Contentieux électoral des salariés administrateurs : quelle juridiction compétente ?

Contentieux électoral des salariés administrateurs : quelle juridiction compétente ?

Dans certaines sociétés anonymes doivent être désignés des administrateurs ou des membres de conseil de surveillance représentant directement les salariés ou indirectement l’actionnariat salarié. Ainsi, dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger il existe une obligation de désigner des représentants de salariés au conseil d’administration ou de surveillance (C. com., art. art. L. 225-27-1 et L. 225-79-2). Le nombre de mandataires et les modalités de désignation doivent être prévus par les statuts. Par défaut, ils sont élus par les salariés. Par ailleurs, dans les sociétés dont les actions sont négociées sur un marché réglementé, ainsi que, depuis la loi PACTE, les sociétés qui remplissent les mêmes seuils d’effectifs en prenant en considération leurs filiales françaises ou étrangères, dans lesquelles le rapport à l’assemblée annuelle du CA ou du CS sur la participation des salariés établit que celle-ci dépasse 3 % du capital, l’AGO doit désigner des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance sur proposition de cet actionnariat salarié (C. com., art. L. 225-23 et L. 225-71). En outre, les statuts peuvent aussi imposer une proportion de salariés au sein des conseils (C. com., art. art. L. 225-27 et L. 225-79.

En cas de contestation sur la désignation de ces salariés administrateurs et membres du conseil de surveillance, quelle est la juridiction compétente en cas de contentieux relatif à ces désignations ?

Dans un arrêt du 18 mars 2020, la Cour de cassation (17-24.039) apporte une réponse au sujet de la désignation des administrateurs visés à l’article L. 225-23 du code de commerce. En l’occurrence, il s’agissait d’une société cotée dans laquelle la participation des salariés dépassait 3 % du capital et qui avait mis en place un processus de désignation d’un administrateur sur proposition des salariés. Un candidat non élu contesta la régularité du processus et saisit le tribunal d’instance en se fondant sur l’article R. 221-27, 3° du COJ qui lui donnait compétence « pour les contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection : 3° Des représentants des salariés au conseil d'administration ou au conseil de surveillance des sociétés anonymes ». La société défenderesse excipa l’incompétence du tribunal d’instance. Sur contredit, la Cour d’appel de Paris rejetant la compétence du tribunal d’instance reconnut celle du tribunal de commerce. Le pourvoi formé par le candidat malheureux fut à son tour rejeté.

La Cour de cassation décide que l’article R. 221-27, 3° ne donne pas compétence au tribunal d’instance pour connaître des contestations portant sur la désignation, par les salariés actionnaires, d’un candidat à l’élection d’un administrateur par l’assemblée générale des actionnaires, régie par l’article L. 225-23 du code de commerce. En l’absence de toute autre disposition prévoyant la compétence du tribunal d’instance en la matière, ce litige portant sur une contestation relative aux sociétés commerciales relève de la compétence du tribunal de commerce, en application de l’article L. 721-3, 2°, du code de commerce.

L’interprétation stricte de l’article R. 221-27, 3° doit être approuvée. La compétence du tribunal d’instance concerne l’élection de représentants des salariés au conseil d’administration. Cela peut être le cas des salariés administrateurs devant être désignés en application de l’article L. 225-27-1 du code de commerce. Leur désignation doit se faire selon l’option retenue par les statuts parmi celle autorisées par le texte : élection par les salariés, désignation syndicale ou par les institutions représentatives du personnel. L’article R. 221-27 s’applique assurément au contentieux de l’élection par les salariés d’autant que le dernier alinéa l'article L. 225-28 du code de commerce donne lui-même compétence au juge d’instance pour ce contentieux électoral. L’article L. 225-28 mentionnant aussi les administrateurs élus par les salariés en vertu d’une clause statutaire (C. com., art. L. 225-27), le tribunal d’instance est aussi compétent pour le contentieux relatif à leur élection. En revanche, lorsque les administrateurs sont désignés par une organisation syndicale ou un institution représentative du personnel, il n’y a pas d’élection : tant l’article R. 221-27, 3° du code de l’organisation judiciaire que l’article L. 225-28 ne donnent aucunement compétence au tribunal d’instance.

L’article L. 225-28 ne vise pas les administrateurs désignés en application de l’article L. 225-23. L’article R. 221-27, 3°, du COJ permet-il alors de donner compétence au TI sans autre texte ? À vrai dire, l’article L. 225-23 est ambigu puisqu’il mentionne des administrateurs « élus » par l'assemblée générale des actionnaires sur proposition des actionnaires visés à l'article L. 225-102. Il ajoute que ces administrateurs sont « élus » parmi les salariés actionnaires ou, le cas échéant, parmi les salariés membres du conseil de surveillance d'un fonds commun de placement d'entreprise détenant des actions de la société. L’ « élection » par l’assemblée donne à penser qu’il s’agit d’un contentieux électoral. Mais le 3° de l’article R. 221-27 ne concerne que les « représentants des salariés ». Cette qualité est expressément reconnue aux salariés administrateurs de l’article L. 225-27-1. En revanche, ceux visés à l’article L. 225-23 ne sont pas mentionnés comme étant des représentants des salariés. D’ailleurs, même si les candidats doivent être choisis parmi les salariés, leur mandat leur est donné par un collège électoral qui ne se limite aux seuls salariés puisque ces administrateurs sont élus par l’assemblée générale des actionnaires.

Si l’article R. 221-27 est insuffisant pour donner compétence au tribunal d’instance pour ce type de litige, il reste l’article L. 721-3, 2°, du code de commerce, qui attribue une compétence au tribunal de commerce pour connaître des litiges relatifs aux sociétés commerciales, comme en a décidé la Cour de cassation.

La portée de cette décision demeure d’actualité, même si le tribunal d’instance a disparu. C’est désormais le tribunal judiciaire qui est compétent pour le contentieux électoral des représentants des salariés aux conseil d’administration et de surveillance des sociétés anonymes (COJ, art. R. 211-3-15). En revanche, c’est bien le tribunal de commerce – ou en Alsace-Moselle, la chambre commerciale du tribunal judiciaire – qui est compétent pour connaître du contentieux de la désignation administrateurs de l’article L. 225-23 ou les membres du conseil de surveillance de l’article L. 225-71 du code de commerce. 


Florencio MARTIN

Chef de projet - innovation chez VERI

1 ans

Bonjour Monsieur, Qu'en est-il pour la contestation du réglement électoral de l'élection d'un conseil de surveillance d'actionnariat salarié défini de manière unilatérale pas l'entreprise quand une des régles ou restriction favorise indirectement une liste ?

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