COMPETENCE JUDICIAIRE : LE TEMPS EST PLUVIOSE
Le juge judiciaire est-il toujours incompétent pour connaître d’une action en responsabilité engagée contre un hôpital ?
Depuis le décret du 16 fructidor an III et surtout la loi du 28 pluviôse an VIII, le juge judiciaire ne peut connaitre des recours contre l’état et les établissements publics, à quelques exceptions près (notamment les accidents de circulation impliquant un véhicule de l’administration (L 31 décembre 1957, application récente Cassation Criminelle 23 septembre 2014).
Mais qu’en est-il de l’appréciation de la responsabilité d’un hôpital public auquel est reproché un comportement « civiliste » de concurrence déloyale ?
Nous avions très spontanément soulevé l’incompétence du tribunal de grande instance dans le cadre de cette procédure engagée par une clinique privée à l’encontre d’un centre hospitalier au motif que ce dernier avait conclu un contrat avec un médecin spécialiste tenu d’une clause de non réinstallation à l’égard de cette même clinique. Le fondement de l’action engagée par la clinique était bien évidemment la concurrence déloyale, l’hôpital étant réputé avoir eu connaissance des manquements contractuels dudit médecin.
Le juge de la mise en état du TGI puis la Cour d’Appel de Poitiers à sa suite vont rejeter cette exception d’incompétence au motif que « les manquements reprochés au centre hospitalier ne relevaient pas de l’exécution de sa mission de service public administratif, ni n’avaient de lien avec le contrat administratif conclu avec le médecin » de sorte que la juridiction judiciaire était bien compétente.
La Cour suggérait ainsi que le principe d’incompétence n’est pas absolu et que, dès lors que le fait juridique de l’hôpital n’entre pas dans le périmètre de l’action ou de la puissance publique, un établissement doit répondre de ses actes devant le juge judiciaire.
Dans un arrêt lapidaire, la 1ère Chambre de la Cour de Cassation casse cet arrêt, évoque le dossier et déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige (Cassation 1ère Chambre Civile 6 février 2019 Pourvoi n° Q18-11.217).
Est ainsi réaffirmé sans ambages ce principe absolu de séparation des pouvoirs initialement décrété par les Révolutionnaires (non pas les gilets jaunes, les autres, les sans-culotte). Ah ça ira.