CHO et Isaac ou l’illustration d’une société déresponsabilisante.
Alors, j’ai conscience que les lignes qui suivent susciteront quelques crispations chez certains de mes contacts de ce réseau professionnel. Toutefois, c’est un des rares, réseaux, sur lequel le partage des opinions peut s’effectuer littéralement à “visage découvert”, donc n’hésitez pas à réagir.
Ces dernières années, et comme beaucoup, je vis, pour ne pas dire subis au regard de mon âge avancé, la transformation à rythme cadencé de ce monde.
Du fait de mon intérêt pour les organisations en général, et l’entreprise en particulier, j’ai suivi la montée en puissance de nouveaux modèles et de nouvelles théories à leur sujet.
Depuis fort longtemps, je revendique la dimension (et le rôle) sociétale essentielle de l’entreprise, et la part qui est la sienne dans l’évolution de ladite société.
Mais l’entreprise, et ce qui y est rattaché, subit aussi l’impact, ou le dictat, d’impulsions politiques, académiques ou simplement tendancielles.
À mes yeux, cette évolution vise à déresponsabiliser ceux qui doivent décider. Quel que soit l’intitulé de leur fonction.
Schématiquement, je pourrais résumer l’état des lieux par un simpliste “Ce n’est pas de ma faute.” généralisé.
J’en prends pour exemples deux tendances issues du monde de l’entreprise, puisque c’est mon champ d’action.
À savoir l’avènement du “Chief Happiness Officer” et la théorie de “L’entreprise libérée”.
Commençons par le CHO.
D’abord, il apparaît que tout le monde soit “Chief” de quelque chose dans l’organisation entrepreneuriale nouvelle. Point commun avec le second exemple d'ailleurs.
Ensuite, et c’est ce qui m’interpelle, c’est qu’il soit jugé normal de confier le “bonheur” des collaborateurs sur leur lieu de travail à l’un d’entre eux.
Déjà, peut-on parler de bonheur dans l’entreprise, ou par le travail ?
Le bonheur n’est pas un but professionnel, mais personnel. L’épanouissement ou l’accomplissement par le travail peuvent davantage en être un, de but professionnel.
Ce que je note surtout dans cette tendance, et qui me trouble, c’est qu’un entrepreneur ou dirigeant puisse penser qu’il n’est pas de son rôle d’assumer le bien-être et le bien-vivre des individus dont il a la responsabilité au point de confier cette mission à un subordonné.
Ça ne choque personne, vraiment ?
Dans la même veine, l’intégration de la théorie d’Isaac Getz comme modèle organisationnel au sein des entreprises.
Adepte, voire apôtre en tant que designer, de l’approche ascendante dans la réflexion et la mise en œuvre opérationnelle, peut-on sérieusement envisager une entreprise dans laquelle tout le monde doit s’auto-responsabiliser pour chacune de ses actions ?
Ce que j’entends dans cette notion de libération, c’est : “Libérons les responsables réels de l’organisation du poids de l’échec potentiel”. Diluons la responsabilité en quelque sorte.
Ne voit-on pas suffisamment cela au quotidien dans le capharnaüm généré par nos “représentants” publics ?
Alors oui, vous me trouverez l’entreprise qui contredira mon propos, forcément. Mais soyez certain que l’entrepreneur(e), ou le dirigeant(e), à la tête de cette dernière n’aura pas attendu la théorie de Getz pour co-réaliser la réussite de son organisation dans le partage et la confiance. C’était dans sa nature.
Ce qui m’irrite dans cette théorie, c’est que l’on ne mise plus sur la notion de leadership, indispensable à la prospérité de l’entreprise. L’approche ascendante est essentielle à la définition des objectifs et stratégies. C’est même le meilleur moyen d’impliquer et de performer.
Seulement, si l’exécution n’est pas assurée par une démarche descendante et assumée par celles et ceux qui l’ont validée, cela n’aboutit à rien de bon.
Croyez-moi, je n’ai jamais vu des organisations plus incapables de prendre des décisions que celles qui s’affirment “libérées”.
Je conclurai, et cela justifiera l'illustration retenue, que les organisations, quelles que soient leur forme et leur nature, ne sont pas des voitures autonomes.