Comment propager des idées fausses et des contre-vérités... à la vitesse de la lumière !
Il y a quelques jours, 01Net postait un article intitulé "Comment la fibre optique arrive jusqu'à chez vous", qui se veut vulgarisateur au point que de nombreux lecteurs l'ont retweeté ou republié y compris ici sur LinkedIn, généralement avec un chapo du style "Vous avez toujours voulu tout savoir sur le FTTH sans jamais oser le demander"...
Problème : Cet article est truffé d'approximations et d'erreurs grossières. Très exactement 4 approximations et 30 erreurs, ce qui, pour un texte découpé en 16 paragraphes pour une lecture en moins de 3 minutes, constitue un record.
En 3 décades que je suis "immergé" la tête et les jambes dans les communications optiques, j'ai lu (hélas...) moults articles soit-disant de vulgarisation parsemés d'erreurs, cependant jamais à un tel niveau.
Avant de passer à la correction de l'article à l'origine du présent post, notez qu'il est très, très rare de lire des grosses bêtises dans les articles de vulgarisation sur les communications optiques, la fibre, le FTTH, etc. publiés par la presse spécialisée anglo-saxonne...
Voici donc mes corrections, in-extenso. Mettez votre ceinture, c'est parti pour une plongée immédiate ! Et au plaisir de lire vos propres commentaires et échanger avec vous ;-)
Petit matin à la frontière entre Versailles et Viroflay en région parisienne. D’énormes bobines de fibre optique posées à même les trottoirs attendent d’être déployées sous terre.
NON et NON ! On dit "tourets de câbles optiques" (ou "de câbles à fibres optiques"), pas "bobines". Et c’est le réseau qui est “déployé”. Les câbles sont tirés, posés, soufflés, poussés, mais pas “déployés”.
La première étape pour raccorder les habitants du quartier à la fibre et les faire ainsi bénéficier du très haut débit avec une vitesse de connexion d’au moins 100 Mbit/s.
NON ! On parle ici du “débit”, pas de la “vitesse de connexion”.
Mais le chemin est long avant de pouvoir finaliser l’opération. Un parcours que nous avons scruté à la loupe en suivant les équipes d’Orange.
NON ! Ce ne sont pas “les équipes d’Orange”. Ce sont les équipes de ses sous-traitants - voir les différents logos sur les casques et les chasubles…
01net.com - Un rouleau de câble en fibre optique.
NON ! C’est un "touret de câble optique" (ou "câble à fibres optiques").
La fibre optique est un fil en verre aussi fin qu’un cheveu capable de passer des informations à la vitesse de la lumière
NON, NON, NON & NON ! 1) Il n’y a pas "la" fibre optique, il y a DES fibres optiques ; 2) La fibre dont il est question ici est la fibre monomode conçue pour les applications “telecoms” ; 3) cette fibre, comme toutes les autres, est constituée d’un coeur entouré d’une gaine, dont le diamètre est nettement supérieur à celui d’un cheveu : 125 µm ; 4) ce coeur et cette gaine ne sont pas "en verre" : les fibres optiques utilisées en Telecommunications sont en silice synthétique (pas du sable de la plage d'à côté...) - les fabricants emploient parfois le terme "verre de silice", jamais "verre" tout court... Dans ces fibres monomodes pour les applications télécoms, la lumière circule à 200.000 km/s environ - pas les 300.000-km/h sous-entendus par l'auteur de l'article (idée fausse très largement répandue, depuis 30 ans...).
Il en existe plusieurs technologies.
NON ! Pas “technologies” : Types. Plusieurs types de fibres optiques.
La plus performante est celle dite du FttH (Fiber to the Home) ou fibre de bout en bout
NON et NON ! Les fibres télécoms les plus performantes sont celles employées dans les systèmes de transmission sous-marins. Et toutes les liaisons optiques, quelles que soient les applications sont “de bout en bout”…
Elle est plus chère et complexe à mettre en œuvre que les autres car elle nécessite de déployer la fibre jusqu’à l’abonné.
NON ! C’est ce que l’opérateur historique veut faire croire. Des solutions existent qui permettent de réduire les coûts de déploiement du FTTH (voir à ce propos mes récentes publications ici et là.)
C’est également la plus pérenne parce qu’elle est évolutive.
NON ! Au contraire, la typologie imposée par l’opérateur historique bloque les évolutions radicales qui se profilent déjà, à l’horizon 2025 - par exemple le Gigabit/s symétrique.
Le NRO, le nœud de raccordement optique, est le coeur du réseau.
NON ! Le “coeur de réseau” est du côté du réseau de l’opérateur de services. Le NRO est uniquement le point d’entrée vers le réseau d'accès et de distribution FTTH.
