Coach de football : les 5 pourquoi ou méthode pour analyse

Pourquoi, Pourquoi, Pourquoi, Pourquoi, Pourquoi,

5 fois pourquoi. Mais pour quoi faire ?

Si vous souhaitez régler une problématique, une situation ou un fait de jeu, vous devez impérativement passer par une collecte d’information et une analyse.

En général, l’analyse d’une action de jeu de football se base que les 5 à 10 secondes précédentes. Dans le monde amateur, l’absence de la vidéo n’empêche pas une analyse approfondie.

Une analyse peut également traiter une problématique que vous rencontrez dans votre quotidien.

Tout d’abord, une analyse c’est quoi ?

Analyse est un mot formé à partir d’un terme grec « analusis » qui signifie « décomposition », lui-même formé à partir d'un verbe simple "luein" qui signifie "décomposer".

Le mot « analyse » désigne donc une décomposition, c’est-à-dire une opération intellectuelle consistant à décomposer une situation, un état, une chose, en ses éléments essentiels, afin d’en saisir les rapports et de donner un schéma de l’ensemble.

Pourquoi est-ce important d’effectuer une analyse ?

L’idée même est de revenir au cœur du réacteur :

1. Chercher les causes profondes d’un problème, d’une situation ou d’un résultat
2. Clarifier les relations entre ces causes.

En tant qu’éducateur ou coach, cela vous aidera en de multiples points :

• Connaitre les comportements des joueurs.
• Comprendre les actions et les réactions de vos joueurs en fonction de situation données
• Connaitre et comprendre les forces et les faiblesses des individus ou du collectif
• Savoir si vos messages sont bien assimilés (projet de jeu, principes de jeu, comportements émotionnels).
• Gérez un conflit
• Connaitre les points forts et les axes d’améliorations de vos prochaines interventions (entrainements, causerie, entretien individuel).
• Valoriser ou corriger.
• Remettre en question votre travail.
• Etc.

Le résultat de votre analyse est une information qui va enrichir vos datas et améliorer votre travail, ainsi que le travail de votre staff et de vos joueurs.

Une méthode efficiente

Comment réaliser une analyse efficace ? En vous basant sur la méthode des « 5 pourquoi ».

3 raisons majeurs :

1. Elle vous permettra de ne pas accuser injustement un joueur ou un groupe de joueur pouvant créer des conflits, des clans, ou des exclusions d’individus. Vous ne recherchez pas un coupable, mais une cause.
2. Elle vous permettra de remonter suffisamment en amont de l’action pour comprendre l’origine d’un fait de jeu ou d’une situation. Intéressant pour améliorer vos séances d’entrainement, peaufiner ou modifier votre projet de jeu, améliorer vos causeries, régler un conflit…. Mais surtout, comprendre les véritables raisons de la performance de votre équipe.
3. Elle renforcera votre crédibilité auprès de vos joueurs et de votre staff. Vous montrerez votre analyse à partir d’éléments factuels, donc vérifiables (le logos = l’argumentation logique).

A l’origine, il s’agit d’une technique qui est utilisé dans le management de projet et le marketing, technique visant à connaitre les véritables motivations d’un client, la raison d’être d’un produit ou d’un service, ou analyser les causes profondes d’un problème.

Et c’est justement ça l’objet de l’analyse. Revenir au cœur du problème. Vous allez ainsi identifier la cause fondamentale (ou cause racine). Vous analysez des liens de causalité (causes/effets).

Comment ? en vous posant la question « pourquoi » 5 fois, en reprenant la réponse précédente, jusqu’à trouver la cause fondamentale (ou cause racine).

Want to add a caption to this image? Click the Settings icon.

Cependant, il est possible qu’au bout de 3 ou de 8 fois, vous la trouviez.

En fait, vous la poserez autant de fois que nécessaire, jusqu’à remonter à la source.

Cette méthode nécessite 3 prérequis :

1. Avoir une intention bienveillante : vous cherchez une cause, pas un coupable.
2. Avoir une vision globale : vous devez impérativement développer votre vision périphérique, à 360°.
3. Se baser uniquement sur des éléments factuels : je vois que, je constate que, j’observe que.

A l’avenir, si votre gardien effectue une Calamiti James (gardien de but de l’Angleterre), ne vous accablez pas sur lui, mais demandez-vous comment l’attaquant adverse s’est retrouvé en situation si favorable pour tirer.

