Commentaire de l’arrêt du Conseil d’Etat du 21/01/2016, Société AXA n°373559, paru à la Revue de Droit Fiscal du 21/04/2016.
Ce qu’il faut retenir : Cet arrêt applique le principe : « les règles spéciales dérogent aux règles générales ». En présence d’une règle spéciale qui allonge au délai général de réclamation, il convient d’appliquer la règle spéciale en écartant la règle générale. Toutefois, la règle spéciale constituant une exception, elle s’interprète toujours strictement. Cet arrêt illustre cette double règle.
Faits : Axa Investment Managers (AXA IM) verse des dividendes à ses actionnaires : la société française AXA qui détient 77,5% d’AXA IM et deux minoritaires étrangers AXA Konzern AG (16%) et AXA UK PLC (6,5%). N’ayant pas 25% d’AXA IM, ces deux minoritaires étrangers voient leur dividende amputé d’une retenue à la source.
Le droit : La Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a déclaré cette retenue à la source incompatible avec la liberté d’établissement du Traité de l’Union Européenne (TFUE – CJCE 14/12/2006, arrêt Denkavit aff.C-170/05).
AXA Konzern AG et AXA UK PLC ont demandé la restitution des retenues à la source versées en 2003, 2004, 2005 et 2006. L’administration a remboursé les deux plus récentes impositions, comprises dans le délai général de réclamation, et rejeté la demande pour 2003 et 2004, en opposant la tardivité de la demande.
Le remboursement des retenues à la source 2003 et 2004 n’est possible qu’en application du délai spécial de réclamation de l’art. L190 du livre des procédures fiscales, qui allonge le délai de contestation lorsqu’un impôt (la retenue à la source) est fondé sur un texte qu’une juridiction a déclaré non conforme à une règle de droit supérieure (la liberté d’établissement du TFUE).
Pour se prononcer sur l’application du délai de l’art. L190, le Conseil d’Etat a recherché la définition de la liberté d’établissement dans la décision de la CJCE Baars du 13/04/2000 (aff.C-251/98). Or la liberté d’établissement n’est susceptible d’être exercée par une société qui détient une participation dans une société étrangère, que si elle lui permet d’exercer une influence sur les décisions de sa filiale.
Les taux de détention des actionnaires minoritaires (16% et 6,5%) très inférieurs à celui de l’actionnaire majoritaire (77,5%), ne permettent pas d’exercer cette influence. Le Conseil d’Etat a donc conclu que les minoritaires ne pouvaient invoquer une atteinte à la liberté d’établissement. Dès lors le délai de réclamation spécial ne s’applique pas et le remboursement est refusé.