C’est de ce bâtiment que partent tous les signaux (internet, télévision, téléphonie) desservant les habitants de plusieurs communes à la fois.
NON et NON ! Les “signaux” viennent du coeur du réseau de l’opérateur de services. Le NRO n'est "que" une sorte de gare de triage, pas une usine... Et dans de nombreux cas, un NRO dessert uniquement une seule commune, voire une seule zone dans une commune.
01net.com - Les câbles en fibre optique du NRO passent par ce mur pour déboucher dans la rue et desservir ensuite beaucoup plus loin les abonnés.
NON ! Pas “en fibre optique”. On dit “câbles optiques” ou “câbles à fibres optiques”.
Le NRO abrite un OLT (Optical Line Terminal), un équipement qui fait l’interface entre le réseau national de collecte de l’opérateur et le réseau d’accès. Il est installé dans une pièce appelée répartiteur.
NON et NON ! Dans un NRO, on trouve plusieurs OLT, y compris chez un même opérateur de services ; les répartiteurs sont constitués de fermes et/ou armoires sur et/ou dans lesquelles on trouve les têtes de câbles et les équipements de transmission.
L’OLT se présente sous forme de baies avec des cartes et des ports. « Un port permet d’alimenter 64 clients. Avec 16 cartes dans un OLT, on peut donc desservir 16 000 clients. Le tout dans un espace hyper compact de 40 centimètres sur 40 », fait observer Jean-Bernard Dognon.
NON ! Un OLT est un ensemble de cartes installé dans une baie…
Les abonnés lambda dépendent la plupart du temps d’une architecture en GPON (Gigabit Passive Optical Network)
NON ! Pas “les abonnés lambda”. Les abonnés des opérateurs TriplePlay.
Cela signifie qu’ils se partagent une même fibre et un même signal lumineux pour faire transiter les données. Mais chacun se voit attribuer ensuite sa propre fibre en bout de course sur son palier pour recevoir uniquement ses informations.
Question insidieuse : Et si je n’ai pas de palier ? Par exemple si j'habite en pavillon ?...
Du NRO partent donc les milliers de câbles en direction des domiciles des abonnés.
NON ! Pas les “câbles”. C’est là qu’il faut écrire “fibre” : “les milliers de fibres optiques”.
Mais avant de parvenir jusqu’à eux, il y a encore plusieurs étapes comme on peut le voir dans le dessin ci-dessous. Avant le NRO, en rouge, c'est le réseau de collecte de l'opérateur. La première partie du réseau d'accès, en violet, est appelée « transport » et va du NRO jusqu’au SRO (sous-répartiteur optique). La seconde, en bleue, est nommée « distribution » et va du SRO au PTO (Point de Terminaison Optique, situé chez l'abonné). En chemin, le fibre transite par le PBO (Point de Branchement Optique), généralement placé sur le palier ou à proximité de la maison.
Question : Où est le PM Point de Mutualisation, point obligé du modèle ARCEP, contrairement au SRO ?
01net.com - Des opérateurs font passer la fibre optique par deux chambres en même temps.
NON ! Pas “la fibre” : Les câbles optiques.
01net.com - Une chambre ouverte avec des fourreaux par lesquels il faut faire passer les câbles en fibre optique.
NON ! Même correction que précédemment : “Câbles optiques” ou “Câbles à fibres optiques”.
On aboutit ainsi petit à petit au sous-répartiteur optique appelé aussi armoire de mutualisation ou point de mutualisation de zone (PMZ).
NON ! Un SRO n’est pas un Point de Mutualisation. Un SRO, si il existe, est un point d'éclatement, où arrivent des câbles du NRO et partent des câbles vers… les PM.
Dans le cas d'un immeuble, il ne reste alors plus qu’à remonter jusqu’à l’abonné. « On passe la fibre dans les différents étages et on va installer un petit boîtier de terminaison optique qui permet de desservir entre cinq et six appartements »,détaille Jean-Bernard Dognon.
NON ! Le boitier dont on parle ici est le PBO Point de Branchement Optique. Le PBO n’est pas un boitier de terminaison.
Il faut encore tirer la fibre jusqu’au domicile de chaque abonné et lui installer une prise fibre optique sur laquelle sera branchée la box. Enfin, ce réseau local doit être raccordé au point de branchement dans la rue, si cela n'a pas été fait en amont…
NON ! Le réseau décrit ici n’est pas un réseau local. C’est un lien optique point-à-point, entre un appartement et un point dit de mutualisation. En aucun il ne s’agit d’un réseau “local”.
