Comment engager aujourd'hui la transition énergétique des métropoles françaises pour 2050 (4/8)
Axe 3 : Déverrouiller les secteurs de l'urbanisme et des réseaux de distribution d'énergies
Une approche urbaine multi-sectorielle intégrant l'énergie
La planification territoriale et urbaine doit désormais être multi-sectorielle, non plus limitative aux seules formes urbaines, parfois sources de non-sens énergétique (comme la conception de façades noires sur un programme neuf par exemple), et intégrer très en amont les politiques énergétiques, leurs objectifs, notamment celui du Facteur 4, et les potentiels énergétiques du territoire, pour ainsi mieux articuler le développement urbain et celui des réseaux énergétiques dans une cohérence globale et stratégique.
Au delà de la prise en compte des PDU et PLH dans les futurs PLUi, les outils de planification urbaine devront prendre en compte le futur PCAET et le développement des réseaux de distribution, comme l’impose désormais la loi de Transition Énergétique. Mais le PCAET est un outil stratégique, et pas opérationnel. C’est pourquoi il est important pour les collectivités d’élaborer, en déclinaison du PCAET, un Schéma Directeur des Énergies et une planification énergétique, afin d’intégrer ensuite dans les outils de planification urbaine, la maîtrise de la demande et les gisements d’énergies renouvelables, pour avoir un développement territorial en cohérence avec un objectif facteur 4 pour 2050.
Les nouvelles opportunités de mutualisations énergétiques, rendues possibles par les récentes évolutions législatives comme les ordonnances et décrets sur l’auto-consommation et sur les réseaux fermés en 2016 et 2017, ou encore les futurs SRCAE et SRADDET, créent un contexte favorable à ces évolutions nécessaires de la conception de la planification urbaine.
S'imposer en tant qu'AODE
En tant qu’Autorité Organisatrice de la Distribution d’Énergie (AODE) sur l’ensemble de leur territoire, les métropoles doivent dans un premier temps, reprendre en main les compétences sur les réseaux électriques et gaz, ce qui implique pour celles concernées de sortir du syndicat d’énergie local. En effet, les enjeux des réseaux des territoires urbains et ruraux sont très différents, et la représentativité et le pouvoir décisionnel des métropoles urbaines dans ces syndicats n’est pas à la hauteur de leurs enjeux. Ensuite, la collectivité doit assurer les développements conjoints et les contrôles de ces réseaux, résolument tournés vers l’avenir, notamment en planifiant leurs évolutions au travers de ses propres outils de planification, en concertation avec les gestionnaires des réseaux, et non plus en fonction de leurs uniques choix, et en contrôlant et orientant ces investissements selon les orientations stratégiques qu’elle s’est fixée, et en cohérence avec les objectifs du S3REnr comme le suivi des réserves de puissance par exemple. Le contrôle, ainsi que la planification des investissements sur les réseaux, doivent permettre à la collectivité de privilégier notamment, dans le cadre de sa stratégie globale, les actions de maîtrise de la demande en énergie (MDE), et de développement d’EnR, aux renforcements et extensions de ces réseaux, sources de dépenses pour la collectivité, dont 15 à 20% estimés de ces investissements pourraient être évités par les réseaux intelligents. Enfin, nombreux sont les outils législatifs présents dans la loi de Transition Énergétique, ou encore le décret de novembre 2015 sur la réalisation d’évaluation des potentiels d’efficacité énergétique des réseaux par les concessionnaires, qui permettent aux collectivités de s’impliquer aux côtés des gestionnaires, sur l’avenir des réseaux et leurs développements.
Tout comme pour les réseaux électriques, les métropoles pourront, en tant qu’AODE gaz et avec l’appui des données énergétiques du territoire, s’investir dans le développement coordonné des réseaux gaz avec ceux dont elles ont généralement plus la maîtrise, ceux des réseaux de chaleur, mais également dans la conversion énergétique par rapport au fioul, impulser des démarches auprès des consommateurs au travers des données recueillies, mettre en avant des actions de MDE, des projets d’effacement et de stockage de chaleur, ...
Le nouvel enjeu des données
Les données énergétiques du territoire, détenues par les gestionnaires de réseaux, permettront, pour autant que les collectivités s’en saisissent, par leur traitement, d’analyser finement les consommations, d’agir au bâtiment, à l’intérieur de chaque maille IRIS, d’identifier les gros consommateurs, proposer des projets de MDE, d’intervenir sur le mix énergétique par le recours aux réseaux de chaleur et aux énergies renouvelables, de faire émerger des projets d’écologie industrielle et de mutualisation énergétique, … La FNCCR a d’ailleurs proposé dans un récent rapport sur la Collecte et gestion des données numériques pour le pilotage des politiques, la mise en place de Mission locale de service public de la donnée, les métropoles étant appelées à s’engager dans les data sciences pour accroître leur capacité d’action et de développement, et notamment dans les domaines de l’énergie.
Cependant, dans ce contexte, les métropoles doivent s’interroger sur la gestion de ces données, que j’appelle « OPED » : Open Public Energy Data, définies comme les données énergétiques du territoire, brutes ou traitées, utiles, et utilisées par un territoire pour l’élaboration de ses politiques publiques, ses stratégies de maîtrise de la demande en énergie et de développement d’EnR, mais également les données qu’elles peuvent rendre disponibles, en fonction des besoins en données des citoyens, acteurs du territoire, start-ups, …
Enfin, la nouvelle technologie blockchain, nouveau trait d’union entre les données numériques, et le pilotage de production décentralisée d’énergie et la consommation, dans un contexte législatif en évolution comme pour l’auto-consommation par exemple, s’annonce être un futur moyen d’innovation et d’optimisation, y compris pour les collectivités.
Engager l'évolution des réseaux
Les réseaux intelligents ou « smart-grids », connaissent depuis plusieurs années une évolution grandissante avec des applications nouvelles, et plus large, grâce au numérique, que le seul secteur de l’énergie, secteur pourtant à l’origine de leur développement, du fait de l’évolution d’une production centralisée historique vers une production plus décentralisée, diversifiée et intermittente, par les renouvelables. L’effacement d’énergie, le stockage d’énergie, l’auto-consommation, la flexibilité (le décret paru le 30 mai 2016 permet les expérimentations et projets démonstrateurs), l’intégration des énergies renouvelables dans le réseau, sont autant de pistes qui pourront permettre de réduire les consommations d’énergies du territoire. Les conditions sont réunies pour permettre, par ces évolutions, la réalisation intégrée de nouveau projet innovant, et d’équipement qui pourrait permettre à la fois la production d’énergie renouvelable, d’assurer de la flexibilité et des services système au réseau électrique, une rémunération à la collectivité sur le tout nouveau marché de capacités, ...
Le déploiement d’un smart-grid énergétique sur une métropole est généralement pertinent, puisque la plupart d’entre elles regroupe des zones urbaines très denses avec des zones périurbaines, et parfois presque rurales. L’intégration des EnR, la MDE, l’effacement, le stockage d’énergie, en y associant et impliquant les usagers, constituent donc des domaines d’expérimentation et d’innovation pour un territoire, et peuvent être sources de fortes mobilisations des acteurs locaux.
Une mutation profonde des infrastructures de réseaux doit donc pouvoir être engagée pour la transition énergétique du territoire, et la métropole doit en assurer la gouvernance, notamment au travers de son aménagement urbain, pour accompagner cette mutation.
A suivre (5/8) :
Axe 4 : Développer des liens urbain-rural
Axe 5 : La création d'outils locaux