Chacun cherche son sens..
La question de quête de sens n’a jamais été autant au centre de nos préoccupations et des débats en entreprise.
Qu’est-ce que je fais là ? En quoi je contribue à la société, au monde ? En quoi je me sens utile à ce que je fais ?
Et si cette question du sens n’a fait que croître ces dernières années, c’est bien parce nous en avons perdu la trace, comme le dit le sociologue et philosophe français Edgar Morin.
«Le sens au travail n'est souvent jamais aussi essentiel que lorsqu'il manque».
À l'été 2013, l'anthropologue américain David Graeber publiait une tribune qui a eu l'effet d'une bombe, intitulée « Du phénomène des jobs à la con ». Une théorie à l’appui : à cause des progrès technologiques, la société invente des rôles et produit des métiers inutiles. Après le «burn-out» symbolisant l'excès de travail jusqu'à épuisement, le «bore-out» et l'ennui permanent au bureau, deux chercheurs britannique et suédois ont théorisé le «brown-out» - qui signifie littéralement «baisse de courant» - une pathologie qui est ressentie par un salarié qui ne comprend pas (ou plus) son travail.
La quête de sens, concerne bien toutes les générations. Pas seulement les salariés arrivés à la fameuse crise de la quarantaine ou ceux qui vivraient la perte de leur travail.
En février dernier, Pierre-Yves Gomez a débuté son intervention à l’Université Paris Dauphine (« Intelligence du travail : désillusions et reconquête ») avec les résultats d’une enquête qu’il a mené sur les représentations du travail auprès de 700 personnes (qui sont depuis 2 jusqu’à 40 ans dans la vie active) : 99% des répondants considèrent que réussir sa vie à 40 ans c’est se sentir utile dans ce qu’on fait.
Alors que se cache-t-il donc derrière la question du sens ? Une réflexion philosophique, existentielle, sociologique, organisationnelle ?
Philosophique oui et Julia De Funès a eu le talent de nous raconter sa vision du travail et de la vie de bureau contemporaine avec un prisme philosophique dans « Socrate au pays des process ». A la question « Comment être libre en entreprise? » Sipnoza avait proposé une réponse: être libre n'est pas faire ce que l'on veut mais savoir ce que l'on fait. Comprendre la nécessité de ce qui nous entoure (les chaînes, les normes, et les contraintes dont on ne peut se défaire) pour moins la subir. Comprendre, c'est se libérer. Se libérer n'est pas s'affranchir, mais c'est devenir la cause adéquate des effets que l'on souhaite produire.
L’éclairage de Pierre-Yves Gomez est essentiel dans le sens où il relie la perte de lien entre le travail et ce que le travail produit. Et de notre désir profond de revenir à ce qui se fait, à la réalité, à l’importance du travail réel. On ne peut qu’adhérer lorsqu’on voit l’intérêt croissant porté aux objets créés par des artisans, aux circuits courts, au jardinage, aux besoins de proximité et de liens.
Pierre-Yves Gomez va plus loin en posant la question du sens de la société. Qu’est-ce qui l’ordonne ? Qu’est-ce qui la conduit ? Qu’est-ce qui la développe ? Il nous expose 2 modèles, 2 chemins :
- « la cité de la consommation » une société construite du point de vue des consommateurs, au niveau jouissance, déjà bien largement en place …
- « la cité des travailleurs » une société vue à travers ce qu’elle produit, de ce qui se fabrique
Partir de la consommation ne peut nous conduire que dans le mur, dans le sens où la consommation est basée sur le désir, inépuisable. Cela nous conduit au développement, très consommateur de ressources (naturelles, technologiques et humaines) et donc à terme à l’épuisement des ressources. La cité du travail, se base quand à elle sur l’effort, se devant d’être attentif aux ressources.
Alors si le sens est matière à débat au sein même de l'entreprise et que les salariés se remettent en question, pourquoi ne pas ériger ce «sens» en sujet de votre prochain séminaire?
Directrice Adjointe à l'Opération Jeux Paris 2024 (Olympiques et Paralympiques)
5 ansIntéressant Caroline Constantin