Cerveau rationnel- Cerveau émotionnel
Jérôme Salmigondis travaille dans une pâtisserie industrielle bardée de références qualité.
Il est chef pétrisseur.
Dans la salle aux pétrins, nous avons observé le manège suivant :
Fils d’énarque et donc excellent professionnel, Jérôme souscrit à toutes les normes qualités et au processus hygiène zéro défaut parfaitement répertorié dans l’entreprise et formalisé par Olivier Vairon dit « Œil de lynx » qui traque toutes les non conformités.
« Œil de lynx » est au poste de "responsable pas coupable haute fonction de chef qualité". Il est en hiérarchie sur Jérôme et le tient à l’œil.
Jérôme travaille en 3 x 8 et c’est la nuit, en ce lundi noir de pleine lune hivernale.
Notre chef pétrisseur, également pétri de bonnes intentions, s’accommode comme à l’accoutumée, du cérémonial de revêtir des vêtements aseptisés, ainsi que d’enlever tous ses bijoux. On ne plaisante pas avec l’hygiène.
Après vérification qu’il est bien seul - en tête à tête avec et dans son pétrin - il rajoute icelui, en option, quelque chose qui ne figure pas dans le processus qualité, à savoir une miction urinaire fougueuse et de bonne facture, aussi bien qu’intempestive.
Ce pétrisseur raisonnable qui, habituellement, donne du sens à son travail se laisse emporter par ses sens.
Il est passé en mode émotionnel.
Il n’a aucun problème prostatique. Non ! L’impétuosité de son jet en est preuve.
Il est tout simplement en colère.
En effet, « Œil de lynx » lui a ravi sa femme, et ce de façon fort cavalière….
Olivier Vairon a tapé dans l’œil de son épouse, et une chose en amenant une autre, il lui a aussi tapé dans la pleine lune hivernale. Bon pied, bon œil, en somme… Il doit même être en train de bien faire, à l’heure où notre « agent pisseur secret » nous joue miction impossible.
« Laisse pisser ! » lui avait pourtant suggéré Xavier, l’indicateur Bertrand de son infortune conjugale.
Jérôme Salmigondis n’en a cure. « Œil pour œil » est sa devise.
Il est fort marri, notre pétrisseur pisseur. Alors, il compisse allègrement et cela dure.
Il a compté ; 53 secondes d’émission ininterrompue. 53 secondes d’éternité !
Recommandé par LinkedIn
La dernière goutte venue, notre émotionnel pisse-vinaigre secoue alors son brise-jet avec componction entre son pouce et son index en pince à cornichons et le petit doigt levé, comme pour prendre le thé.
Il compisse avec allure, car il connait les règles de la bienséance !
Puis, notre « pisse-dru » ébauche un menu soupir de contentement, un peu comme un vieux matou castré évoquant sa vie préopératoire.
Enfin, Jérôme remise son affaire et jubile par anticipation, à l’idée d’offrir à son infâme cocufieur, - responsable pas coupable qualité -, une nouvelle miche bien autrement parfumée que celles de sa femme.
Il est tenu, en effet, de sélectionner des échantillons à la demande de d’Olivier Vairon, ce baratineur sans qualité de femme pas libre.
Il est 5 heures du matin.
On dit qu’un plaisir par jour chasse le stress !
En 53 secondes, notre pétrisseur a évacué son angoisse, en même temps que le trop-plein de sa vessie.
Quid de la compétence de Jérôme ?
Doit-elle être remise en doute ?
Certainement pas !
De plus, il suivra une formation QHS - qualité, hygiène, sécurité - qu’il trouvera géniale, mais dont il transgressera les préconisations dans l’allégresse vengeresse la plus totale ; ses 53 secondes de bonheur absolu deviendront un rituel qui lui assurera un merveilleux équilibre glandulaire.
Lorsque nos deux cerveaux s’affrontent, l’un donnant du sens à la fête de la vie, l’autre jouant au trouble-fête des sens, les dégâts sont toujours considérables.
Les convictions du cortex pèsent bien peu face aux croyances du plexus. En un mot, l’émotion l’emportera toujours sur la raison.
C’est vrai partout !
Non, pas en politique tout de même ! Promis, j’arrête d’être (Benjamin) grivois…