Change Management et Gouvernance des entreprises
La transformation de l’entreprise est un défi majeur pour les dirigeants et qui se traduit entre autres par des changements organisationnels permanents et cycliques d’une importance majeure.
« Les problèmes en quelque sorte « génériques » de gestion d'entreprise sont à la fois des problèmes de maintien ou de coordination interne et de changement ou d’adaptation » (A.Desreumaux, 1996).
Les dirigeants doivent adapter leurs structures pour répondre aux demandes et aux défis externes et pour cela, des changements stratégiques et organisationnels doivent être mis en œuvre.
« Le changement ne peut être géré. On peut l'ignorer, lui résister, le créer ou en tirer parti, mais on ne peut pas le gérer ou le faire avancer au moyen d'un quelconque processus ordonné » (Clemer, cité dans Mintzberg et al., 1999).
Pour rester dans la course à l’innovation et à la croissance, l’entreprise doit revoir sa structure, ses systèmes, sa culture, quelquefois même une partie de son personnel.
L’expérience montre que les entreprises ne sont pas très douées pour piloter les changements nécessaires afin de se réinventer et devoir rester concurrentiel face au marché et demandes de leurs clients.
Pour les salariés, la plupart du temps le changement est vu comme une perte des acquis.
Thévenet (1988) souligne que les entreprises s'inscrivent dans une tendance unificatrice de valorisation du changement : « Plus que dans un simple mouvement perpétuel, le management et le fonctionnement des entreprises s'insèrent aujourd'hui dans un phénomène de mode avec son paradoxe : une tendance fondamentale et unificatrice de valorisation du changement - le changement est une démarche impérative, voire une fin en soi ».
L’être humain est par essence même résistant au changement. Seulement celui-ci intervient de manière constante dans nos vies, qu’il soit désiré ou imposé. Le dilemme entre frein au changement et évolution est une réalité quotidienne.
Bien évidemment le « Changement » intervient dans tous les domaines de la vie courante également. Le maître mot : « savoir gérer une évolution de situation » pour passer d’une situation A vers une situation B, qu’elle soit voulue ou imposée. La situation A est au sein d’une entreprise une convention (elle peut prendre la forme d’un compromis) entre personnes avec l’instauration de règles formelles ou informelles, afin que chacun puisse s’y conformer. L’évolution de la situation A vers B va établir une nouvelle convention. La difficulté sera alors de savoir gérer, d’accepter et de mettre en pratique cette dernière.
La mise en place d’une nouvelle convention va introduire de la suspicion au sein de la convention d’origine et trois cas de figure se présentent :
1. Soit elle est simplement rejetée par le groupe d’individus concernés et une forte résistance s’organise
2. Soit elle est instantanément adoptée et la nouvelle convention siège
3. Soit un nouveau compromis est établi pour faire naitre une convention négociée
Les conditions favorables au changement et rarement toutes réunies conjointement sont nombreuses, mais il est possible néanmoins d’établir une liste assez exhaustive :
- Que le changement soit perçu comme utile à l’organisation
- Que le changement ne remette pas en cause des acquis de la situation A
- Que les moyens (financiers, humains, outils etc…) soient donnés
- Que les gains soient immédiatement perceptibles
- Si le changement est imposé, qu’une confiance s’instaure avec les initiateurs
- Que les personnes visées par le changement puissent être acteurs et aient de l’influence sur celui-ci
Quant aux résistances, les études sociologiques au sein des entreprises font apparaitre les 3 catégories de population face au changement. 80% des populations impactées par le changement sont dans un état passif et insécurisé. L’entreprise devra donc porter son principal effort de communication sur cette cible.
Kurt Lewin (1890-1947), psychologue américain, fut considéré comme le père de la théorie de la « gestion du changement » au sein d’une organisation (Frontiers in Group Dynamics, 1947 ; Resolving social conflicts, 1948). Cette paternité a souvent été controversée (Jeffcutt 1996 : 173). Edgar Schein (Organizational psychology, 3rd edn. Prentice Hall, Englewood Cliffs, p 239, 1988) appelait Kurt Lewin « le père intellectuel des théories contemporaines appliquées à la science du comportement ».
Kanter, Stein et Jick contestèrent le modèle de Lewin dans “The Challenge of Organizational Change (1992) » en le qualifiant d’approche trop simpliste, que les organisations étaient bien plus complexes dans leurs processus, et avec des subtilités de niveaux dans les changements envisagés par les dirigeants.
Kurt Lewin disait : « Tout montre qu’il est plus aisé de changer les individus constitués en groupe que de changer chacun d’eux séparément » (expérience des focus groupés). Les membres du groupe échangeaient entre eux sur les nouvelles méthodes de travail, sur l’intérêt d’effectuer le changement, et donc la dynamique du groupe faisait évoluer la convention initiale en levant automatiquement les résistances. A l’inverse l’individu prit isolément n’éprouve pas d’intérêt au changement.
A ce jour, le modèle de Lewin (ou modèle CATS : « Changing As Three Steps ») est repris dans de nombreux ouvrages de management, et se veut être un guide pratique pour les dirigeants mettant en œuvre un changement.
Il se décline en 3 étapes :
- « Unfreezing » : le niveau du dégel nécessaire : initiation, décristallisation
- « Changing » : ensuite le mouvement lui-même : adoption, adaptation
- « Refreezing » : le niveau du regel nécessaire : consolidation, routinisation, recristallisation.
Les facteurs d’échecs durant le cycle complet sont généralement :
· Non-adhésion des principaux acteurs
· Non-compréhension de ce qui est attendu des différentes parties prenantes
· Mauvaise formalisation des livrables des différentes parties concernées
· Manque d’information sur les modalités de réalisation opérationnelles du projet
· Ne pas suffisamment tenir compte de l’inertie des structures
· Ne pas voir les problèmes qui se posent et les résoudre
· Ne pas prendre le temps de former les personnes concernées
· Ne pas avoir d’outil de pilotage en termes de compréhension et d’acceptation
Si les dirigeants d’entreprises décidaient de mettre en pratique ces trois étapes distinctes, alors la planification de la mise en œuvre du changement serait possible. La motivation pour changer (Unfreezing) sera établie. Sur la base de communications efficaces et en donnant aux individus les moyens d'adopter de nouvelles méthodes de travail le processus de changement sera enclenché positivement. Et le cycle se termine lorsque le sentiment de stabilité et de confiance est rétabli (Refreezing).
Le changement apporte des évolutions personnelles, permet de découvrir de nouveaux horizons, et contribue à l’amélioration de soi-même. Le changement apporte de la flexibilité et cela en devient une habitude éprouvée au fil du temps. Ceci est une force dans le monde du travail d’aujourd’hui. Nous apprenons de nous-même et bien évidement des autres par le changement. Le changement brasse les populations, contredit les idées reçues et fait naitre de nouveaux concepts. Nos compétences en sont renforcées et nous donnent de meilleures opportunités d’évolution personnelles et professionnelles.
Les dirigeants ont un rôle décisif dans le pilotage du changement. Ils doivent s’assurer de l’implication de toutes les parties prenantes pour mieux répondre aux besoins des clients, des clients et actionnaires, en perpétuelle évolution.
Auteur: Laurent Vais ©