Comment la gestion des plages compromet le développement du tourisme balnéaire au Maroc?
Le squat des plages et leur occupation par les loueurs de parasols, tables et chaises prend actuellement une dimension endémique sur les plages marocaines à affluence touristique, et ce en dépit de l’indignation, réclamations et protestations des estivants, habitués il n y a pas longtemps à profiter librement des paysages qu’offrent les rivages de la méditerranée et l’océan atlantique.
Les estivants sont devenus l’objet d’un commerce très lucratif, obligés malgré eux de composer avec le dictat de personnes qui ont trouvé le moyen de leur soutirer de l’argent en les obligeant à louer des parasols , tables et chaises , entreposés sur plusieurs lignes en rangs serrés le long des dizaines de kms des plages. Ces squatteurs, en groupes organisés et bien décidés à empêcher les estivants d’utiliser leur propre équipement de plage, confisquent tous les espaces possibles et obligent toute personne voulant avoir vue sur mer de recourir à leurs services, en contrepartie de fortes sommes d’argents en regard de la qualité médiocre du matériel présenté en location.
Ces groupes de personnes qui affinent au fil des années leurs techniques et renforcent leurs moyens à l’occasion de chaque saison estivale, vu les enjeux financiers en jeu, étendent leur mainmise sur les plages et constituent par la force des choses un état de fait parmi tant d’autres imposés aux citoyens en violation de ses droits, désirs, principes et choix.
Le squat des plages se différencie sur deux plans des autres phénomènes sociaux, telle l’appropriation des voies et places publiques par les gardiens des véhicules et marchands ambulants. Tout d’abord, par les sommes d’argent colossales, amassées à la fin de chaque saison estivale , sans compte à rendre à quiconque, surtout aux services fiscaux ; et d’autre part, son adossement parasite à effets néfastes sur le tourisme, qui a une importance vitale et stratégique au Maroc.
Comme tout phénomène socio-économique, l’étude des caractéristiques du squat des plages passe par l’analyse de la base et fondements juridiques du littoral dont les plages font parties, ainsi que l’identification de ses incidences multidimensionnelles et ses répercussions et contingences économiques et sociales.
Régime juridique de l’exploitation des plages au Maroc
La réglementation du littoral ou communément connu dans le jargon juridique par « le domaine public maritime », est parmi les plus anciens textes juridiques au Maroc. Les autorités du Protectorat ont, dès les premières années de la colonisation, jugé le besoin d’une règlementation qui préserve le domaine public, défini comme une catégorie de biens qui ne peuvent être possédés privativement pour l'usage public et dont l'administration appartient à l'Etat, tuteur de la communauté. Le 1er novembre 1912, une circulaire viziriel publiée au Bulletin officiel a rappelé le caractère inaliénable des biens qui constituent le domaine public de l'Etat. Le dahir du 1er juillet 1914 a précisé la composition du domaine public par les rivages de la mer, les rades, les ports, les havres, les routes, les chemins, les ponts …. et, en général, toutes les parties du territoire et tous les ouvrages qui ne peuvent être possédés privativement comme étant à l'usage de tous.
L’arsenal juridique mis en place pour la protection, la préservation et la gestion du domaine public est constitué notamment par le dahir du 30 novembre 1918, tel qu’il a été complété et modifié, relatif à l’occupation temporaire du domaine public. Le dahir du 2 novembre 1926 s’est chargé de la réglementation du domaine public maritime et a établi la base de l’exploitation des plages et du littoral qu’il a mis sous la tutelle du ministère de l’Equipement. La circulaire conjointe des ministères de l’Intérieur et de l’Equipement portant n° 84 du 8 juin 1998, relative à la gestion et la protection des plages de baignade avait pour objectif de faire de la collectivité territoriale l’acteur principal de gestion des plages, dont notamment les aspects liés à la propreté et à la salubrité. L’arrêté du ministre de l’Equipement n° 368-02 du 5 mars 2002, portant délégation des pouvoirs aux Walis des régions a acté le transfert de l’autorité de signature des autorisations d’occupation temporaire du domaine public maritime des projets d’investissement, du ministère de l’Equipement aux Walis des Régions, concomitamment avec la création des Centres Régionaux d’Investissement .
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L’investissement touristique au Maroc, un choix stratégique de développement
Ouvert sur le monde et libéral dans ses politiques, conditions sine qua non de toute approche de tourisme prospère, le Maroc a dès les années 60 du siècle dernier pris conscience de l’importance du secteur du tourisme dans ses stratégies de développement économique. Le tourisme balnéaire et celui des villes impériales faisaient l’essentiel de l’activité touristique du secteur, dont les répercussions sur l’économie et l’emploi s’avéraient indispensables aux premières années de l’indépendance du Maroc. Rappelons que l’Espagne parmi les leaders actuels du tourisme dans le monde, procédait à cette époque, en même temps que le Maroc, à la mise en place de ses premières stratégies touristiques.
Dans une optique ambitieuse et volontariste, le Maroc s’est engagé tout au long des années 60 et 70 sur la voie de développement du tourisme balnéaire à travers la réalisation de nombreux projets d’hébergement et d’animation sur la côte méditerranéenne à Tanger et à El Hoceima (Club Med) et Agadir sur l’océan atlantique. Le nouveau millénaire a donné un nouveau souffle au tourisme balnéaire avec le Plan Azur et le projet de réalisation de 6 stations balnéaires internationales sur les côtes marocaines (une sur la méditerranée et cinq sur l’atlantique), dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale touristique.
