CONCRETEMENT, COMMENT TRAITER LE DEVOIR D’INFORMATION PRE-CONTRACTUEL DESORMAIS ?
La réforme du droit des contrats a consacré et généralisé l’obligation d’information pré-contractuelle.
Une obligation qui à l’occasion de la négociation de tout contrat pèse sur toute partie qui connaît une information dont l’importance est déterminante du consentement de l’autre, dès lors que celle-ci l’ignore légitimement ou fait confiance à son cocontractant.
Cette obligation laisse généralement perplexe du fait de la difficulté d’en cerner les contours et inquiète celui qui imagine que son non-respect pourrait être invoqué à son encontre, sachant qu’il permettrait à celui qui invoquerait son inexécution d’invoquer la nullité du contrat ou d’obtenir la réparation du préjudice subi.
Particulièrement au regard du fait que l’invocation du devoir d’information est souvent faite a posteriori, dans un cadre pré-contentieux voire contentieux et non durant la négociation elle-même.
Cette inquiétude est d’autant plus légitime que la réforme du droit des contrats a consacré le caractère d’ordre public de cette obligation et qu’il est expressément prévu par l’article 112-2 du Code civil que l’on ne peut ni exclure ni limiter cette obligation.
Quantité de clauses qui étaient usuelles en la matière, dont la finalité était de décharger une partie de cette obligation, sont dès lors condamnées.
Le juriste peut être désemparé : comment traiter ce sujet désormais ?
· Intégrer la problématique
Le devoir d’information s’exécute de l’entrée en relation à la conclusion du contrat et son étendue varie en fonction du degré de caractérisation de ses composantes.
Ce devoir pourra être, selon le type de relation contractuelle et la situation respective des parties, soit inexistant, soit très important.
Le traitement du devoir rend nécessaire l’appréciation dès que possible de son existence et de son étendue par son débiteur ainsi que l’organisation de la preuve de son respect.
L’obligation d’information suit à ce titre le régime de principe de toute obligation : la preuve de son existence devra être rapportée par celui qui s’en prévaut et son exécution par son débiteur.
· Favoriser la caractérisation de l’existence et de l’étendue de l’obligation
L’existence du devoir d’information repose sur :
- L’existence d’une d’information
- Sa connaissance par celui qui la détient
- Son caractère important qui la rend déterminante du consentement
- Soit son ignorance légitime par le cocontractant
- Soit la confiance du cocontractant
La formalisation de l’entrée en relation, au moyen d’un document adapté au contexte, permet notamment de :
- Définir la notion d’information dans la relation contractuelle et préciser la nature des informations pouvant être détenues et ayant dès lors vocation à être communiquées ;
- Définir ce que peut être leur connaissance par le débiteur ;
- Faire déclarer par le cocontractant la nature des informations susceptibles d’être déterminantes de son consentement ;
- Rappeler l’obligation pour le cocontractant de se renseigner par lui-même ;
- Limiter la notion de confiance, par trop vague.
Parce que certaines informations peuvent être déterminantes dans l’absolu et d’autres pour un cocontractant déterminé, pour des raisons objectives mais également subjectives, la fixation du cadre du devoir d’information, dès l’entrée en relation, permet de fixer le cadre de toute discussion éventuelle.
Elle doit par ailleurs permettre à ceux qui sont en charge de la négociation de savoir ce qu’ils doivent communiquer.
Au juriste de trouver la forme la plus adaptée : fiche d’entrée en relation, questionnaire d’évaluation du cocontractant et de ses besoins, note d’information … . L’important étant de contractualiser les éléments définissant le devoir d’information et de permettre l’expression du besoin pour le cerner.
· Pré-constituer la preuve du respect de l’obligation
Bien souvent, dans le cadre des négociations, l’accomplissement du devoir d’information se fait au fur et à mesure de celles-ci, selon des modalités qui peuvent être variables et assez informelles.
La difficulté sera, a posteriori, d’en justifier, a posteriori.
Il appartient aujourd’hui au juriste d’imaginer les moyens de le formaliser, aux différents stades de la négociation auquel il peut intervenir, à savoir :
- Dès l’entrée en relation ;
- Pendant les discussions ;
- Au moment de la conclusion du contrat.
Compte-tenu de la multiplicité des personnes susceptibles d’intervenir dans le cadre des négociations, au-delà de de l’élaboration des documents susceptibles d’être utilisés par elles, le juriste doit concevoir un processus de centralisation et de conservation de la matérialisation de l’accomplissement de l’obligation d’information.
Bien évidemment, avec un degré d'exigence qui variera en fonction de la nature de la relation contractuelle, le juriste doit concevoir une forme de boite noire de chaque négociation, qu’il serait possible d’ouvrir en cas de difficulté.
Conclusion :
Le devoir d’information pré-contractuel est certainement devenu un sujet encore plus compliqué à traiter pour le juriste qu’auparavant. Il est cependant une occasion de s’inviter dans la gestion du processus de négociation et d’illustrer la prise en considération par le juriste des modalités pratiques des intervenants dans le cadre de celle-ci.
Senior Legal Counsel CAPEX - Roquette
7 ansEn complément des commentaires précédents : Pour les contrats courants de l'entreprise, adapter leur processus de conclusion en subordonnant la possibilité d'édition donnée à l'opérationnel (commercial, ingénieur etc.) à la remise préalable de certaines pièces (fiches produits/services) et/ou, le cas échéant, au retour exhaustif et sincère de certaines fiches d'informations complétées par le partenaire des pourparlers (s'informer pour informer).
RETIRED | Formely attorney at the Paris Bar | Strong background in Life Sciences and Chemical industries |
7 ansEt en traçant, par une clause contractuelle adaptée, que le devoir d'information a bien été respecté.
Responsable juridique - Restructuring & Contentieux chez Crédit Mutuel - Arkéa Banque E&I
7 ansEn faisant intervenir les juristes très en amont des négociations .