Face au Covid 19, ce qu'on apprend
Lors de mon dernier post, je me demandais ce que nous allions pouvoir apprendre de cette crise.
On commence à avoir déjà quelques débuts de réponse.
Que l’attribution du chômage partiel n’est pas automatique.
Puis que le premier élément de culture est le chef. Et de qui il s’entoure.
Nous avons repris le travail avec un fort taux d’absentéisme. Si on l'analyse, on voit assez vite que ce taux est variable en fonction des endroits et en fonction des services. Le taux d’absentéisme est clairement lié au leadership du chef. Quand le chef est un leader, les gens sont là. Ceux qui doivent garder leurs enfants s’arrangent pour s’absenter le moins possible et le font en coordination avec leurs collègues.
Il y a bien sûr les gens malades mais encore une fois en fait très peu et pour eux la seule chose à leur dire c’est : prenez soin de vous et de vos familles. On vous attend.
Et puis il y a les endroits où le chef n’est pas un leader. Pas une mauvaise personne, loin s’en faut, simplement ce n’est pas un leader, il ne rassemble pas. Il est lui-même absent et là plus de la moitié des gens ne sont pas là. Pour un leader, l’exemple est primordial. Il faut récompenser les autres mais c’est ici qu’il faut mettre de l’empathie : Chaleur et compassion pour promouvoir l’unité.
Et c’est l’une des grandes difficultés. On entend parfois des paroles qui font tellement mal qu’il est difficile de se contenir. Mais distribuer des coups rend l’esprit étroit pour celui qui les encaisse. Et les réactions plus terribles encore. Quoi qu’il en coute, le management doit rester cool et chaleureux. Et ferme sur les mesures de sécurité. La difficulté est de gérer les émotions. Celles des autres et la sienne. Les affects qui nous transpercent peuvent facilement mettre à bas notre étanchéité émotionnelle. Pendant un petit moment, ne rien dire, ne rien faire est souvent la meilleure solution.
Nous sommes dans un moment barbare. A nous de faire en sorte de ne pas le devenir.
Ce que l’on apprend aussi est que les certifications et les systèmes pénalisent la flexibilité quand trop de gens qui sont liés à leur fonctionnement sont absents. Le point positif des normes est qu’elles obligent à un plan de continuité d’activité (PCA). Le point négatif est « que je n’avais jamais prévu un tel évènement » mais le plus gros problème n’est pas là. On peut faire confiance aux patrons qui ont monté des sociétés pour trouver la ressource même dans les moments difficiles. Ce qui est criant est que le PCA ne parle pas du cash. Or c’est ce qui compte le plus. En fait je préfère utiliser le mot liquidités car il est plus visuel. Dans les périodes de crise, l’argent coule et s’évapore comme de l’eau et sans liquidités tout devient compliqué. Sans liquidités, le monde économique devient plus visqueux, tout serre. Le meilleur PCA du monde est d’avoir de la trésorerie. J’en profite pour adresser un message aux acheteurs qui éventuellement liraient ce message : On ne peut pas saigner ses sous-traitants et imaginer avoir une pérennité assurée en cas de crise grave. J’espère sincèrement que ce critère sera pris en compte après cette crise. Hypothéquer ses fonds propres et ne pas être capable de tenir plus de trois mois est le signe d’un problème très profond.
J’ai appris aussi que le télétravail fonctionne techniquement relativement bien. A condition toutefois que vos liaisons soient bonnes et pas trop surchargées. En revanche, après un certain temps, le télétravailleur perd la conscience du gemba. Ce n’est pas qu’il ne travaille pas, ou que le travail est mauvais, c’est qu’il n’est plus 100% en lien avec le terrain. Or le terrain est le seul véritable moyen de test de notre créativité.
Les systèmes trop complexes obèrent notre flexibilité. Si on veut répondre à une crise en effectif réduit, il faut bien plus d’autonomie de la part de chaque collaborateur et plus de polyvalence tout en ayant un système d’exploitation plus simple, plus robuste et plus tolérant. Imaginons une voiture qui ne pourrait pas rouler si son système GPS est en panne. Et bien c’est un peu ce qui arrive dans notre entreprise. Sans parler des systèmes de contrôles de la qualité mobilisant des machines aussi complexes que peu flexibles. Types de machine que l’on ne voit jamais dans les usines Toyota car ils ont vraiment décidé de comprendre leurs process et d’investir plus dans l’ingénierie que dans le contrôle qualité. C’est une grande leçon et nous sommes d’ores et déjà en train de jeter les bases des modifications à apporter à nos systèmes informatiques et de production.
