Ce que les dinosaures du recrutement vont encore nous apprendre

Ce que les dinosaures du recrutement vont encore nous apprendre

>> Ou comment s'inspirer de ceux qui recrutaient avant l’arrivée d’internet <<

Attendez de lire la suite …

Des centaines d’articles parlent du recrutement et de ce que le COVID va changer dans nos méthodes de travail après l’épidémie. Et le plus probable, c’est que tout redevienne aussitôt comme avant, à l’identique.

Bien sûr, cette possibilité de changer les choses a déjà tapé dans l’œil des plus avertis ou des plus malins de notre secteur. Tant mieux. Car il nous faut se bouger pour changer les choses. Rien ne changera tout seul.

Néanmoins, j’aimerais jeter un coup d’œil dans le rétro juste un moment. Pour mieux comprendre.

Il y a 15 ans de cela, Brigitte Dours du cabinet de chasse DS international m’a formé au recrutement : des entretiens candidats de 3 à 4 heures qui précédaient aux comptes rendus d’une vingtaine de pages (si si) et toute une vie passée au téléphone. Mais elle, Brigitte, elle recrutait 12 ans avant l’arrivée d’internet, et 5 ans avant l’arrivée du fax comme un outil commercial.

Et bien avant que les ordinateurs n’entrent dans les bureaux.

Conclusion : aucune base de données ! - Vous commencez à me voir venir, hein.

Préhistoriques ? Risibles ? Peut-être. Mais pourrait-on s’inspirer de ces antiques méthodes de travail ? Certaines compétences ne résonneraient-elles pas encore aujourd’hui … plusieurs décennies plus tard ? 

Plus que je l’envisageais en fait. Voyons voir. Faites attention, c’est maintenant que débute la grande leçon de nos ancêtres les dinosaures.

1)    La prise de commande (ou pourquoi le mouton à 5 pattes ne court pas plus vite)

Comme Brigitte me l’a souvent répété : « à mon époque, personne ne m’a jamais envoyé de descriptif de poste ! ». Au début, ça me faisait rire. Seulement au début.

C’est vrai, à l’époque, il n’y avait pas le mail du client ou du prospect (pas investit) et qui disait sans s’attarder : « J’ai besoin d’un bon profil expérimenté dispo ASAP, merci. ».

Aucun texte alternatif pour cette image

De mon expérience, de nombreux recruteurs agissent à partir de ce type de "brief" en se précipitant comme des canards sans tête, en travaillant dur pour le plaisir de ne pas être payés !

Nos Dinosaures du recrutement, eux, prenaient des briefs par téléphone. Mieux, en face à face. Et les meilleurs d’entre eux sont devenus extrêmement compétents pour qualifier ces commandes clients. En somme, collaborer pleinement avec son client et l’impliquer dans cette prise de brief pour le rendre réaliste et surtout réalisable. (Exit, au passage, le mouton à 5 pattes).

Ils posaient les questions difficiles (celles qui fâchent parfois) mais qui étaient inévitables si on voulait éviter tout malentendu. Ils donnaient des conseils. Ils affinaient leurs exigences avec le client, pour que chacun puisse s’y retrouver. Ils vendaient une exclusivité. Et de sacrés honoraires.

Aucun texte alternatif pour cette image

Je n’étais pas là à l’époque, mais je peux constater qu’aujourd’hui, certaines de ces compétences se sont perdues ou dilués au fil des années. On parle moins aux clients, on essaye de remplir des tableaux de commandes en les faisant correspondre aux mots clés des CV envoyés par mails. Brigitte me dit que tout ça, c’est de la folie.

Elle veut revenir en arrière !

A défaut, il faudrait, au moins en partie, revenir dans cette direction après cette période particulière de transition du COVID 19.


2)    L’influence du téléphone

Voilà ce que je pense : le téléphone est un outil social extrêmement puissant pour le recruteur. La vidéo également (Zoom, Facetime, Skype). Brigitte me fait souvent remarquer que les recruteurs des temps modernes ont tendances à sous-estimer le téléphone, cet outil « serial-placeur de candidats », selon elle.

Attention, j’utilise autant le mail que le téléphone, je ne pourrais me passer, ni de l’un, ni de l’autre ! C’est surement à cause de Brigitte (non pardon, grâce à elle !) que je passe autant de temps au téléphone avec les clients et les candidats. Le téléphone, et la vidéo, permettent d’influencer significativement les décisions le plus cruciales (des décisions que certains d’entre nous laissent au hasard). L’influence du recruteur, voilà un sujet intéressant.

