COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR ORDONNER LE DÉMANTÈLEMENT D’ÉOLIENNES ÉDIFIÉES EN VERTU D’UN PERMIS DE CONSTRUIRE ANNULE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF
Par une décision rendue tout récemment, le 14 février dernier, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser sa jurisprudence rendue l’année dernière et notamment les cas dans lesquels le juge judiciaire peut ordonner le démantèlement d’éoliennes. (Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, n° 17-14.703, Publié au bulletin. https://www.doctrine.fr/d/CASS/2018/JURITEXT000036648653)
Il est important de rappeler que l’implantation et l’exploitation d’éoliennes sont régies par deux législations distinctes :
- leur construction relève des règles d’urbanisme applicables en matière de permis de construire,
- leur exploitation relève des règles d’urbanisme applicables en matière d’Installations Classées pour la Police de l’Environnement (ICPE).
Dans le cas d’espèce, le démantèlement des éoliennes était sollicité aux motifs qu’elles avaient été édifiées en violation des règles d’urbanisme notamment parce que le permis de construire autorisant leur construction avait été annulé par les juridictions administratives compte tenu de l’existence d’un risque pour la sécurité publique (les éoliennes étaient effectivement édifiées à proximité d’habitation dans une zone de vents pouvant être violents entraînant, de ce fait, un risque de bris et de projections de pâles.)
L’exploitation des éoliennes était, quant à elle, conforme à la réglementation en matière d’ICPE, la déclaration d’antériorité n’ayant pas été remise en cause.
En conséquence, la Cour d’appel de Rennes, dans sa décision du 15 décembre 2016 (RG n°16/00335 CA Rennes, 4e ch., 15 déc. 2016, n° 16/00335 https://www.doctrine.fr/d/CA/Rennes/2016/CE44A8A8F56304750E595) a confirmé l’exception d’incompétence des juridictions judiciaires pour ordonner le démantèlement des éoliennes retenue en première instance dès lors qu’une telle décision aurait pour effet de remettre en cause l’exploitation des éoliennes pour laquelle seules les juridictions administratives sont compétentes compte tenu de la réglementation ICPE.
La Cour d’appel s’était, en outre, appuyée sur le motif invoqué par les juridictions administratives à l’appui de leur décision d’annulation du permis de construire, savoir le risque que le fonctionnement et l’exploitation des éoliennes pouvaient représenter pour la sécurité publique, pour écarter la compétence des juridictions judiciaires.
La Cour de cassation, par un attendu de principe très clair, a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes, rappelant que si, effectivement seul le juge administratif peut connaître des demandes de démantèlement d’éoliennes lorsque l’implantation ou leur fonctionnement serait susceptible de compromettre la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l’agriculture, la protection de l’environnement et des paysages au risque de voir le juge judiciaire substituer sa propre appréciation à celle portée par l’autorité administrative dans l’exercice des pouvoirs de police spéciale, dès lors que le permis de construire autorisant la construction a été annulé par le juge administratif, le juge judiciaire est parfaitement compétent pour ordonner la démolition d’éoliennes qui sont ainsi implantées en méconnaissance des règles d’urbanisme.
Cette décision s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation posée par sa récente décision du 8 novembre 2017 et celle précédente du 25 janvier 2017 lesquels ont précisé la répartition des compétences entre les juridictions de l’ordre administratif et celles de l’ordre judiciaire pour se prononcer sur les demandes en démantèlement d’éolienne justifiées par l’existence d’un trouble anormal de voisinage, à la lumière du principe de répartition des pouvoirs. (Cass. 1re civ., 8 nov. 2017, n° 16-22.213. https://www.doctrine.fr/d/CASS/2017/JURITEXT000036004041 ; Cass. 1re civ., 25 janv. 2017, n° 15-25.526, Publié au bulletin. https://www.doctrine.fr/d/CASS/2017/CASSWF633EA53EF83877A0A3F.)
En réalité,si le Juge judiciaire peut faire droit aux demandes d'indemnisation fondées sur l'existence de troubles anormaux de voisinage résultant de l'implantation d'éoliennes, sa compétence demeure assez limitée s'agissant de la possibilité d'ordonner leur démantèlement, lorsque les éoliennes ont été régulièrement implantées.