“C’est bien beau la théorie, mais moi, demain, je retourne dans la vraie vie.”
Cette phrase, prononcée en fin de formation, résonne dans bien des salles. Elle est à la fois une constatation, un jugement, et, souvent, une barrière. Une manière de dire que, malgré tout ce qui a été expérimenté, appris ou débattu, la réalité de l’entreprise, du terrain, serait si différente que ces nouveaux concepts n’y trouveraient pas leur place. Et pourtant, derrière cette phrase se cache bien plus qu’une simple critique de la théorie. Elle révèle une crainte, un doute profondément humain : celui de sortir de sa zone de confort, d’affronter l’incertitude. Mais est-ce que cette peur légitime ne serait pas précisément ce qui nous empêche d’appliquer ce que nous venons d’apprendre, de tenter des méthodes différentes dans la vraie vie ? C’est ce questionnement qui m’anime et que j’aimerais partager.
Le mythe de la “vraie vie”
Quand cette phrase est prononcée, une séparation nette semble se dessiner entre le monde de la formation et celui de la réalité professionnelle. Comme si ce qui se vivait en formation – l’expérimentation des concepts, les échanges avec les autres participants, les jeux de rôle – appartenait à un autre univers, une bulle protectrice déconnectée de la dureté du quotidien professionnel. Pourtant, rien n’est moins vrai. La “vraie vie” n’attend pas après la porte de la salle de formation. Elle est là, présente dans chaque interaction, dans chaque prise de conscience, dans chaque échange qui se produit au cours des sessions. Les émotions, les résistances, les réussites que l’on y vit ne sont pas moins réelles que celles de l’entreprise.
Dans la salle de formation, des individus interagissent, ressentent, apprennent et s’ajustent. Les concepts ne sont pas seulement expliqués, ils sont vécus. Les participants y testent des outils, mettent à l’épreuve leurs réactions, et parfois, découvrent des manières différentes d’aborder des situations. Mais lorsque quelqu’un dit que ce n’est pas la vraie vie, il pose en fait une question implicite : “Est-ce que je suis capable d’appliquer ça dehors ?”
La peur de sortir de sa zone de confort
Si cette phrase est souvent répétée, c’est parce qu’elle dissimule une peur bien plus vaste : celle de sortir des schémas habituels, des pratiques éprouvées, même si elles sont inefficaces. Appliquer de nouveaux concepts, c’est prendre le risque de marcher sur un terrain inconnu. C’est accepter de perdre une forme de contrôle, d’être confronté à des réactions imprévues, et de se retrouver temporairement dans une situation d’inconfort. En d’autres termes, c’est oser.
Apprendre à donner des feedbacks difficiles, responsabiliser ses collaborateurs par le questionnement, ou adopter un style de leadership plus collaboratif implique de sortir de sa routine. Mais cette sortie de la zone de confort est souvent perçue comme un risque : “Et si ça ne fonctionnait pas comme en formation ?” ou encore, “Et si mes collaborateurs ne réagissaient pas comme mes collègues en formation ?”
Ces doutes sont légitimes. Ils traduisent une peur de perdre le contrôle, de se montrer vulnérable, de se retrouver face à une situation qui ne répond pas aux attentes. Mais qu’est-ce que le leadership, si ce n’est l’aptitude à naviguer dans l’incertitude, à accepter qu’on ne contrôle pas tout, et à avancer malgré le doute ?
L’expérimentation, le cœur de la “vraie vie”
Ce qui est fascinant dans une formation, c’est que les concepts ne restent jamais purement théoriques. Ils sont mis à l’épreuve, testés dans des situations de groupe où chacun joue un rôle, interagit et découvre l’impact des méthodes. C’est là que les participants réalisent : ça fonctionne. Un feedback bien structuré peut renforcer la confiance, des questions bien posées peuvent amener à des prises de responsabilité. En formation, ces expériences sont réelles. Mais pour certains, elles restent cantonnées à cette bulle d’apprentissage.
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Pourquoi alors, cette résistance à transposer ces pratiques dans l’entreprise ? Ce qui semble fonctionner en formation n’aurait-il pas de prise sur des collaborateurs plus “difficiles”, sur des équipes plus complexes, dans des environnements où les pressions sont plus grandes ? Ce raisonnement est une excuse déguisée. En réalité, c’est la peur d’échouer dans la mise en pratique, le sentiment de ne pas être à la hauteur dans l’application concrète des nouvelles approches, qui pousse à penser que “ce n’est pas la vraie vie”.
