Comment l’Église de Jésus-Christ se positionne face à l'esprit rationaliste et révolutionnaire du monde occidental ?

L’âge apocalyptique commence avec la juxtaposition de la Réforme comme l’intensification la plus haute du principe religieux et le rationalisme et la révolution comme les intensifications les plus hautes du principe antireligieux. C’est ainsi que la scène est dressée pour la lutte ultime.

Tournons-nous maintenant vers les quatre réactions possibles de l’Église face à ce mouvement rationaliste révolutionnaire :

(i) L’assimilation par l’Église de la modernité : l’abandon du réalisme dogmatique et la victoire de la critique. 

(ii) Le compromis de l’Église avec la modernité : le réalisme dogmatique maintenu, mais associé à la critique.

(iii) Le retrait de l’Église face à la modernité vers le ghetto d’une piété ecclésiale qui se veut pure : la réduction de la portée universelle, vraiment catholique, du réalisme dogmatique.

(iv) L’affirmation du réalisme dogmatique, authentiquement catholique, de l’Église (c’est-à-dire complet, Tota Scriptura) : la confrontation victorieuse de l’Église fidèle avec la critique de la modernité, son rationalisme révolutionnaire. 

(i) L’assimilation par l’Église de la modernité

Ce premier point est en général celui qui vient en dernier dans un processus d’apostasie.

On le trouve au XVIe siècle déjà dans des figures comme Sébastien Castellion (tolérance religieuse, sentimentalisme et individualisme) ; Michel Servet (véritable égout des hérésies modernes) ; Pierre de la Ramée (héraut pré-cartésien du subjectivisme rationaliste).

À Genève, par exemple, l’on voit l’aboutissement de cette assimilation de la modernité avec l’apostasie du fils de François Turrettini, Jean-Alphonse Turrettini (1671-1737) qui favorisa, de plus en plus fortement, le développement d’un protestantisme où l’orthodoxie confessante réformée était diluée toujours davantage dans l’esprit critique des Lumières.

Aux États-Unis, ces changements eurent lieu beaucoup plus tard, vers à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Cet abandon progressif du Protestantisme confessionnellement et dogmatiquement réaliste se manifesta dans différents lieux, à des moments assez divers. Partout il s’agira de la victoire de ce rationalisme révolutionnaire qui est au cœur de la Modernité.

(ii) Le compromis de l’Église avec la modernité 

Ce que nous appelons ici « le compromis de l’Église avec la modernité » n’est autre que le maintien d’un certain réalisme dogmatique, mais associé à des éléments critiques plus ou moins dominants.

Cette attitude peu catholique de compromis précéda en général l’assimilation par l’Église de la modernité rationaliste révolutionnaire, telle que nous venons de la considérer au point précédant.

On constate bien une telle attitude à l’époque de Martin Luther chez les partisans de l’érasmisme qui cherchaient à s’affirmer comme des chrétiens bien catholiques, orthodoxes quant aux dogmes officiels, mais qui faisaient en même temps la part large au rationalisme critique.

Au XVIIe siècle, on verra paraître cette même tendance au compromis chez les protestants puritains qui ne manifestèrent guère de résistance à la philosophie subjective rationaliste de Pierre de la Ramée, puis à celle de René Descartes. Cela allait de pair avec une admiration sans discernement critique pour les sciences physiques nouvelles.

Chez bien des chrétiens évangéliques ou réformés confessants actuels, cette tendance au compromis se manifeste par le désir d’accéder à une respectabilité académique, ambition souvent marquée par des tentations en faveur de l’évolutionnisme théiste et une doctrine sociale imprégnée d’idées égalitaires socialistes.

Un des signes certains d’un tel dérapage est le mépris ou le rejet du détail des commandements si bienfaisants de Dieu.

