Compteurs & « Pots d’heures » à récupérer – Etat de la question avant l’entrée en vigueur du compte épargne-carrière au sein des entreprises –
L’un des derniers volets de la Loi Peeters rentrera, dans les prochaines semaines, en vigueur. Celui-ci permettra, dans une certaine mesure, d’organiser d’une manière licite des « compteurs d’heures », permettant, à terme, de prendre « des jours de congés » (selon le libellé de la norme légale), soit en réalité un repos compensatoires à raison de prestations accomplies au-delà des horaires normalement applicables en entreprise. C’est l’occasion de faire un petit tour d’horizon de la légalité de ces pratiques à tout le moins fort répandues dans les différents secteurs et permettant aux membres du personnel – le plus souvent en toute illégalité- d’accumuler le temps consacré à l’exécution de diverses prestations afin, à terme, de bénéficier d’un repos (sans doute bien mérité). Il est en tout cas certain que quelle que soit la situation rencontrée, la pratique dite du « pot », soit l’accumulation (sans fin) d’heures à récupérer, quelle qu’en soit leur nature, n’est jamais licite. Les heures de travail à récupérer devront, en toutes circonstances, être récupérées à un moment ou à un autre.
Diverses déclinaisons.
A. LES JOURS DE REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (RTT)
Les jours de réduction du temps de travail (RTT) sont les jours de repos accordés en vue de respecter la durée de travail hebdomadaire moyenne prévue au niveau sectoriel. L’article 28 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail prévoit le principe même des jours de RTT mais renvoie au niveau sectoriel (et/ou au niveau de l’entreprise) s’agissant de la définition des modalités d’application. Au sein de nombreux secteurs, la diminution du temps de travail fit effectuée, au choix de l’employeur, en réduisant la durée de travail sur l’année ou, tout en maintenant le régime de travail applicable en entreprise, en accordant des jours de repos compensatoires.
Ceci étant, il n’en reste pas moins qu’il convient, dans son principe, de respecter la durée moyenne du temps de travail sur la période de référence, celle-ci étant fixée par la norme sectorielle à un an (soit une année civile). En d’autres termes et pour autant que la période de référence soit égale à une année civile, les RTT devront être épuisés au terme de la période d’un an considérée (et donc au plus tard au 31 décembre de celle-ci). En effet, dans la mesure où ces jours de RTT ne sont pas pris endéans la fin de la période de référence, la durée hebdomadaire de travail est dépassée (les dispositifs sectoriels ne permettant pas le report sur la période d’un an ultérieure).
Le dépassement de la limite hebdomadaire de temps de travail au terme de la période de référence d’un an est par ailleurs constitutif d’une infraction pénale visée par le Code Pénal social (article 138), sauf à considérer – en certaines situations -, l’absence d’élément moral (soit l’un des deux éléments constitutifs d’une infraction pénale) (à discuter toutefois).
Au terme d’un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, (15 janvier 2013 J.T.T., 2013, p. 276), il a été retenu ce qui suit : « La notion de vacances annuelles visées à l'article 28, 1o, de la L.C.T., doit être interprétée largement et comprend non seulement les jours de vacances accordés par la loi, mais également les jours de congé complémentaires accordés par convention collective de travail, par contrat de travail individuel ou par décision patronale. En revanche, les jours de congé compensatoire qui constituent une forme de réduction de la durée du travail et ne sont pas octroyés pour augmenter le nombre de jours de vacances annuelles ne font pas partie des vacances annuelles. Le travailleur à qui des jours de congé dus en contrepartie de la réduction du temps de travail n'ont pas été accordés en totalité ou partiellement a droit à la rémunération de ces jours. »
Incidemment, cet arrêt confirme que le report de ce type de jours de suspension du contrat de travail sur l’année civile subséquente n’est pas concevable (seule la rémunération due pour ces jours (perdus) devant par ailleurs être liquidée au terme de la période d’un an considérée).
