Comment maîtriser le coût d’un équipement de crèche ?
Face à la baisse des dotations d’une part et la hausse des coûts liés aux crèches d’autre part, les collectivités doivent trouver des marges de manœuvre financières…
L’accueil de la petite enfance n’est pas une compétence obligatoire pour les collectivités locales. Néanmoins, la majorité d’entre elles se lancent dans la construction d’équipements d’accueil du jeune enfant, tant les besoins sur les territoires sont importants. Rappelons que la France, avec 785.000 naissances en 2016, compte l’indice de fécondité le plus élevé d’Europe, devant l’Irlande. Cet indice est néanmoins en baisse constante depuis quelques années : 1,93 enfant par femme, contre 1,96 en 2015, et 2.0 en 2014.
1/ Limiter un coût de construction élevé
Le coût de la construction d’une place en crèche a pratiquement doublé en 13 ans. De 18.000 euros en 2000, il est passé à 34.000 euros par berceau en 2013. Cela est notamment dû aux normes strictes de constructions pour ces équipements, par exemple sur les surfaces minimales imposées par les services de PMI (Protection maternelle et infantile). Il faut savoir que chaque département est libre de fixer la surface minimale sur son territoire. Certains acteurs, notamment privés, voudraient clarifier la règle avec un nombre de m² utile fixé à un niveau national.
2/ S’adapter au fonctionnement des subventions
Une fois la crèche construite, sa pérennité dépend de la maîtrise des coûts de fonctionnement. Ceux-ci dépendent fortement de la PSU, Prestation de Service Unique, subvention de la CNAF ouverte à tous les EAJE (Équipement d'accueil du jeune enfant, c’est-à-dire les haltes garderies, multi-accueils, crèches, micro crèches…) pour tous types d’accueil (réguliers, occasionnels, d’urgence). La création de la PSU date de 2002 avec la logique suivante : appliquer sur tout le territoire français un tarif correspondant à une tarification modulée selon les ressources des familles.
En 2014, le système de calcul de la PSU évolue pour inciter les crèches à améliorer leur niveau de service. Dès lors, deux paramètres supplémentaires sont introduits : le taux de facturation et la fourniture des couches et des repas. Il était en effet apparu que les EAJE les moins vertueux (pratique de la surfacturation et des couches et des repas non fournis) touchaient la PSU la plus élevée…
Dans le détail, le taux de facturation s’établit selon trois modalités : soit il est inférieur ou égal à 107% ; soit il est compris entre 107% et 117% ; soit il est supérieur à 117%. Ces modulations entraînent des prix plafonds horaires différents et la PSU correspond toujours à 66% du prix plafond retenu.
La plupart des crèches jouent désormais le jeu afin d’optimiser le financement externe : en 2015, 7 établissements sur 10 étaient vertueux (selon les critères établis par la CNAF, Caisse Nationale des Allocations Familiales) et bénéficient ainsi des meilleurs prix plafond.
3/ Contenir la masse salariale et les charges courantes
Avec 75 % des coûts de fonctionnement, la masse salariale est le premier poste de dépenses des EAJE. Un poste difficilement compressible puisque la législation impose des taux d’encadrement et de qualifications minimums. Néanmoins, il est prudent pour les collectivités de ne pas chercher à faire des économies sur le personnel, le risque étant de voir la qualité de l’accueil tirée vers le bas.
Au contraire, les personnes publiques, dans la rédaction des marchés publics ou de DSP, indiquent plutôt des taux d’encadrement supérieurs à la réglementation en vigueur, afin d’assurer une bonne gestion du service. Il est alors plus intéressant de s’atteler à la maîtrise des prix d’achat des couches et des produits d’entretien, via des groupements de commande par exemple. Une bonne gestion des fluides (eau, électricité, gaz) permet aussi de réduire les coûts de fonctionnement.
4/ Améliorer les taux d’occupation des crèches
Le taux d’occupation est un indicateur important que doivent surveiller les gestionnaires de crèches : il doit être a minima de 70% afin de bénéficier des subventions de la PSU. Potentiellement un casse-tête pour certains EAJE qui doivent coller au plus près des besoins des familles, de plus en plus flexibles : accueils à temps partiels ou accueil en urgence… tout en devant rationaliser le taux d’occupation des crèches.
Le fonctionnement de la PSU induit des effets pervers, notamment quand un EAJE doit faire face à des absences de dernier moment. Ce type d’absence amène une pénalité financière instantanée pour la crèche ou le multi-accueil. Pour éviter cela, la crèche doit chercher à développer l’accueil occasionnel, permettant ainsi de mieux remplir les créneaux horaires. La Ville de Toulouse est allé jusqu’à programmer des alertes par SMS pour prévenir les familles des créneaux horaires disponibles…
5/ Déléguer la gestion au secteur privé via la concession
A chaque fois qu’une commune décide de déléguer la gestion de l’un de ses établissements, la presse locale s’en fait écho en des termes assez négatifs, que ce soit de la part de l’opposition, qui dénonce la « privatisation » de l’accueil de la petite enfance, ou du personnel, qui fait connaître son inquiétude. Voir par exemple à ce propos le reportage d'Envoyé Spécial sur France 2 datant de 2012 particulièrement alarmiste.
Il faut pourtant rappeler que la délégation de service public (DSP) ne signifie pas absence de contrôle de la Personne publique. Les collectivités restent maîtres du jeu via les conditions fixées au cahier des charges.
Par ailleurs, la gestion "externalisée" souvent décriée est à tempérer. En effet, la gestion des crèches via des DSP reste en France minoritaire. Sur les 12 000 établissements d’accueil du jeune enfant, seulement 700 structures sont gérés en DSP ou MAPA soit 5.8 % du total. Un secteur particulièrement concurrentiel avec la présence de nombreux acteurs : Babilou (250 crèches), People & baby (200 crèches), La Maison Bleue (170 crèches) Crèche Attitude (50 crèches), Les Petits Chaperons Rouges (68 crèches), ... qui sont les principaux acteurs de ce marché.
En 2015, les collectivités locales gèrent encore 66 % des 400 000 places d’accueil collectif en France. Il est néanmoins vrai que le mouvement d'externalisation vers le privé s'accélère : en 2004, on dénombrait une trentaine d’appels d’offres, alors qu’en 2015, on s’approche de 140 nouveaux contrats signés... Une externalisation qui s'explique aussi par la mise en conformité des gestions de crèches sous forme associative qui est juridiquement fragile depuis la circulaire du Premier ministre Valls n° 5811-SG du 29 septembre 2015. L’attribution d’une subvention n’a pas pour objet de répondre à un besoin propre exprimé au préalable par une autorité publique. Elle n’est pas la contrepartie d’une prestation de service individualisée. La subvention ne peut donc être apparentée à un contrat de la commande publique dans le cadre duquel la personne publique exprime un besoin qui lui est propre, qu’elle demande à un prestataire de satisfaire en contrepartie d’un prix ou d’une rémunération. Contrairement à la subvention, le prestataire n’est pas partenaire de la collectivité publique et n’est pas à l’initiative du projet.
Le cabinet Espelia accompagne les collectivités locales dans leurs projets de création de structures de crèches et notamment dans la passation des marchés ou délégation de service public (DSP) avec des prestataires privés. Le détail de notre expertise se trouve sur notre site Web.