Choisis ta case et choisis la bien !
Dès lors que nous sommes en âge d’exercer notre libre-arbitre, de faire des choix qui modèleront notre vie, la société prend acte de ces choix. Chaque pas s’imprime ainsi derrière nous, laissant inexorablement une trace sur notre chemin. L’une après l’autre elles constituent notre parcours et nous obligent à rendre des comptes, qu’on le veuille ou non. Bien sûr, le premier cercle de nos relations, la famille, les amis, connaissent généralement le pourquoi du comment de nos choix et comprennent généralement ce qui nous a poussé à les faire. S’ils ne le comprennent pas, alors il est toujours possible d’en discuter avec eux ou, si nécessaire, de prendre du recul, voire de couper les ponts. Mais la société, elle, dans sa multiplicité et par l’ignorance qu’elle a de notre existence, ne s’embarrasse pas forcément de savoir ce qui nous a conduit à faire tel ou tel choix, tel ou tel pas. Elle juge, elle tranche, elle se construit rapidement une opinion qu’il est bien difficile de faire changer. C’est pourquoi chacun de ces pas doit être le plus réfléchi possible. Tout est faisable à condition d’en assumer les conséquences, de savoir pourquoi on le fait et quel en sera l’impact, que ce soit sur la suite de notre chemin, ou pour la société dans l’interprétation qu’elle en fera.
Ici, il s’agit juste pour moi de dresser un constat et de tenter une réflexion après 43 ans passés sur Terre. J’y ai beaucoup voyagé, pratiqué un certain nombre de métiers différents, eu différentes expériences de vie (parfois peu communes), étudié dans différents domaines, côtoyé des gens de tous horizons, de toutes classes sociales, suis devenu père de famille et le chemin se poursuit. Il y a un petit moment que ce projet me trotte dans la tête, alors aujourd’hui je me lance. C’est en quelque sorte le partage d’un bilan empirique afin, peut-être, d’aider qui voudra à pousser également sa réflexion avant d’opérer un choix. Je vais commencer par une anecdote illustrant en partie mon propos : lors de l'épisode, j’ai 38 ans et pour diverses raisons je décide de reprendre des études afin de changer de boulot. Le problème, récurrent pour beaucoup d’entre nous, c’est le financement. En effet les formations coûtent cher, très cher. Je me rends donc à Pôle Emploi, passage obligé dans mon cas, pour constituer un dossier et voir dans quelle mesure ils peuvent m’aider. Pour rappel, le gouvernement, à ce moment-là, est dans l’optique d’offrir une formation à tous, tout au moins à chacun s'il le souhaite. Vous allez le voir, la parole est tenue mais la carte est réduite. J’arrive et je présente mon dossier à la conseillère. Sa première réaction est la surprise face au virage que je souhaite prendre. Pour info, je souhaite à l’époque passer un bac+2 en logistique, en 6 mois, alors que juste avant je montais et produisais des spectacles. Sa seconde réaction est toujours la surprise, mais cette fois, face au projet argumenté et construit que je lui présente. Cela me fait plaisir et je me dis que nous allons peut-être pouvoir trouver des fonds pour le dit projet. Et là, magnifique, elle m’annonce, avec aplomb et en toute sérénité, qu’elle me propose de passer un CQP (équivalent de l’ancien CAP) de conducteur routier… Je reste coi… J’ai un bac général, ai passé 3 ans en fac, validé des diplômes ou certifications, ai eu diverses expériences, et surtout j’ai un projet qui tient la route (l’avenir me le prouvera). Face à mon silence, elle pense me raviver en stipulant que tous les frais sont payés et que je serai, en plus, indemnisé (Jackpot !)… Je réalise alors que nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. Je lui signifie poliment que je pense qu’elle n’a rien écouté ou rien compris de ce que j’ai passé 20 minutes à lui exposer. Ce à quoi elle me répond : « Si, si, j’ai bien compris. Le problème c’est qu’avec ça vous ne rentrez pas dans les cases du financement, alors qu’avec ça (son offre), oui ». Il faut bien nourrir les statistiques. Sur ce je la remercie poliment (après tout elle n’y est pour rien) et lui dis que je me débrouillerai seul ; ce que je ferai puisque figurez-vous que j’obtiendrai les financements... en participant à un jeu TV auquel j’ai la chance de pouvoir m’inscrire peu après.