En dépit des résultats mitigés en deçà des espérances de départ (voir en détails cet aspect dans mon livre intitulé « Les contrats internationaux d’investissement touristique au Maroc», Edition El Joussour, 2015, 293 pages), le Maroc a démontré qu’il peut concevoir et mettre en place des stratégies de développement touristique probantes à condition de fixer des objectifs réalistes et mobiliser les moyens adéquats. Le modèle exemple de tourisme balnéaire dans les pays tels que l’Espagne, le Portugal et la Grèce, reste éloquent en la matière.
Les disfonctionnements de la gestion des plages, constats récurrents et phénomènes endémiques
La mer et la plage sont à l’essence même du tourisme balnéaire auquel les stratégies nationales vouent la réalisation de 70% des arrivées et des recettes touristiques.
La Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement a lancé depuis 1999 l’initiative « Plages Propres ». L’importance du littoral qui s’étale sur 3000 kms de côtes marocaines et sa contribution dans le développement du tourisme national nécessitaient une attention particulière . Limité au départ à des actions de nettoyage et de propreté des plages, l’initiative de la Fondation est aujourd’hui un programme environnemental complet, allant de la propreté à l’aménagement, en passant par la sécurité, l’animation et la sensibilisation et l’éducation au développement durable. Les conclusions des différentes études et actions menées par la Fondation restent sans équivoque et pointent toutes une gestion intégrée défaillante des plages. Les constats répertoriés des disfonctionnements identifiés concernent les aspects suivants:
La dégradation des plages, enjeux et répercussions sur le tourisme balnéaire
Comme il l’a été souligné dans les différents rapports de la Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement, la dégradation des plages a pris des proportions inquiétantes, dont les conséquences, au-delà des questions environnementales, compromettent tous les efforts déployés depuis bientôt 60 ans pour asseoir le Maroc parmi les pays à destinations renommées du tourisme balnéaire. Le manque de propreté, l’insalubrité des eaux de baignade, la prolifération des marchands ambulants et le squat des plages par les loueurs de parasols, tables et chaises, constituent les aspects les plus récurrents auxquels sont confrontés chaque été, aussi bien les estivants nationaux que les touristes étrangers. Il faut rappeler que cette situation qui empire au fil des années, vu les enjeux financiers que génèrent toutes ces activités informelles pour les personnes qui s’y adonnent, aura des conséquences négatives qui se répercuteront inéluctablement sur toutes les chaines de valeur de l’industrie touristique, qu’il serait judicieux de rappeler ci-après :
Le Maroc est promu à organiser la Coupe du Monde de Football, événement quadriennal de renommée planétaire, conjointement avec l’Espagne le Portugal. Une occasion d’or pour tous les pays qui ont eu le privilège d’organiser cette compétition pour faire preuve et annoncer dans la foire concurrentielle des nations, leur génie , capacité et ambition . Cette compétition est également synonyme d’affluence touristique record dans tout le pays, notamment dans les villes qui hébergeront les rencontres sportives dans leurs stades. 4 villes balnéaires marocaines seront au-devant de la compétition, Tanger, Rabat, Casablanca, et Agadir. Ceci étant, le Maroc doit impérativement prendre les dispositions nécessaires pour être au rendez de l’évènement. Cela passe par tous les aspects liés à l’organisation de la Coupe du Monde, que ce soient les questions sportives, des structures, logistiques, sécuritaires mais également civiques et touristiques.
L’avenir au Maroc passe par une approche d’un tourisme d’excellence et de qualité, créateur d’emploi et de valeur ajoutée. Le social non encadré et non réglementé adossé au tourisme restera toujours un foyer de précarité et de pauvreté. Tolérer tous les agissements dysfonctionnels qui s’incrustent au tourisme ne fera que précariser le secteur et accentuer sa saisonnalité. Avec le réchauffement climatique et l’allongement de la saison estivale, le tourisme au Maroc perdra une opportunité inestimable de renforcer sa compétitivité et consolider ses atouts. Le Maroc ne doit absolument pas rater son rendez-vous avec l’histoire de la Coupe du Monde et doit prendre dès maintenant les mesures pour mettre de l’ordre dans ses priorités et ses approches. Si les défis sportifs futurs priment, ceux touristiques sont aussi importants, l’assainissement et le rehaussement du niveau de nos plages et le meilleur indicateur de cette ambition et volonté.
Quelles recommandations et approches de solutions du dilemme des plages ?
Confier l‘entière responsabilité de la gestion des plages aux collectivités territoriales avec les limites et les défaillances que leurs interventions comptabilisent dans la gestion des villes et communes, comporte un risque évident sur les résultats escomptés. Il serait temps de revoir le mode de gouvernance et les acteurs habilités à préparer organiser et réglementer la saison estivale sur les plages. Quelques recommandations qui rejoignent celles citées dans les différents rapports de la Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement, se résument dans les points ci-après :
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1 ansDes schémas littoraux sans application,des lois brisés et des infractions innombrables...conséquences majeures;anarchie multidimensionnelle,détérioration de l'image de marque de la destination maroc, le retardement de développement touristique et par voie de conséquence marocain et in fine, le délaissement de la destination maroc de la part des TO internationaux même les plus classiques avec qui le Maroc avait entamé diverses collaborations et conventions...!