Cette prise de conscience devient évidente quand on décide comme nous de remplacer les manquants en production par les gens de l’open-space. Quand ceux qui créent les systèmes et les gammes les utilisent, non pas quelques minutes au moment de lancer mais 8 heures par jour, ils comprennent bien mieux l’importance du concept « smooth and seamless » et qu’il doit être travaillé en profondeur.
Les cellules en U et le chaku chaku où l’on se transmet les pièces de la main à la main sont peu compatibles avec le Covid 19. Les gants ne sont pas la solution car s’ils protègent la main d’une agression extérieure, ils ne sont d’aucune utilité contre un virus qui contamine par les voies respiratoires. Or on se met la main sur le visage plus de 1000 fois par jour, que l’on porte un gant ou pas. Alors pour cette fois seulement on a fait les mini stocks et demandé aux opératrices de s’espacer largement et de se laver les mains très régulièrement.
S’il est une chose qui est sûre, c’est qu’il vaut mieux agir tôt qu’agir vite. Mais cela on le savait déjà depuis 1668 et la course entre le lièvre et de la tortue. J’en profite pour faire une digression sur les fables de La Fontaine. Cet homme avait tout vu, tout compris et ses écrits nous guident mieux qui quiconque dans notre vie industrielle. Le premier et le meilleur livre de management pour les patrons et les autres, sont ses fables. En ces looooooooooooooooongs moments d’inactivité forcée je recommande chaudement cette saine lecture. En particulier :
Croissance externe : La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf.
Introduction en bourse : Le loup et le chien.
Fusion-acquisition : Le pot de terre contre le pot de fer
Investissement dans une start-up : La laitière et le pot au lait.
Etc…
Et puis, sur le court terme ce que j’ai appris pour les mesures de sécurité est qu’il vaut absolument mieux des mesures simples et connues de tous et qui sont respectées plutôt qu’une liste certes exhaustive mais tellement compliquée qu’on en oublie toujours une partie. Faire simple et faire appliquer. Respecter la consigne est primordial. C’est cette dernière partie qui est critique. Les gens réclament des mesures barrières efficaces, à juste titre, mais ensuite ils ont une grande difficulté à être rigoureux avec. Or c’est la rigueur qui est essentielle. L’ennemi de la rigueur ce sont les habitudes. J’ai mis des dispositifs spéciaux pour ouvrir les portes avec les pieds. Mais cela ne fonctionne pas vraiment tant qu’on n’a pas démonté les poignées à main, sinon par habitude on tend le bras. Déconstruire une habitude est plus long que la durée de la crise du Covid, donc il faut modifier physiquement les chemins habituels pour obliger à emprunter les bons et puis parfois devenir bête et méchant. C’est difficile de mettre un avertissement pour non-respect des distances de sécurité à quelqu’un qui fait l’effort de venir dans ces conditions mais je l’ai fait. Je pense l’avoir vécu encore plus mal que la personne qui la reçu mais la rigueur est essentielle sinon on perd la confiance. Il faut tenir les positions.
Nul ne connait l’avenir mais pour la première fois dans notre société de sécurité, de bonheur et de croissance, il est possible, que nous devions apprendre un concept que les moins de 50 ans ne connaissent pas :
Perdre.
Head of Procurement - French Business Unit
4 ansLecture très intéressante !
Perfect Execution Manager chez Emerson
4 ansMerci Mr Bihr pour votre éclairage, je rajouterais si vous le permettez 2 autres fables avec une analogie dans l'entreprise : Le plan d'actions avec Conseil tenu par les rats et Gestion des compétences avec Le lion s'en allant en guerre
Business Owner - Protoform Bourgogne
4 ansVotre article est magnifique. Bien pensé, enthousiaste parce qu’il est solutionneur, fait face aux difficultés en les abordant et en regardant en face. J’aime les rapprochements avec les fables de Jean De La Fontaine et votre conclusion. Aurions-nous au final la peur de perdre... Bravo, je vous invite à continuer à écrire.
Helping COO's further improve the performance of their operations and the engagement of their teams.
4 ansSalut Jean-Claude, beau post. Prenez bien soin de vous tous !
CEO chez TRAJECTOIRE COMPETITION
4 ansBonjour Jean-Claude, je suis en phase avec toi... Une très belle journée à toi.