La situation peut être (provisoirement) (et pratiquement) résumée comme suit :
- soit : c’est le mandataire /préposé de l’employeur (soit le directeur de magasin ou le district manager) qui empêche le membre du personnel d’un point de vente de prendre / de bénéficier de ses RTT avant le terme de la période d’un an considérée et, en cette première situation, il y est infraction pénale dans le chef de l’employeur et la société se devra, en toutes circonstances, de payer la rémunération afférente aux RTT non-pris (le travailleur pouvant le cas échéant tendre à se prévaloir d’un dommage plus important, toutefois à démontrer (application des articles 807 et1315 respectivement du Code Judiciaire et du Code Civil) ;
- soit : c’est le travailleur qui, d’initiative et volontairement, tend à ne pas prendre ses RTT au terme de l’année civile écoulée et, en cette situation, il serait possible de plaider l’absence d’infraction dans le chef de l’employeur, la perte de jours de RTT, mais, et comme visé en la première hypothèse, resterait néanmoins l’obligation de payer la rémunération y afférente. Toutefois, d’aucuns pourraient faire application de la jurisprudence en matière de vacances annuelles et considérer que cette rémunération est également perdue (voir ci-dessous chapitre VA).
B. LES JOURS FERIES
Récupération du jour férié : Rappel - le jour de remplacement et le repos compensatoire
Sur le plan juridique et s’agissant de la récupération des jours fériés, il y a lieu de distinguer deux (02) concepts : le jour de remplacement, c’est-à-dire, lorsque le jour férié coïncide avec un dimanche ou un jour habituel d’inactivité et le repos compensatoire, c’est-à-dire lorsque le travailleur preste durant le jour férié. Ces deux concepts répondent à des règles qui leur sont propres et qu’il convient de distinguer.
- Jour de remplacement : lorsque le jour férié coïncide avec un dimanche et/ou jour habituel d’inactivité, il doit être remplacé avant ou après, par un autre jour de repos qui sera nécessairement pris sur les jours habituels d’activité. Le jour de remplacement doit être fixé au cours de l’année civile en cours et ce, suivant un système de cascade (CE - à défaut : DS - à défaut : accord individuel - à défaut : fixation au premier jour habituel d’activité qui suit le jour férié) (articles 6 à 9 de la loi du 04 janvier 1974 relative aux jours fériés).
- Repos compensatoire : en cas d’occupation d’un travailleur pendant un jour férié, il a droit à un repos compensatoire. Ce repos doit coïncider avec un jour habituel d’activité du travailleur et doit être octroyé dans les six (06) semaines qui suivent le jour férié (articles 11 et 12 de la loi du 04 janvier 1974 et 1bis de l’AR déterminant les modalités générales d’exécution de la loi du 04 janvier 1974) La durée du repos compensatoire dépend du régime de travail : Travailleurs à temps plein : Prestations > 4 h : une (01) journée complète de repos compensatoire ; Prestations < 4 h : une demi-journée (le repos compensatoire devra être accordé avant ou après treize (13) heures et, en outre, ce jour-là, la durée du travail ne peut excéder cinq (05) heures). Travailleurs à temps partiel : la durée du repos compensatoire est égale à la durée réelle du travail effectué au cours du jour férié.
La perte du jour de « remplacement » ou du repos « compensatoire » en cas de non-prise en cours de l’année civile/calendrier ?
a. Jour de remplacement
Comme évoqué ci-avant, les jours de remplacement doivent être fixés de commun accord entre les parties au contrat de travail au plus tard le 15 décembre de chaque année, pour l’année qui suit et doivent être nécessairement situés au cours de l’année civile afin de garantir aux travailleurs dix (10) jours fériés par année calendrier. Le jour de remplacement est donc d’office fixé dans l’année. Il ne pourra être perdu. Dans les hypothèses, où aucun accord n’a été trouvé avec le travailleur concernant la fixation de ce jour de remplacement, ce dernier coïncidera avec le premier jour habituel d’activité qui, dans l’entreprise, suit ce jour férié.
En principe il n’y aura dès lors pas de perte possible du jour de remplacement dès lors que :
- le jour de remplacement doit être déterminé (ou à défaut, il est fixé le 1er jour ouvrable suivant le jour férié) ; et que
- le jour de remplacement doit nécessairement être pris endéans l’année calendrier, soit au plus tard le 31 décembre.
