Comprendre pour anticiper, anticiper pour évoluer

Comprendre pour anticiper, anticiper pour évoluer

Comprendre l'environnement et les acteurs d'une organisation permet d'anticiper les actions des concurrents et de protéger ou attaquer leurs points faibles. L'analyse des discours et des sites Internet révèle la culture d'entreprise et les intentions des concurrents. Démonstration avec un groupe industriel.

En dispensant des formations en analyse concurrentielle, j’ai constaté qu’elle est la première démarche entreprise par toute organisation qui souhaite surveiller son environnement et ses acteurs. Parce que nous aimons ceux qui nous ressemblent, et que nos concurrents vendent les mêmes produits ou proposent les mêmes services que les nôtres. Ils sont donc une source d’inspiration. Les motivations sont multiples : défendre son chiffre d’affaires, concevoir un produit innovant, accroître ses parts de marché…

Mais le concurrent éveille aussi la crainte narcissique : sommes-nous les meilleurs ? Les plus performants ? L’analyse concurrentielle ressemble alors au miroir que la marâtre de Blanche Neige interroge chaque matin : « Miroir, mon beau miroir, suis-je toujours la plus belle ? ». Et d’un coup, elle cesse d’être efficace…Un commercial raconte d’ailleurs que, chaque fois qu’il présente sa solution d’analyse concurrentielle à un prospect, la première organisation que celui-ci étudie est…la sienne.

Or, l’analyse concurrentielle peut aller plus loin. Vous êtes-vous déjà fait doubler par un concurrent sur une opportunité d’affaire ? Et si ce n’était pas une fatalité ? S’il vous était possible de prévoir à l’avance ce que votre concurrent va dire ou faire auprès de votre prospect commun ? Vous vous dites que ce n’est pas possible…

Pourtant, de nombreuses clés de lecture existent, pour faire parler ce qui semble muet. Et voici l’une d’elles : « Il est impossible de ne pas communiquer ».

Les discours s’expriment au-delà de leur signification explicite, ils parlent de leur auteur, de sa vision des autres et du monde, de ses valeurs, de ses rapports à autrui et de la distance critique dont il est capable. Et tout cela peut être capté à la simple lecture d’un site Internet. Et jamais, depuis l’avènement d’Internet, la prise de parole n’avait eu une portée aussi large.

Pour le professionnel de la veille concurrentielle, l’intérêt est évident : savoir comment pense son concurrent permet d’anticiper ses faits et gestes, voire le contenu de sa prise de parole. Cette anticipation lui permet, au gré de sa propre stratégie, soit de protéger ses points faibles, soit de s’attaquer à ceux de son adversaire.

Mais d’autres peuvent trouver un intérêt à cet exercice : les demandeurs d’emploi, méfiant envers un discours RH parfois formaté, qui souhaite connaître et comprendre ce qui se passe « de l’autre côté du miroir ». Ou les professionnels de la communication…

Un exemple vaut mieux qu’un long discours. Et le cobaye choisi pour exemple est un groupe industriel diversifié fondé par un ancien élève de l’École Centrale Paris, d’où la récurrence du mot « centre » sur l’ensemble du site, qui aurait pu parler de « délégation » ou d’« antenne » . Comme quoi le choix d’un terme, même inconscient, est lourd de sens…Et un simple survol du site Web de cette organisation nous fournit une première idée de la culture d’entreprise.

