Ce que les bulles financières nous montrent sur les pièges de la psychologie humaine : apprenez à les décoder et même à vous en servir avec profit !

Cet article approfondit et complète celui paru samedi 15 septembre reprenant le titre suivant[1] :

1.     quelques repères de compréhension des mécanismes de bulles

valeur et prix

Tout bien ou placement a une «valeur fondamentale» intrinsèque fondée sur différents critères qui peuvent se combiner comme:

  • l’usage ou l’emploi (par ex un logement, mais pensez aussi à certains métaux industriels clés pour la fabrication des composants électroniques…)
  • la rareté
  • l’originalité, la créativité associées à ce bien (et donc la mode)
  • l’innovation technologique, le progrès déterminant qu’il apporte

Le prix n’est qu’une expression de l’échange, du marché où se confrontent l’offre et la demande. Bien sûr, les biens habituels sont vendus à un prix largement conditionné par le prix de revient (le coût de fabrication et de commercialisation), la demande, la marge possible en fonction des études de marché etc

Pour les placements au sens large, le prix est déterminé par une « cotation » de plus en plus en continue grâce aux progrès de l’ère digitale, accentuant et accélérant :

  • l’accès quasi instantané au marché de milliers voire millions de participants
  • la conclusion immédiate des transactions
  • la diffusion immédiate de l’information sur le prix.

Réalisons que tout cela ne s’est mis en place que depuis 30 ans pour l’informatisation, 20 ans pour Internet, 10 ans pour les smartphones.

Qu’est-ce qu’une bulle financière ?

Quand il n’y a plus de correspondance raisonnable entre la valeur et le prix, les cours montent parce qu’ils montent : la hausse s’autoentretient par de nouveaux épargnants qui affluent pour en profiter, ce qui fait monter les cours, la prévision s’autovalide.

Bien sûr, il est difficile de justifier la hausse à un certain stade et un des indices de maturité c’est l’arrivée de commentaires où cette hausse est qualifiée de « normale » car on est dans une « nouvelle ère », un « nouveau paradigme », et que « ça n’a rien à voir » etc. etc.

Il y a des paroles célèbres qui se répètent à travers les siècles puisqu’en fait la psychologie humaine ne change pas et obéit à des lois stables donc répétitives !

Mais pour qu’une bulle puisse se former, il y a des conditions :

  • un cycle favorable, une tendance à long terme déjà haussière du bien dont la valeur au départ s’apprécie elle-même avec de bonnes raisons[2]
  • pouvoir emprunter facilement et pas cher, (en période par exemple d’expansion globale économique et financière, ou actuellement avec les Banques centrales occidentales qui ont accéléré depuis 2008 la création monétaire impliquant des taux d’intérêt bas)[3]
  • des outils et comptes pour investir faciles à utiliser et accessibles[4]
  • des moyens de diffuser l’information (et le relais des médias qui se mettent à parler d’informations quand elles sont largement connues et donc n’anticipent rien cf. mon article du 15 septembre sur l’explosion du bitcoin)

2.     Quelques bulles à travers l’histoire

Sans rentrer dans des détails historiques, je me contenterai de présenter des graphiques qui se répètent à travers les âges mais j’ai volontairement « masqué » de quand et de qui il s’agit :


On voit bien la similarité frappante de la forme des bulles, leur phase finale étant une pente parabolique menant toujours à une correction de 60 à 80% des excès, voire plus de 100% pouvant durer plusieurs mois ou années….

La réponse sur l’identité démasquée de ces bulles, vous la trouverez à la fin de cet article !

Les bulles suivent des stades répétitifs, ce graphique les décrit et sa forme correspond à celle des bulles vécues dans les exemples ci-dessus (et il y en a bien d’autres, de  la bulle des tulipes à la crise de 1929 ou celle de 1987).

Les bulles se forment grâce au levier des émotions dans la psychologie humaine[5] en schématisant :

  • Une émotion d’envie de gagner et l’impulsion de ne pas rater la bonne affaire
  • Une émotion de peur de louper la hausse
  • Une émotion d’euphorie lorsqu’on voit ses placements réussir (conduisant à garder)
  • Une émotion d’orgueil lorsque le marché commence à rebaisser (conduisant à garder)
  • Une émotion de peur de tout perdre (conduisant à vendre à tout prix lorsque le marché a chuté)

Mais la psychologie collective accentue et entretient ces impulsions :

En vague d’optimisme, elle entretient les excès et « conforte » les impulsions en leur donnant une base rassurante (« tout le monde achète, pourquoi pas moi ? s’ils le font, ils ont raison etc.)