L’employeur a, en tout cas, l’obligation de respecter ce prescrit légal et de ne pas « ajouter » ce jour de remplacement dans le pot d’heures à récupérer. Au terme d’une doctrine éclairée : « Gezien de waarborg van tien feestdagen per jaar, moet de vervangingsdag wel in de loop van hetzelfde kalenderjaar liggen. Een overdracht naar het volgend jaar is dus niet mogelijk».
b. Repos compensatoire
Concernant le repos compensatoire (lorsque le travailleur preste un jour férié), il convient de citer l’article 11 de la loi de 1974 (nous soulignons) : « (…) Ce repos est octroyé dans les six semaines qui suivent le jour férié.Dans le cas où le repos compensatoire ne peut être accordé au cours de la période précitée, soit en raison de la suspension de l'exécution du contrat de louage de travail, s'il s'agit des travailleurs visés à l'article 1er, alinéa 1er, soit en raison des effets temporaires d'un cas de force majeure, s'il s'agit des travailleurs visés à l'article 1er, alinéa 2, 1°, il est octroyé dans les six semaines qui suivent respectivement la disparition de la cause de suspension ou la fin des effets temporaires du cas de force majeure. Si pendant les périodes précitées court un délai de préavis, le repos compensatoire doit être accordé avant l'expiration de ce délai ».
Il conviendra dès lors à l’employeur de veiller à ce que le repos compensatoire soit octroyé dans les six (06) semaines qui suivent le jour férié. S’il ne peut être octroyé dans ledit délai, et ce en raison de la suspension du contrat de travail, le repos compensatoire doit être octroyé dans les six (06) semaines qui suivent la fin de la suspension. Par conséquent, la « récupération » du jour férié doit avoir lieu dans les six (6) semaines qui suivent le jour férié ou, en tout cas, en cas de suspension du contrat de travail : dans les six (6) semaines qui suivent la fin de la suspension du contrat de travail. La loi ne prévoit pas si la récupération doit être prise par le travailleur au cours de l’année civile pendant laquelle le jour férié a été presté. Elle se contente de préciser que le repos compensatoire doit être octroyé dans un « délai de six (6) semaines ». Dans la mesure où la loi n’impose pas que le repos compensatoire soit pris endéans l’année calendrier/civile, le repos compensatoire peut dès lors le cas échéant être octroyé au cours de l’année civile qui suit l’année au cours de laquelle le jour férié a été presté (exemple : prestation le 25 décembre à possibilité de récupérer dans les six semaines qui suivent, impliquant ainsi un empiètement sur l’année civile suivante). Cette position est également confirmée par la meilleure doctrine (« Deze regeling mag niet verward worden met de regeling voor de vervanging van de feestdagen die samenvallen met een zondag of inactiviteitsdag en die moeten vervangen worden door een activiteitsdag in de loop van het kalenderjaar».
c.Conclusions
Compte tenu de ce qui précède, le fait de réserver le jour de remplacement et/ou le jour de repos compensatoire dans le pot commun est contraire à la loi, dès lors que cette dernière impose la prise de ces repos endéans une période bien définie (dans l’année civile, pour le jour de remplacement ; dans les six (06) semaines, pour le repos compensatoire) :
- partant, au 31 décembre de l’année civile en cause, le(s) jour(s) de remplacement devront être obligatoirement épuisé(s). L'employeur doit imposer la fixation de ce jour de remplacement.
- par contre, pour le(s) repos compensatoire(s), la fixation doit intervenir dans les six (06) semaines qui suivent le jour férié presté. Cela suppose que le repos peut empiéter sur l’année civile suivante.
Pour rappel, le Code pénal social prévoit des sanctions de niveau 2 (article 142) lorsque : « L'employeur, son préposé ou son mandataire qui, en contravention à la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés : […] 3° n'a pas remplacé un jour férié coïncidant avec un dimanche ou un jour habituel d'inactivité par un jour habituel d'activité . 4° n'a pas octroyé selon le régime prescrit par la loi ou fixé par le Roi un repos compensatoire au travailleur ou au jeune travailleur qui a été occupé pendant un jour férié .En ce qui concerne les infractions visées à l'alinéa 1er, l'amende est multipliée par le nombre de travailleurs concernés ».
