Chronique n°15 : Actualité - Droit des sociétés : Dans une S.A.S., un dirigeant est révocable ad nutum... sauf mention contraire des statuts
La très grande liberté statutaire qui prévaut dans les sociétés par actions simplifiées (« S.A.S. ») est un atout qui explique que cette forme sociétaire soit très utilisée. En effet, s’agissant de la direction et des décisions collectives, la loi écarte les principes applicables dans les sociétés anonymes et n’impose que quelques règles essentielles.
Encore faut-il savoir utiliser cette liberté à bon escient, ce qui implique de rédiger les statuts avec une grande rigueur, et en utilisant des termes précis, à défaut de quoi le vide juridique menace…
Une illustration nous en est fournie par un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 mars 2022 (n° 19-25.795), abondamment commenté dans les revues juridiques. Dans cet arrêt, la Cour suprême apporte une précision de première importance concernant les modalités de révocation d’un dirigeant mandataire social d’une S.A.S..
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Dans l’affaire en cause, un dirigeant d’une S.A.S. (en l’occurrence un directeur général) avait été révoqué. Les statuts prévoyaient que « les dirigeants sont révocables à tout moment », sans autre forme de précision. Le dirigeant, dont la révocation n’était pas fondée par l’existence d’un juste motif, réclamait de ce fait à la société des dommages et intérêts. L’argument invoqué à l’appui de sa demande était intéressant : les statuts ne dispensaient pas expressément la société de fournir un juste motif. La société devait-elle donc justifier d’un tel juste motif pour révoquer le dirigeant afin de ne pas être condamnée à lui verser des dommages et intérêts ?
La réponse de la Cour de cassation est sans équivoque : dans une S.A.S., les conditions dans lesquelles les dirigeants peuvent être révoqués sont, dans le silence de la loi, librement fixées dans les statuts. En conséquence, dès lors que les statuts n’exigent pas de juste motif (faute de gestion, non-respect des statuts ou de la loi, …), la révocation peut être prononcée « ad nutum », c’est-à-dire sans qu’aucune justification n’ait à être produite. Et il n’est pas nécessaire que les statuts écartent l’exigence d’un juste motif : s’il n’est pas exigé, il n’a pas à être fourni…