Moralité : je n’étais pas dans la bonne case pour le financement de ma formation mais j’étais dans la bonne pour être sélectionné pour un jeu TV, l’une m’ayant conduit à l’autre. Je me suis débrouillé, tant mieux pour moi, mais ce n’est pas toujours si simple.
Shakespeare (ou celui, ceux, ainsi nommés) écrivit en 1599 dans « Comme il vous plaira »:
“All the world's a stage,
And all the men and women merely players;
They have their exits and their entrances,
And one man in his time plays many parts…”
Je vous le donne en anglais parce que Shakespeare, pour moi, c’est quand même mieux en anglais.
Ce qui donne, traduit:
« Le monde entier est un théâtre,
Et tous, hommes et femmes, n’y sont que des acteurs ;
Ils ont leurs sorties et leurs entrées,
Et chacun dans sa vie a plusieurs rôles à jouer… »
J’ai toujours adoré ce monologue qui, je trouve, est universel et définit bien, grossièrement, le chemin de notre existence. Pour ce qui est de la suite du texte, bien que passionnante, elle ne sert pas mon propos. Elle s’attache en effet à parcourir les différents âges de la vie mais sans aborder le volet de notre humanité propre, de notre chemin personnel, du sens de notre vie, de notre rôle dans le grand théâtre du monde, pour filer la métaphore. Or, si notre évolution à travers les années est une sorte de vérité absolue, scientifique, inéluctable pour tous, irréversible et subie, l’autre versant dont je souhaite parler est propre à chacun. Il rejoint les fameux questionnements de Kant :
« Que puis-je connaître ? Que dois-je faire ? Que m'est-il permis d'espérer ? »
Je me suis moi-même toujours posé ces questions, auxquelles j’ajouterais le « Qui suis-je ? » que se pose, à priori, tout être doué de conscience. Et si je synthétise tout cela, en préférant « Que puis-je faire ? » au « Que m’est-il permis d’espérer ? » de Kant, voici l’introduction de ma pensée, de mon propos :
Chacun de nous naît, vit et meurt, c’est inévitable. Mais durant les années qui nous séparent de la Mort (que je souhaite à tous (ou presque) le plus nombreuses possible), tout devrait être, dans la mesure du respect de l’Autre et de nos propres capacités, possible ? Chacun, chacune, devrait pouvoir se construire un chemin conforme à ses souhaits, à sa personnalité, non ? Je vous renvoie la question car j’ai toujours estimé que oui mais sans doute y a-t-il quelque chose que je n’ai pas compris, qui m’a échappé, car le fait est que non. Oui on te rabat les oreilles avec des idées, des devises prônant la liberté, le libéralisme, l’épanouissement personnel etc… mais non tu ne fais pas ce que tu veux, loin de là. Qu’est-ce que tu viens nous emmerder avec ta liberté de choix, d’action, de pensée, ou autre ! Après quelques 40 années passées sur Terre, à naviguer dans plusieurs directions, j’en suis arrivé aux conclusions suivantes : si tu veux être peinard, si tu ne veux pas sans cesse rendre des comptes, si tu souhaites un chemin le plus linéaire possible et sans trop d’obstacles, alors:
Choisis ta case et choisis la bien !
Si au contraire tu recherches la liberté, l’aventure ou pour le moins une vie en mouvement, alors:
Choisis tes cases, choisis les bien et mets y porte et fenêtres! (ce ne sera pas simple mais ce sera passionnant)
Dramaturge chez Indépendant
5 ansCe n'est certes pas le chemin le plus facile! Comment parviens-tu à composer avec les autres, dans ce passage d'une «case à l'autre»? Mon expérience, et je crois bien l'avoir lus, sur ou entre les ligne de ton texte, c'est que cela dérange. C'est rassurent, non seulement pour soit, mais pour les autres aussi, une case bien définie. Comment composes-tu avec cette résistance, et même ce qui se traduit en évitement de la part des autres? Si je me permet ces questions ( qui ne sont peut-être qu'une!?), c'est que je connais une phase de transitions, et que m'on entourage a bien de la difficulté à l'admettre et même à en prendre fait et cause.
Dramaturge chez Indépendant
5 ansLieu de stress contemporain! Plus lourd que jamais pour les jeunes.