La sanction de niveau 2, consiste soit en une amende pénale de 400 à 4.000 euros, soit d'une amende administrative de 200 à 2000 euros. L’amende est par ailleurs multipliée par le nombre de travailleur concerné par la non-prise de jours de repos imposés par la loi.
C.LES PRESTATIONS DOMINICALES
Si le travailleur a été occupé un dimanche, il a droit à un repos compensatoire non rémunéré (article 16 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail) qui peut coïncider avec un jour d’inactivité du travailleur. Ce repos compensatoire doit être octroyé dans les six (06) jours « calendriers » qui suivent le dimanche. Des dérogations peuvent toutefois être prévues par AR. La durée du repos est fixée à :
- une journée complète si le travail du dimanche a duré 4 heures ou plus ;
- une demi-journée si le travail effectué le dimanche n’a pas excédé 4 heures. Dans ce cas, le repos compensatoire doit être accordé avant ou après 13h00 et ce jour-là, la durée du travail ne peut excéder 5 heures.
Partant, dans le cas de prestations dominicales, le travailleur devra bénéficier d’un jour de repos compensatoire endéans les six (06) jours calendriers qui suivent le dimanche presté. La loi n’impose donc pas l’obligation de prendre ce(s) jour(s) de repos au plus tard le 31 décembre de l’année en cours, mais dans les six (06) jours suivant le dimanche presté. Partant, cela suppose que si, par exemple, le dimanche 30 décembre 2018 est presté, les travailleurs pourront récupérer ledit jour jusqu’au plus tard le samedi 05 janvier 2019.
Le Code pénal social prévoit également une sanction de niveau 2 (article 141) : « lorsque l'employeur, son préposé ou son mandataire qui, en contravention à la loi du 16 mars 1971 sur le travail: […] 2° n'a pas octroyé, selon le régime prescrit par la loi ou fixé par le Roi, un repos compensatoire au travailleur ou au jeune travailleur qui a été occupé le dimanche »
Il est donc impératif que l’employeur impose, également dans cette situation, la prise du repos compensatoire dans le délai légal prévu à cet effet. Le défaut du respect de cette règle est pénalement sanctionné. Ainsi, les repos compensatoires octroyés dans le cadre de prestations du dimanche ne peuvent être « ajoutés » dans le pot d’heures.
D.PRESTATIONS SUPPLEMENTAIRES
L’article 26bis, § 1er de la loi du 16 mars 1971 sur le travail prévoit que des heures supplémentaires peuvent être prestées pour autant que le temps de travail soit respecté au cours d’une période de référence d’un trimestre, impliquant ainsi que la récupération doive intervenir endéans une période de référence (en principe, un trimestre). Cette période d’un trimestre peut être prolongée à un an maximum :
- par le Roi;
- par convention collective de travail conclue conformément à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires;
- ou, à défaut, par le règlement de travail
Le dispositif précité impose donc qu’un repos/récupération puisse être octroyé au travailleur ayant presté des heures supplémentaires (et partant ayant dépassé les limites normales du temps de travail), au cours d’une période de référence qui est, en principe, d’un trimestre, ou d’une année (en cas de prolongation). Cela implique, qu’à la fin de la période de référence, le(s) repos compensatoire(s) doivent être pris (sous peine de sanction pénale.
Lorsque la période de référence est d’un trimestre, la loi dispose que (article 26bis, § 1er, dernier alinéa de la loi du 16 mars 1971) : « On entend par trimestre, au sens du présent article, la période couverte par les paies dont le jour de clôture se situe dans le même trimestre civil ». La définition ainsi donnée à la notion de trimestre suppose que le premier trimestre de chaque année débute le 1er janvier de telle année et le dernier trimestre prend fin le 31 décembre de ladite année.