(iii) Le retrait de l’Église face à la modernité

La pression du monde moderne, de ce criticisme rationaliste et révolutionnaire, a été si forte au cours des derniers siècles, que bien des chrétiens fidèles ont fini par opter, afin pensaient-ils de préserver un reste de leur foi, pour une réduction, plus ou moins importante, de l’universalité catholique du règne de Celui qui est le Pantocrator, le Seigneur de toutes choses, Jésus-Christ, Roi des rois de la terre et Maître souverain de toute l’histoire et du cosmos lui-même.

Ainsi, l’on en est venu à se complaire en un christianisme qu’on appelle piétiste ou quiétiste, foi chrétienne qui se contenta d’un salut personnel et d’une vie d’Église centrée sur le culte dominical ainsi que sur la proclamation de l’Évangile au monde perdu.

Ni la Science, ni la Politique, ni le Droit, ni la Littérature, ni l’Histoire n’intéressent de tels chrétiens, certes sincères, mais centrés sur eux-mêmes et sur leur salut personnel ainsi que sur leur propre sanctification.

C’est ici le repli de l’Église dans sa coquille : Église qui en général demeure assez orthodoxe.

Cela manifeste un certain esprit de crainte bien compréhensible face au monde rationaliste et révolutionnaire qui entoure l’Église. La réticence à se confronter au monde extérieur qui s’éloigne de plus en plus de Dieu indique une perte du sens du combat qu’est la vie chrétienne véritable ordinaire, car tous, quelle que soit leur situation dans le monde, sont appelés à être des vainqueurs.

Sur le plan théologique, la sotériologie – les doctrines concernant le salut – en vient à avoir priorité sur celles concernant Dieu et sa création.

Cette situation, à moins de devenir carrément dualiste (par exemple dans les milieux dits des « Frères » darbystes) va d’abord passer par un compromis avec la modernité (tentation actuelle des milieux auparavant en retrait du monde.) C’est à présent le cas pour des milieux tels les Mennonites ou l’Action Biblique qui vivent une période d’accommodements avec notre monde impie.

Une génération plus tard ces milieux, à moins d’un profond repentir doctrinal et ecclésial, passeront sans doute à l’assimilation pure et simple de l’esprit rationaliste et révolutionnaire de la modernité.

Cette dernière situation est actuellement celle d’une grande partie des Églises des Vaudois du Piémont, qui furent si longtemps fidèles face aux persécutions terribles de l’Église romaine.

C’est surtout celle d’une grande partie des milieux réformés des Églises dites « officielles ».

(iv) L’affirmation du réalisme dogmatique, authentiquement catholique – selon le tout de l’Écriture – de l’Église

Ici nous avons affaire à l’authentique plénitude de la foi chrétienne tout à la fois confessante, catholique et orthodoxe.

Cette position se veut fidèle à toute l’Écriture (sa catholicité) et à la création dans tous ses ordres (encore sa catholicité) ainsi qu’à une vision de la vie chrétienne et ecclésiale mettant à la première place, non le salut personnel indispensable, mais Dieu lui-même, Père, Fils et Saint-Esprit, et Sa gloire éternelle.

C’est la position des véritables défenseurs de la foi réformée, celle des Réformateurs du XVIe siècle et de leurs authentiques successeurs et disciples ultérieurs.

Des hommes comme François Turrettini et Bénédict Pictet ; John Owen et Samuel Rutherford ; Edmund Burke, Charles Siméon et John C. Ryle ; Johann Georg Hamann, Friedrich Julius Stahl et Wilhelm Hengstenberg ; Auguste Lecerf et Pierre Courthial ; Herman Bavinck, Herman Dooyeweerd et Klaas Schilder ; John Gresham Machen, Cornelius van Til, Rousas John Rushdoony, Harold O. J. Brown et Douglas F. Kelly.

Ou, sur le plan littéraire, des écrivains chrétiens comme Jérémias Gotthelf, Urbain Olivier, Georges Bernanos, Alexandre Soljénitsyne et Eugenio Corti qui exercèrent tous une vocation indéniablement prophétique.

 

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