Le risque du changement
En vérité, la vraie vie, c’est exactement cela : un espace d’expérimentation, où l’incertitude est la règle, et où tout ne fonctionne pas toujours comme prévu. Accepter cela, c’est être prêt à essayer, à ajuster, à apprendre en chemin. Rien n’est jamais figé, et même les meilleures pratiques nécessitent parfois d’être adaptées à la réalité du terrain.
Dire “c’est bien beau la théorie” est souvent une façon de se protéger. De protéger une forme de confort dans les pratiques anciennes, même si elles ne sont pas pleinement satisfaisantes. Car, au fond, le changement fait peur. Ce qui est connu, même imparfait, est rassurant, tandis que l’inconnu, lui, est perçu comme un saut dans le vide.
Mais quel leader choisit le statu quo par peur de l’incertitude ? Un bon leader est celui qui ose prendre des risques, qui expérimente de nouvelles façons de faire, qui accepte d’ajuster ses méthodes au fur et à mesure. La “vraie vie”, ce n’est pas un terrain stable et figé. C’est un champ d’exploration, où chaque jour nous invite à essayer, à échouer parfois, mais à toujours apprendre.
Et si nous acceptions l’incertitude ?
L’un des plus grands obstacles à l’application des concepts de formation est donc la peur de l’inconnu. Mais n’est-ce pas justement cette capacité à naviguer dans l’incertitude qui définit le leadership ? Quand on pense à la “vraie vie”, il faut se rappeler que rien n’y est parfait, et que tout est une opportunité d’apprentissage.
La vraie vie n’est pas l’antithèse de la formation. Elle est le prolongement de cette salle, cet espace où l’on a expérimenté, pris conscience, et maintenant, où l’on peut choisir d’appliquer. Les concepts ne prennent vie que lorsqu’on leur donne l’opportunité d’être testés en dehors du cadre protégé de la formation. Ce que l’on craint dans la vraie vie, c’est l’incertitude, mais c’est précisément cette incertitude qui nourrit l’innovation et la progression.
En conclusion : Un acte de courage et d'audace
Ainsi, à celui qui me dit que la vraie vie est différente, je réponds que la vraie vie n’est jamais figée. Elle est un terrain d’expérimentation permanente, un espace où l’on est invité à tester, ajuster, et apprendre. Ce qui se passe en formation, ce ne sont pas des exercices déconnectés de la réalité, mais des répétitions de ce que nous vivons au quotidien, avec des équipes, des collègues, des situations complexes. Je le sais, parce que je suis moi-même dans cette vraie vie. En tant que chef d’entreprise, je mets en pratique ces concepts chaque jour, et je suis pleinement conscient que chaque erreur, chaque réussite, a des répercussions directes sur mes équipes, mes clients, et l’avenir de mon entreprise.
Si je vous challenge dans cet espace sécurisé qu’est la formation, c’est justement parce que je teste moi-même ces méthodes dans la réalité de mon quotidien. Je sais qu’il est souvent nécessaire de s’entraîner avant de les appliquer dans la vraie vie de votre entreprise, là où les enjeux sont plus tangibles. Mais rappelez-vous : votre équipe n’est pas votre ennemie. En partageant avec transparence votre nouvelle approche, en leur expliquant ce que vous tentez, ils sauront vous rendre cette audace par leur bienveillance, et vous accompagner dans ce changement. Car au final, ces pratiques ont pour but d’améliorer non seulement votre leadership, mais la vraie vie professionnelle de chacun.
🔸 INTELLIGENCE RELATIONNELLE AU SERVICE DU LEADERSHIP 🔸 Coach - Formateur - Process Com - Instructeur MBSR
2 moisEt la théorie, c’est bien pratique. Il est imprimant de comprendre les processus qui régissent ce que nous faisons, pour soit nous appuyer dessus et trouver de la sécurité, soit les questionner et les améliorer. La théorie nous ouvre une dynamique nouvelle.
Leader Communauté Projets & Produit @ATECNA & Coach Professionnel Certifié #Management #coaching #mentorat #accompagnementprofessionnel
2 moisMerci Vincent pour cette analyse de ce retour récurrent. J'y vois aussi (surtout) que la vraie vie = je vais le faire dans un contexte moins sécurisé que la formation. Se pose alors la question du 'cadre managérial' actif dans l'organisation. = Tu peux être formé, conscient, ... mais si ton organisation est incompatible avec les acquis, c'est d'autant plus frustrant voire déstabilisant (on me paie cette formation et derrière je ne peux rien en faire) La "vraie vie' n'est pas que lié au collaborateur pais aussi à l'organisation. Qu'en penses-tu Vincent FAVRIE ?