En revanche, lorsque la période de référence est d’une année, elle ne doit pas nécessairement correspondre à une année calendrier. Il s’agit, en réalité, en ce cas, de douze (12) mois consécutifs. Partant, les récupérations peuvent, en cette situation, dépasser le 31 décembre d’une année calendrier /civile concernée, pour autant que, au terme de la période de référence choisie, la récupération ait bien eu effectivement lieu. La doctrine précise en effet: « De periode van een trimester verlengd kan worden tot maximaal één jaar. De naleving van de gemiddelde arbeidsduur kan dus op jaarbasis bekeken worden. De periode van één jaar moet niet noodzakelijk samenvallen met het kalenderjaar». .
Comme évoqué ci-avant, le Code pénal social prévoit une sanction pénale de niveau 2 (article 138) lorsque : « l'employeur, son préposé ou son mandataire qui, en contravention à la loi du 16 mars 1971 sur le travail ou de la loi du 16 mai 1938 portant réglementation de la durée du travail dans l'industrie diamantaire […]: 3° n'a pas octroyé au travailleur ou au jeune travailleur le repos compensatoire que la loi impose en cas de dépassement de la durée maximale de travail autorisée ».
Ainsi, le pot d’heures est possible, en cette situation, pour autant que la récupération soit prise au cours de la période de référence telle que déterminée au sein de l’entreprise (un trimestre ou une année correspondant à 12 mois calendrier consécutifs ou 365 jours civils consécutifs).
E. LES JOURS DE CONGES D’ANCIENNETE
Au terme de diverses conventions collectives de travail sectorielles, nombre de travailleurs bénéficient de jour dit d’ancienneté.
Les modalités précises d’octroi sont rarement clairement pas définies au niveau sectoriel. Souvent, les textes sectoriels ne précisent en particulier pas si ces jours d’ancienneté doivent être accordés au plus tard au 31 décembre d’une année civile considérée. Le seul élément concret qui semble pouvoir être tiré de ces normes sectorielles s’entend d’une prise annuelle desdits congés supplémentaires dès lors que ces congés sont octroyés sur une base annuelle.
Toutefois, la question du report éventuel n’est, pour sa part, (souvent) pas réglée par la norme sectorielle. Le manque de clarté des prescrits sectoriels plaident en tout cas pour la conclusion d’une convention collective de travail d’entreprise en cette matière ou, à tout le moins, en faveur de l’adjonction d’un paragraphe supplémentaire réglant la matière dans le projet de RT actuellement soumis au CE.
F.VACANCES ANNUELLES
Le principe est clairement énoncé dans les LOIS coordonnées relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés du 28 juin 1971. Le report de jours de vacances annuelles n’est pas autorisé au-delà de l’année de vacances. Même si la pratique est répandue, elle n’en reste pas moins illicite dans son principe et d’une manière générale.
La matière des vacances annuelles est réglée par les lois coordonnées relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés du 28 juin 1971 et son arrêté royal d’exécution daté du 30 mars 1967. Cette dernière réglementation stipule en son article 64 que, « les vacances annuelles doivent être octroyées dans les douze mois qui suivent l’exercice de vacances ». La règle est sans équivoque. La totalité des jours de vacances annuelles acquises en raison des prestations (ou assimilées) durant l’exercice de vacances (l’année antérieure) doivent être prise au plus tard au 31 décembre de l’année de vacances (l’année suivante). Cette matière étant d’ordre public, aucune dérogation n’est autorisée. La jurisprudence est sur ce point sans ambiguïté aucune. Ainsi, la Cour du travail de Liège a-t-elle jugé dans un arrêt du 01 avril 2003 que, : « le travailleur doit donc avoir épuisé ses journées de congé annuel avant le 31 décembre de l’année suivant l’exercice de vacances (…) » (C.T. Liège, 01 avril 2003, J.T.T., 2004, 24). La Cour du travail de Mons a également jugé que, « le droit aux jours de vacances s’éteint inexorablement lorsque, pour une raison quelconque, le travailleur n’en a pas fait usage dans les douze mois qui suivent l’exercice de vacances » (C.T. Mons, 05 avril 1993, J.T.T., 1993, 399 ; voyez également C.T. Mons, 12 décembre 1991, J.T.T., 1992, 456).