Qui veut la fin veut les moyens

Le pragmatisme est organisé, la réussite impérative. Les réalisations se doivent d’être de véritables références, vitrine du savoir-faire du groupe, les projets déboucheront sur des résultats concrets et seront des succès cités comme autant d’exemples. Chaque action doit être expliquée et justifiée. La clé de la réussite : le groupe prime sur l’individu, qui doit s’y conformer. Si les décisions sont prises après une consultation collégiale, sans que rien ne puisse garantir que les opinions émises seront prises en compte lors du jugement ultime, les désaccords, les conflits se règlent par alignement sur une loi, une norme. Le temps y est perçu sur le mode du moyen terme, décliné comme une mosaïque d’instants mis bout à bout. L’organisation interne est clairement hiérarchique. Normal : derrière toutes ces entreprises se trouve un seul homme. Tout y est très strictement codifié, notamment autour de la notion de respect, afin d’éliminer l’aléatoire, le hasard, le doute et les possibles interrogations ou hésitations. La maîtrise prime sur la surprise. Si le fonctionnement y gagne en cohérence, l’originalité et l’inattendu sont à tout jamais bannis d’un tel univers. Sur le plan marketing, inutile que le produit brille par ses qualités innovatrices : suivre le besoin du client tout en gardant un œil sur la concurrence suffira. Et sur le plan « corporate », en RH notamment, cette grille sémantique laisse entendre que, bien que la diversité puisse être proclamée comme une réalité d’entreprise, surtout pour permettre à ladite entreprise de préserver son impact social et de jouer son rôle dans la société, les profils atypiques resteront derrière la porte. En revanche, ceux qui y entreront intègreront un cercle fermé, une culture endogène. Qui a dit réseau ? club ? Il est des mots qui ne trompent pas…Dans une telle logique, lorsque surgit l'expression « faire réseau », toute différence devient une dissidence, toute divergence une trahison. Et son auteur, s'il ne s'amende pas, s'exclue de facto pour rejoindre l'innombrable cohorte des autres.

Quelques phrases-clé

« un chantier exemplaire »
« Ce groupe s’est donné pour objectif de partager des méthodes et des choix technologiques »
« Je déplore seulement que des décisions si graves soient prises sans concertation. »

Les chiens aboient, mais la caravane passe…

Une fois le programme au point, la stratégie définie, l’itinéraire reconnu, la caravane se met en branle. Rien ni personne ne peut alors l’arrêter, ni la crainte de déplaire, ni les critiques aboyés par d’éternels mécontents ou les doutes exprimés par des pusillanimes. Tout est connu, tout a été compris, rien n’est laissé au hasard : qu’un problème survienne, il sera réglé. A toute question il sera répondu. Les rapports humains sont bruts, crus, dénués de toute politesse, de toute sensibilité. Les décisions se prennent dans le feu de l’action, dans l’urgence. certes, lorsque l’esprit, prisonnier de conceptions étroites et rigides, tente de rationaliser l’irrationnel, sans recul ni prise de distance critique, le dogmatisme intransigeant guette…Qu’importe d’être reconnu, accepté, écouté et fêté lorsqu’on sait qu’on a raison. Le discours pourra alors devenir cassant, rigide : la dignité se défend, l’autonomie aussi. Le doute, l’interrogation, la remise en question ne sont pas de mise. Les convictions sont tranchées, les principes inébranlables et martelés sans nuance. Les détracteurs auront beau jeu de dire que la caravane n’a pas de cœur, uniquement la grosse tête. La caravane passe, certes, mais parfois en force.

Quelques phrases-clé

« affirmer nos valeurs, les rendre intelligibles »
« [Le Code d’éthique] doit aider à décider […], inciter à consulter sa hiérarchie et les services juridiques en cas de doute. »
« Homme de terrain, Hervé affectionne avant tout d’aller à la rencontre de ses clients »

Dès lors, certains discours ou certaines prises de position de cet acteur risque, du fait de leur absence de congruence, de susciter la méfiance du visiteur du site. Imaginez un ramoneur qui viendrait de nettoyer votre cheminée, et qui sortirait avec une tenue immaculée. Vous vous diriez que quelque chose cloche, sans forcément arriver à déterminer quoi. La même chose se produit dans le cas présent. Or, un prospect qui se méfie n’achète pas, un candidat qui se méfie ne postule pas et un partenaire qui se méfie ne contracte pas.

Sam Gugya

Je vous aide à connaître votre environnement...pour agir!

1 mois

👍👍

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