Rappelons que la France a dressé trois catégories de territoires déterminant un type de déploiement spécifique. On compte :
• les zones denses, dites d’initiative privée : tous les grands opérateurs intégrés y déploient leur réseau propre en parallèle.
Préciser : Réseau Horizontal, ou “réseau d’accès”. La partie “Vertical” ou “réseau de distribution” est mutualisée et construite par un seul opérateur.
• les zones moyennement denses dite AMII (Appel à manifestation d’intention d’investissement) : Orange et SFR se sont partagés les déploiements. Les autres opérateurs cofinancent les investissements. Versailles, où nous nous sommes rendus, se trouve en zone moyennement dense.
• les RIP (Réseaux d’initiative publique) dans les zones peu denses et souvent rurales : les collectivités locales touchent des aides de l’Etat pour faire construire leur propre réseau par un opérateur.
NON ! L’Autorité de Régulation ARCEP a découpé la France en DEUX types de zones seulement : Les zones “très denses” ou ZTD et les zones “moins denses” ou ZMD - Dans le langage commun, on a l’habitude de dire “la” zone très dense, “la” zone moins dense. Les zones AMII sont situées en ZMD, et ne concernent pas forcément les zones “moyennement denses” des territoires concernés. Quant aux RIP, ils sont partout sauf sur la Zone Très Dense.
En apparence, déployer la fibre paraît donc facile mais la procédure peut s'allonger pour différents motifs. Cela peut être dû en premier lieu à l'état des fourreaux et des canalisations. « Il y a des mauvaises surprises. Sur la voie publique, on s’aperçoit de temps en temps qu’il faut réaliser des travaux d’ingénierie. Même chose dans les copropriétés où les parties communes nécessitent quelquefois des aménagements », souligne Jean-Bernard Dognon. Rien que dans les copropriétés, les travaux peuvent durer une à deux semaines, suivant le nombre d’étages et de bâtiments. Et en bout de course, il faudra de toutes façons prendre rendez-vous avec l’abonné et pénétrer dans son domicile pour activer sa ligne.
Précision : Avant d’activer la ligne, il faut avoir raccordé le logement au réseau. On appelle cela “Raccordement d’Abonné”.
Mais il existe aussi de nombreux délais administratifs. Dans les immeubles, les réseaux sont mutualisés pour assurer le principe de libre concurrence. Un gel commercial de trois mois est imposé par l’Arcep pour laisser le temps à n’importe quel opérateur de raccorder son réseau au sous-répartiteur déjà fibré. Sans compter des délais administratifs permettant notamment au syndic de copropriété de se rétracter après avoir signé une convention avec un opérateur d’immeuble.
NON ! Il s’agit du PM Point de Mutualisation, pas d’un SR Sous-Répartiteur.
Information Systems & Operations Manager (Lascom Entity) at Aptean
6 ansBonjour, auriez vous une photo d'un SRO et d'un PMZ pour bien comprendre la difference ? Car toutes les armoires de rue que je vois sont pour moi des PMZ vu qu'on y retrouve les boitiers de chaque operateur. Est ce que les SRO existent uniquement dans des zones tres denses ? ou pour des longues distances (campagne) ? quel est leur interet exacte ? Merci
Votre mission du jour : passer au crible les 11 vidéos de la communication de l'état sur le Très Haut Débit : http://francethd.fr/actualites/la-france-en-tres-haut-debit-11-videos-didactiques.html PS: je ne savais pas que les "câbles optiques" ressemblaient à de la réglisse, suffisamment souples pour écrire des noms de villes et bourgs
Expert Réseaux Fibre Optique
7 ansJe confirme, très bonne mise au point ! Pour moi qui commence seulement à m'intéresser au FTTH, je constate que le vocabulaire est important et souvent source de confusions (SRO/PM, un classique). Déjà suivant l'origine des publications (ARCEP, Objectif Fibre, CREDO, Opérateurs privés ou publics) les termes peuvent diverger, alors pour un journaliste... Par chance on ne parle pas de "brins", terme qui m'énerve au plus haut point.
Directeur exploitation
7 ansSuper Article ! À trop vulgariser cela devient n importe quoi. Le pire c'est que le gars d'orange ne semble pas plus précis que le journaliste. Sinon quitte à etre tatillon, il faudrait aussi corriger le melange entre infra de distribution/ raccordement ou remplacer par infrastructure de desserte dans ce paragraphe : " seconde, en bleue, est nommée « distribution » et va du SRO au PTO (Point de Terminaison Optique, situé chez l'abonné). En chemin, la fibre transite par le PBO (Point de branchement Optique), généralement placé sur le palier ou à proximité de la maison." Et tant qu'à faire détailler collecte et transport dans le NRO pour etre parfait ;)