Voici les étapes à travers un exemple non footballistique :

Panne de voiture :

1. Pourquoi ? - La batterie n'est pas chargée.

2. Pourquoi (la batterie n'est-elle pas chargée) ? - L'alternateur ne fonctionne pas.

3. Pourquoi (...) ? - La courroie de l'alternateur est cassée.

4. Pourquoi ? - J'ai dépassé la durée préconisée par le constructeur et la courroie était usée.

5. Pourquoi ? - Je n'ai pas respecté les préconisations du constructeur (la cause première).

En respectant les données du constructeur, j’aurais pu éviter une panne de la batterie. (Source Wikipédia)

Voici les étapes à travers un exemple footballistique :

Nous nous souvenons tous du but de Benjamin Pavard lors du 1/8 de finale de la Coupe du Monde 2018 face à l’Argentine de Messi, élu par ailleurs plus beau but de la compétition (source fifa.com)

Didier Deschamps analyse :

« Il y a un côté irrationnel. Ce n'est pas logique que l'arrière gauche centre pour l'arrière droit. Mais c'est la situation qui veut ça parce que l'on est mené. Il y a une part de liberté et d'initiative des joueurs » (source l’Equipe)

Le buteur analyse lui-même :

"Le ballon arrive, fait un rebond. Je ne me pose pas de question, j’essaie de me coucher pour ne pas qu’elle s’envole au-dessus du but. Je cherche à la mettre du côté d’où elle vient. C’est ce que les attaquants m’ont toujours dit de faire. J’y vais sans réfléchir, et quand je la vois rentrer… Ce n’est que du bonheur."

But extraordinaire, sortie de nulle part…ou presque. Car la question n’est pas de savoir comment a-t-il fait pour marquer :

• Car seul 2% des frappes sur cette surface du terrain sont transformés en but (voir les Expected Goal).
• Ensuite, la frappe de balle fait appel à des qualités techniques uniquement : le geste est parfaitement exécuté (position du corps, pied d’appui, enchainement à la prise de balle).

Non, la question est :

« comment l’équipe de France s’est retrouvé dans une situation si favorable pour frapper au but ? ».

Blaise Matuidi : "C’est exceptionnel. Je vois Lucas Hernandez, arrière gauche, partir entre deux défenseurs. Il centre en retrait, et là c’est l’autre latéral qui est là pour la mettre !", décrit-il, "Incroyable de réussir à la prendre comme ça, surtout avec ce ballon qui rebondit. Benjamin a eu cette force de caractère. C’est lui qui nous remet dans le match. Et c’est un très jeune joueur en plus !" (Source www.fifa.com).

Allons plus loin :

1. Pourquoi Pavard frappe ? Parce que Hernandez centre.
2. Pourquoi Hernandez centre ? Parce que Matuidi le lance dans le couloir suite à un appel de Hernandez dans le dos de son adversaire direct et dans un intervalle.
3. Pourquoi Matuidi parvient-il à lui faire la passe ? Il a le temps de lever la tête et d’ajuster sa passe car il n’est pas cadré par son vis-à-vis.
4. Pourquoi Matuidi n’est pas cadré ? Kanté et Matuidi se retrouve en 2vs1 à la médiane ; Kanté fixe et passe à Matuidi.
5. Pourquoi Matuidi et Kanté se retrouve en 2vs1 ? le bloc argentin se replace (très) lentement en bloc bas, sans effectuer de pressing et sans se préoccuper du ballon. D’autre part, formé en 2 ligne de 4, on aperçoit de larges intervalles directement exploités par les français.

Conclusion : la cause fondamentale est triple :

• Absence de zone press autour du ballon,
• Absence de pressing sur le porteur,
• Bloc argentin en 2 lignes et de grands espaces entre les joueurs.

En effet, même Pavard qui est pourtant suivi (de loin) n’est pas cadré par son vis-à-vis (très en retard). Les français ont profité des largesses argentines. En 3 passes, ils se retrouvent en position très favorables pour amener le ballon dans la surface adverse.

Les limites

Il s’agit là d’une analyse assez simpliste. On le sait, le football est un jeu complexe et multifactoriels. Ce procédé suivi à la lettre est adapté à des problématiques ou des situations simples.

Cependant, dans le cas précédent, on peut aussi prendre chaque point et établir un schéma pour ensuite relier les causes :

• Pourquoi Pavard s’est retrouvé dans cette espace de jeu ?
• Pourquoi Hernandez centre ?
• Etc.

Le plus important est de garder en tête la chose suivante :

Une réflexion et une méthodologie pour comprendre le schéma d’une situation ou d’une problématique.

Pour aller plus loin

Une fois la cause fondamentale (ou cause racine) trouvée, vous devez etre force de proposition pour apporter une solution.

Voici une méthode complémentaire qui vous aidera : QQOQCP.

Qui ? Les acteurs concernés ou les possibles acteurs à intégrer.

Quoi ou quel ? Que cherche-t-on à résoudre.

Où ? Le lieu ou l’espace de jeu.

Quand ? La temporalité.

Comment ? La manière de résoudre la situation, les outils nécessaires.

Pourquoi ? Dans quel objectif, quel besoin comble-t-on.

En répondant à ces 6 questions, vous aurez intégré l’ensemble des paramètres à régler pour résoudre votre problématique.

Pour conclure

Il s’agit là d’une méthode parmi tant d’autres. Elle aura son efficacité dans certains cas, pour d’autres elle ne répondra pas à vos attentes. La base est le questionnement. En effet, le questionnement fait appel à des processus cognitifs qui nous rend plus observateur, et surtout acteur.

Alors pour ne plus subir, après avoir été observateur, soyez acteur.

Nous verrons dans un prochain articles les enjeux du (bon) questionnement.