Cet optimisme est partagé et entretenu par les professionnels (mais à un certain stade, ils se dégagent discrètement quand ils le peuvent, avant les particuliers) et, au dernier stade, par les médias qui jouent sur les émotions pour vendre plus.

En vague de pessimisme, elle entretient évidemment la peur et les mauvaises nouvelles se multiplient (alors qu’il y avait certainement bien des problèmes réels dans le secteur concerné, mais vus avec optimisme et confiance dans la phase d’euphorie).

3.     Comment faire pour en tirer parti ?

A titre individuel, mieux se connaître est primordial pour tout choix important dans la vie, à cette évidence j’ajoute que des techniques simples de développement personnel peuvent accroître la maîtrise des émotions comme la méditation, les méthodes de lâcher prise etc.

Parallèlement, construire des outils simples de référence permet de s’y reporter avant tout choix. En matière de placements, il faut avoir étudié même schématiquement les marges de manœuvre financières, les échéances et les objectifs que l’on peut se donner et formaliser une « stratégie » que l’on relit avant de prendre toute décision impulsive.

Ensuite, reconnaître avec quelques exemples et lectures, dans quelle phase peuvent être les marchés d’investissement auxquels on s’intéresse, « flairer » l’opinion dominante, lire les gros titres, avoir quelques sources d’informations plus confidentielles pour savoir ce que font les professionnels…permet de se douter dans quelles phases de bulles on est. Je pratique aussi la lecture de sondages spécialisés et de baromètres techniques sur l’humeur des marchés que je suis et notamment les analyses graphiques. J’y consacre une part de mes recherches et j’aimerais vous faire partager mes observations.

Ceci peut conduire par exemple à :

  • Repérer qu’un marché est en surchauffe et ne pas y investir[6]
  • Repérer qu’une tendance, qu’un secteur, qu’une personne qui fait l’unanimité est sans doute au stade final de son ascension et en tirer des conséquences générales ou personnelles[7]
  • Se décider à vendre quand on a participé avec succès à un marché qui devient en hausse parabolique[8]
  • Repérer qu’un marché qui végète et désintéresse le grand public fait l’objet de grandes manœuvres souterraines des professionnels[9]
  • Repérer qu’un bien, un marché, un secteur qui n’a en fait rien perdu de sa valeur fondamentale vient de subir un krach et que plus personne ne veut y croire, sans doute les prix ont subi une chute énorme et en fait le marché est redevenu bon marché[10]

Bien sûr, l’identification de nos propres comportements, nos ressorts psychologiques, ceux de nos congénères et leur compréhension nécessitent un peu de temps et de recul.

Je fournis des « grilles de lecture » et des mémentos très simples avec quelques pistes ici qui peuvent commencer à provoquer quelques réflexions et de meilleures protections, notamment par rapport aux titres des journaux ou aux humeurs autour de la machine à café….

Marc GENTILHOMME

18 septembre 2018

www.altiveo.com


l’identité des 4 bulles prises comme exemple :


NB : j’ai fait figurer une des 4 bulles que le bitcoin a traversées, il y en a  eu 2 en 2013[11] !

[1] Article paru dans ATLANTICO le 14 septembre 2018 par Michel RUIMY

[2] Exemple, juste avant la bulle Internet, le marché des actions était en cycle favorable (démarrant en 1995)

[3] NB l’immobilier est un secteur de bulle très grand public car c’est le seul placement où on peut emprunter massivement 80% voire 100% ou plus du prix demandé par le vendeur

[4] actuellement internet bien sûr, mais le déclic en France sur les actions avait commencé avec les fonds collectifs (en 1978, création des Sicav Monory) le paroxysme ayant été par exemple en décembre 2017 où des centaines de milliers de petits épargnants se sont mis à ouvrir des comptes sur de grandes plateformes comme COINBASE ou BINANCE qui se retrouvaient saturées !

[5] Lire notamment les livres de Peter LYNCH, gestionnaire du fonds Magellan, avec leurs anecdotes très pédagogiques et pleines d’humour, sur la nature humaine (ou alors relisez Agatha Christie)

[6] L’art, l’immobilier dans certaines capitales mondiales ? le bitcoin fin décembre 2017 ?

[7] Angela Merkel, femme de l’année 2015 d’après le magazine Time ?

[8] Les bulles de la page 2 en  pente parabolique ?

[9] L’eau, l’énergie, les ressources agricoles, les métaux rares depuis des années à l’échelle mondiale ?

[10] L’immobilier parisien en 1998 ? Le Nasdaq en 2003 ? Le bitcoin depuis l’été 2018 ?






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