Considérations pandémiques.
Nul hélas n’avait su prévoir cette crise, ni son ampleur ni sa dangerosité. Sanitaire et humaine, puis économique, cette soudaine pandémie a superbement et mondialement ignoré toutes les prédictions, déjoué toutes les projections, humilié toutes les spéculations.
Et il semble bien que celles et ceux mêmes qui n’avaient rien vu venir continuent de vouloir monopoliser la parole et l’attention pour nous annoncer, impénitents, sans aucun repentir ni davantage de clairvoyance, la vie future qui nous attendrait, dès après cette catastrophe !
On nous promet alternativement l’apocalypse financière de même que le renouveau d’une humaine solidarité, redevenue universelle, créant des lendemains qui enchantent. On espère une simplicité retrouvée et une économie de proximité, devenues obstacles à la mondialisation effrénée. Ou bien à l’inverse, une paupérisation générale, à base de krach boursier, de décroissance instantanée et définitive. On nous annonce une pédagogie transformée, des horaires de travail adaptés et d’encore nouvelles façons de travailler. On croit percevoir la fin -aussi proche que prévisible- des fédérations d’états ou des nations, assortis de l’effondrement de la démocratie. On en appelle encore parfois à la religion ou à la philosophie…
Bref, on ne sait plus trop quoi dire. Ni à quel saint se vouer. Et plutôt que d'apprendre à écouter le silence, nous sommes forcés d’entendre cette cacophonie… Si les eaux de la lagune de Venise et le ciel de Chine sont redevenus limpides, il ne semble pas encore acquis que nos esprits le soient. Ni ne le redeviennent aussi rapidement !
Me permettez-vous de proposer ici une autre approche de cette réalité qu’ensemble nous vivons ? Non pas fondé sur les décibels excessifs, mais plutôt sur leur absence ?
En dépit des hommages vespéraux aux soignants, certains silences actuels me semblent bien plus importants que les ritournelles angoissées (ou anxiogènes) et les comptines un peu trop optimistes que beaucoup trop nous veulent servir.
Le premier silence qui m’intéresse est celui concernant une prochaine apocalypse environnementale annoncée ! Mais où donc est passée Greta ? Ainsi que celles et ceux qui la suivent, jusque parfois dans ses quelques excès sémantiques, presque revanchards, toujours négatifs ou culpabilisants ? Nul ne peut contester le réchauffement climatique, sensible même à l’échelle humaine (alors que les variations climatiques stables s’effectuent plutôt sur des siècles). Il semble pourtant que face à la réalité d’un risque vital immédiat, planétaire, certaines acrimonies, anti-spécistes ou anti-libérales, s’effacent tranquillement.
Un deuxième silence n’en est pas moins remarquable : l’envahissement numérique ou digital, naguère encore présenté par certains comme la source de tous nos maux ou une menace, par le moyen de courriels ou de sites web, vient de changer de statut… De stressant, anxiogènes ou obnubilants, nos moyens de communications modernes constituent désormais le rempart contre la propagation virale d’un bien méchant microbe. Et le moyen efficace de relations privilégiées, en dépit de ses limites, pour toutes nos interactions, familiales, personnelles ou professionnelles…
Le troisième silence me semble plus intéressant encore : celui concernant nos organisations laborieuses ! Pour « libérer » le travail et prétendument augmenter l’intelligence collaborative, nous avions pris le parti, au siècle dernier, de structurer le travail sur des plateaux ouverts, appelé open-space ou bureaux paysagés, limitant autant que possible le recours au travail à domicile (home-office). Dans de nombreux cas, ne s’agissait-il pas, en fait, de maintenir ou renforcer le contrôle (individuel et collectif) sur nos collaborateurs, au détriment de la confiance - qui d’ailleurs l’exclut ? Ou encore de restreindre drastiquement les coûts – quitte à réduire la performance ? Nos bureaux paysagés sont désormais déserts, nos salles de réunion, vides et nos séances, drastiquement écourtées, par le seul recourt à la vidéo-conférence…
Il est d’autres silences stimulants, comme par exemple celui de celles et ceux qui nous annonçaient l’accélération continue des changements au sein de nos sociétés, le raccourcissement exponentiel du Temps face aux « disruptions » incessantes et l’urgence croissante de sans cesse s‘y adapter… Je me plais à les imaginer désormais sereinement dans leur foyer, méditant longuement sur la durée du temps qui passe, d’autant plus lentement que l’espace vital est devenu plus exigu…
C’est un fait d’histoire, qu’il est important de ne pas oublier : aucune des pandémies passées, anciennes ou plus récentes, terrassant nos civilisations occidentales d’un simple microbe, malgré tragédies humaines et catastrophes économiques, n’a eu d’autre impact réel (social, politique, spirituel, philosophique ou moral…) sur notre humanité que... très fugace.
Henri Bergson, l'observait déjà, dans son dernier livre publié en 1932 : « L'humanité gémit, à demi-écrasée sous le poids des progrès qu'elle a faits ». Il poursuit : « Elle ne sait pas assez que son avenir dépend d'elle...»
Les changements positifs auxquels nous pouvons légitimement aspirer pour inventer chaque jour un monde meilleur, pour nous-mêmes et pour nos enfants, ne viendront pas de circonstances extérieures, d'accidents actuels ou d'une pandémie bien inattendues... Mais bien plutôt de notre clairvoyance, de nos décisions judicieuses et de notre ferme courage à les mettre en œuvre, ensemble !
Copywriter | Rédacteur | Concepteur du magazine numérique Muses-mag
4 ansCe texte touche juste. Il est tellement vrai et tellement authentique! Merci à vous.
President & Founder at Talent Within Reach
4 ansTres interessant. Merci Xavier
Directeur Général Geodis Logistics France
4 ansBravissimo. Tellement vrai.
Professeur et créateur du Nudge Music Management @Mazic. Conseil en transformation managériale via la musique. Compositeur/Conférencier/ex-Country Manager
4 ansMerci Xavier Camby pour ton point de vue et cette belle conclusion. A force d'adoration de tous les artifices de la vie, il semblerait que notre intelligence et notre respiration soient vouées à devenir artificiels. Est-ce une fatalité? Maîtrisons nous encore les idôles que nous avons crées? Au delà du "on", retrouvons effectivement le sens du jeu dans le nous, ensemble comme tu l'indiques si bien. Commençons collectivement par nous repentir, nous avons suffisamment de signaux à notre adresse depuis 20 ans. En l'espèce du virus qui nous touche, n'oublions pas que si l'humanité gémit, certains n'en ont pas ou plus ni la force, ni le souffle. Car toujours au-delà de l'humanité, il y a l'homme...
Directeur de Clientèle privée chez Bordier & Cie (France)
4 ansBravo Xavier et merci pour ce très beau papier, de salubrité publique