasard entre les notations RSE très faibles, dans l'un ou l'autre des domaines de la norme RSE ISO 26 000, et les scandales financiers ou révélateurs de risques majeurs. Ainsi, Vigeo avait jugé la performance générale de Volkswagen « limitée », avec un score de 48/100, en retrait par rapport à ses pairs du secteur de la construction automobile, et  elle avait noté Tepco, propriétaire de la centrale de Fukushima, 7/100 en environnement et 2/100 en gouvernance d'entreprise.

De même, on peut constater que les fonds d'investissement socialement responsables (ISR) ont connu un développement spectaculaire depuis dix ans, avec la multiplication par 25 de leurs encours détenus par les investisseurs.

Et ces fonds RSI sont fondés sur la recherche d'une rentabilité qui n'est pas plus faible que celle des autres fonds : leur stratégie est d'aligner retour sur investissement et développement durable et non pas de « sacrifier » la rentabilité sur l'autel de valeurs sociales ou sociétales.
La politique volontariste des législateurs nationaux et européens commence donc à porter ses fruits et à démontrer que la convergence entre capital humain et capital boursier ne relève ni du paradoxe, ni d'une simple interrogation éthique ou morale mais de la nécessité économique.

Il nous appartient d'accompagner ce développement en travaillant sur des outils de mesure de la contribution du capital humain et sociétal aux résultats de l'entreprise car, dans le monde économique, seul ce qui est soumis au test de la preuve et de la quantification est valorisable. Experts du management RH et des restructurations socialement responsables, qui faisons de la satisfaction de toutes les parties prenantes - les salariés et leurs représentants, le territoire et la ligne managériale - notre objectif premier, nous avons également pour rôle d'aider les entreprises à développer des outils et méthodes pour développer ce capital humain dans une dynamique de performance.
Ces outils et méthodes permettent de préserver l'emploi en anticipant les défis résultant de la transformation des entreprises, et d'éviter les trop nombreuses fusions destructrices de valeur. Ils apportent les réponses innovantes qu'exige l'employabilité des salariés. Autant de raisons qui justifient l'intérêt des investisseurs pour le capital humain et la RSE.

Eric LEGER 💰

Expert Finance | Formateur

8 ans

@Sabine Lochmann Beaujour. Un sujet de fond pour lequel @Jeremy Rifkin propose une analyse fine, tendant à démontrer que le capital social viendra prendre le pas sur le financier. J'ai posté de nombreux articles à ce sujet fort intéressant.

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