Le principe est clairement établi : la réglementation impose que la totalité des jours de vacances annuelles soient octroyée dans les douze (12) mois qui suivent l’exercice de vacances. Il est par conséquent interdit de reporter à l’année suivante les jours de vacances non encore épuisés. De même, les vacances annuelles étant considérées comme un droit d'ordre public, le travailleur ne peut en aucun cas en faire abandon. Il appartient à l’employeur de veiller – obligation positive de résultat et d’ordre public- à ce que l’ensemble de son personnel prenne ses congés en temps et à l’heure. En d’autres termes, la société pourrait se trouver dans la situation paradoxale mais légale de devoir « forcer / obliger » un de ses employés à prendre ses congés avant la fin de l’année de vacances.
La non prise des vacances annuelles avant le terme de l’année de vacances n’est pas neutre. En réalité, la sanction, dans le chef du travailleur, est double :
- il ne peut exiger le report des jours de vacances annuelles non pris l’année suivante (dans l’exemple repris sub., en 2005) ;
- il perd ses droits aux pécules (le plus généralement simple, le double ayant été payé pour le tout en mai – juin de l’année de vacance à l’occasion de la prise de vacances principales) pour ces jours non pris.
- la jurisprudence en cette matière est tout aussi claire (C.T. Liège, 01 avril 2003, J.T.T., 2004, 24). Ainsi, la Cour du travail de Mons a-t-elle jugé, « attendu qu’il n’existe aucune disposition dans la législation relative aux vacances annuelles qui fonde la prétention d’un travailleur à obtenir une rémunération couvrant les journées de vacances dont il n’aurait pas disposé en leur temps et, qui plus est, de son plein gré » (C.T. Mons, 05 avril 1993, J.T.T., 1993, 399 ; voyez également C.T. Mons, 12 décembre 1991, J.T.T., 1992, 456).
- La seule exception à ce principe est reprise à l’ARTICLE 67 de l’ARRETE ROYAL du 30 mars 1967. « Lorsque le travailleur se trouve dans l’impossibilité de prendre ses vacances », les pécules de vacances afférents aux jours non pris seront payés au plus tard au 31 décembre de l’année de vacances. La réglementation vise donc bien uniquement la situation où le travailleur est dans « l’impossibilité » de prendre ses congés payés. Ceci vise plus spécifiquement le cas de la maladie ou de l’accident mais non celui « d’un agenda surchargé ».
La jurisprudence appréhende néanmoins également le cas où l’employeur refuse d’accorder en temps voulu les journées de vacances annuelles demandées par son collaborateur. Dès lors, si le travailleur démontre la faute de son employeur, il pourra réclamer au titre de dommages intérêts l’équivalent de la rémunération à laquelle il avait droit pour ces jours non pris (C.T. Liège, 01 avril 2003, J.T.T., 2004, 24).
Toutefois, la jurisprudence de la Cour de justice estime qu’une loi nationale ne peut faire en sorte que le droit aux vacances annuelles s’éteigne à la fin de la période de référence ou d’une période de report fixée par le droit national (CJUE, 20 janvier 2009, Schultz-Hoff c/ Deutsche Rentenversischering Bund, Rec., 2009, I, p.179). La Cour a réitéré sa jurisprudence, dans son arrêt du 29 novembre 2017, dans lequel elle précise à nouveau que : « L’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales selon lesquelles un travailleur est empêché de reporter et, le cas échéant, de cumuler, jusqu’au moment où sa relation de travail prend fin, des droits au congé annuel payé non exercés au titre de plusieurs périodes de référence consécutives, en raison du refus de l’employeur de rémunérer ces congés ».
En l’état actuel du droit belge, le report des jours de congés légaux n’est donc pas envisageable (sauf réelle impossibilité, contrairement aux solutions prônées par la CJUE. Il convient donc de rester prudent sur ce point qui risquerait de faire débat à l’avenir.