Imaginons un petit jeu, où vous essayerez de convaincre un client, par mail, de rencontrer votre candidat dont le CV paraitrait quelque peu parsemé. Et je vais essayer de faire la même chose au téléphone. Sur qui il faudra parier, à votre avis ?

De même, vous envoyez un mail à votre candidat que vous souhaitez chasser, sans décrocher le téléphone. Continuez. Faites-le. Mais des milliers de recruteurs ne font que ça ! Quel est le taux de réussite une fois que vous aurez décrocher votre téléphone ? Soyez certain qu’il augmente sensiblement.

Nos dinosaures du recrutement étaient déjà des monstres en marketing téléphonique 😊

Lors de ma période de formation, Brigitte me forçait à contacter chaque client suite à l’envoi d’un CV. Elle insistait toujours pour que je discute du candidat, en détail, verbalement. Elle voulait que je prenne cet avantage, celui de pouvoir conseiller et encore une fois, influencer le client. Elle parlait de charme, de raison, de subtilité. De la compréhension de l’autre, de son besoin, de ses objections. De l’art d’écouter. Du bon sens. Oui, de l’art !

3)    « Vendre » son candidat

Tout ça commence à ressembler à du marketing, non ?

Le meilleur conseil que j’ai reçu dans ce domaine, c’est de connaître mes candidats et surtout, croire en eux. Par analogie, vous savez, je pense souvent aux démonstrateurs dans les foires, ceux qui présentent les très populaires poêles inoxydables, incassables, intâchables, et qui vous en font la démonstration. Ils ont une telle assurance, ils croient TELLEMENT que leur produit est UNIQUE et BON POUR VOUS, qu’on peine à ne pas laisser trainer un œil ou deux en passant près de ceux-là, quand on ne résiste pas, bien entendu.

Bref. Croire en ses candidats. Et les vendre.

Mais ne surtout pas mentir !

Aujourd’hui, nous sommes devenus des experts dans l’envoi de CV par mail en pièce jointe, sans le contact immédiat avec son client. Mais après la crise, le marché du travail sera certainement encore un peu plus fracturé. Les entreprises vont se battre pour s’entourer des meilleurs candidats (ou talents comme on dit maintenant). Et les candidats seront ouverts aux changements, pourvu que leurs compétences soient transférables. Il faudra les accompagner, les aider dans cette transition qui devra inévitablement s'amorcer en France. Celle des candidats passant d'un poste à l'autre.

Et dans ces circonstances, comment allez-vous gérer cette transition, par mail ? Alors bonne chance ! Vous devrez mouiller le maillot et vous engager franchement auprès du client ou prospect, et lui vendre la raison pour laquelle il devrait rencontrer votre candidat ou bien la manière dont il devrait envisager le poste à pourvoir.

Faites-le, ou devenez un spectateur du prochain boom du recrutement.

5) Ça urge !

Il fût un temps, à l’ère néolithique du recrutement, si un candidat TOP GUN venait vous voir, vous saviez que, s’il quittait votre bureau sans un emploi en vu, alors c’était perdu. Littéralement. Dans certains cas, il changeait de trottoir pour allez voir un meilleur recruteur que vous, qui travaillerait plus vite et qui ferait "ce qu'il faut". Mais même s'ils n'allaient pas voir un autre recruteur, vous les aviez perdus pendant, au mieux, plusieurs jours.

Pas de courrier électronique. Pas d’internet.

Le Dinosaure du recrutement était donc … un maniaque de l'urgence. Si la personne que le recruteur venait de rencontrer avait les compétences requises et que le client en avait besoin, les deux étaient réunis. Et vite ! On servait un café au candidat et on lui demandait de patienter. En un claquement de doigts, le recruteur était au téléphone avec le client et l'entretien était organisé. Et aujourd'hui ?

6) La mémoire.

Au secours, j’ai vraiment une mauvaise mémoire. Je colle des post-it partout.

Brigitte nous demandait souvent (les recruteurs et consultants) : "quels sont vos trois candidats les plus faciles à placer avec les compétences suivantes …". C’était dingue de voir combien d'entre nous se tournaient automatiquement vers leur PC et la base de données pour trouver cette réponse si simple.

J’ai vu des dinosaures du recrutement citer leurs meilleurs candidats les yeux fermés. Ils pouvaient parler de leurs compétences, leurs qualifications et même leurs disponibilités. Ils pouvaient même se souvenir des candidats placés et pas placés des derniers mois. Il n'y avait pas d'autre base de données que celle du cerveau, et la mémoire était une compétence très prisée des recruteurs.

Et aujourd'hui ?

J'ai beaucoup de mal à retrouver ces infos sans mon CRM. De la même manière, je saute sur ma calculatrice, même pour la plus sommaire des opérations. Le numérique m’a rendu paresseux, c’est un constat infaillible de ma faillite intellectuel. (Je pousse un peu là.)

7) Pause.

Avant, lorsque tu partais du bureau, c’était fini.

Aucun texte alternatif pour cette image

Pensez-y, mes amis recruteurs. Travailler dans le recrutement sans Internet, ni téléphone portable. Pas de base de données. Il fût un temps, celui des consoles Atari et des gramophones, la journée de travail était mouvementée, dure et pour ainsi dire quasiment ininterrompue. Un peu comme aujourd'hui. Mais quand c'était fini, c'était fini.

Pas d'appel sur le téléphone portable à 20h. Pas le SMS du candidat acceptant une contre-proposition à 21h le vendredi pour te briser ton week-end. Pas d'e-mail "urgent" à renvoyer à 23 heures. Pas de bombardement d'intérimaires à 6 heures du matin via Twitter.

Bref. Une fois le travail terminé, c’était la récréation.

Pour finir, je suis convaincu que tout ce qui est bien utilisé n'est pas usé. En réalité, nous nous sommes débarrassés d'une grande partie de ce dont nous avons maintenant besoin.

Alors, que pourrait-on apprendre de cette période ? Que l’avenir du recrutement, sera certainement un subtil mélange d’art et de science. Nous avons besoin d’une technologie de pointe et nous devons automatiser ce que les humains n’ont plus le temps de faire. Mais l'avenir du recrutement passera nécessairement par des compétences humaines, la conviction et l’influence du recruteur vis-a-vis de son client.

En terminant cet article, je me suis dis que dans 30 ans ou plus, un recruteur que j’aurai formé écrira de moi que je suis un dinosaure, et que mes mails et mon téléphone valaient bien ses entretiens en réalité virtuelle passés en pyjama depuis sa chambre.

Sick !

Et vous ? Avez-vous des souvenirs de ces anciennes époques du recrutement ? Quelles compétences utilisez-vous aujourd'hui, que vous avez acquises à l'époque ?

C’est mon premier article sur LinkedIn, vous me direz ce que vous en pensez  😉

Sabine Cattin

Consultante RH / Recherche et Recrutement de Talents/ Coach Certifiée @Everything DISC🔴🟡🟢🔵

3 ans

alex merci joli témoignage et analyse. je suis dinosaure aussi . j'ai été formé à la mode Brigitte, des consultants exigeants , qui nous obligeaient à élargir les cibles, à creuser, à aller plus loin dans nos sourcing, à affiner , à nous justifier pour vendre tel ou tel candidat pour l'entretien, tant de remerciements à faire à ces consultants, chargés de recherche formateurs avec lesquels je suis ce que je suis aujourd'hui , une chasseuse sachant chasser seule!

Sandrine Daraize

DRH Groupe IMOGIS 💡Solutionniste et contributrice aux résultats 👉 #Stratégies #Transformations #Pilotageprojets #ADP #DéveloppementRH #Relationssociales #droitdutravail #Management #digitalisationrh

3 ans

Merci pour le ton de votre article Alex Motilla 🚀, nous sommes obligés de sourire en le lisant. C'est tellement vrai tout cela. Et si j'ai bien compris, à la lecture de mon profil, je devrais recevoir un coup de fil 😉 Hâte de discuter avec vous

Marie Ange Vernhes

Coach professionnelle / Accompagnement individuel ou collectif / Managers, Cadres, Experts/Profils atypiques, HPI/HQI / Certifiée MBTI

4 ans

Bravo Alex ! Je te revoie arriver chez Brigitte, rempli d’envie d’apprendre, de curiosité et volonté ! Tu devais trouver des pharmaciens de nuit, pour une mission sur un site de production pharma. Tâche particulièrement difficile pour tous et plus spécialement pour le débutant que tu étais. Ta ténacité, ton envie de réussir, t’ont permis de la réussir remarquablement !

Alex Motilla

Collectif de consultants et recruteurs indépendants | Entourez-vous des bonnes personnes pour lancer votre activité.

4 ans

Ahah exactement Julien Guechchati ! Je peux quand même pas m'enpêcher de penser qu'on deviendra dinosaures un jour 😜

Julien Guechchati

Associé Fondateur - CLINT & ASSOCIES - Conseil en recrutement

4 ans

Espérons que ces dinosaures ne disparaissent pas comme les derniers ! :) .... sans doute inévitable ?!

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Alex Motilla

  • Les femmes sont de meilleures recruteuses

    Les femmes sont de meilleures recruteuses

    Le monde du recrutement est vaste, complexe et en constante évolution. Mais s'il y a une constante que j'ai observée au…

    4 commentaires

Autres pages consultées

Explorer les sujets