Contribution aux charges du mariage & Achat immobilier : la Cour de Cassation revoit sa copie.
Un intéressant revirement de jurisprudence sur la règle de la contribution aux charges du mariage pour les biens indivis acquis par les couples mariés en séparation de biens.
L’hypothèse de base est la suivante :
deux époux séparés de biens achètent leur résidence principale en indivision au moyen d’un prêt. L’un des deux prend finalement à sa charge la totalité du remboursement du prêt ou rembourse davantage que sa quote-part d’acquisition.
L’article 214 du Code civil prévoit que les époux contribuent aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.
Depuis 2013, la Haute Juridiction considère que les dépenses afférentes à l’acquisition et à l’aménagement du logement de la famille indivis constituent des charges du mariage, et qu’à ce titre le paiement par l’un des conjoints de ces dépenses constituait l’exécution de son obligation de participer auxdites charges.
La Cour confère ainsi un statut particulier au logement de la famille.
Les magistrats ont depuis réaffirmé leur position à plusieurs reprises par des arrêts en date des 12 juin 2013 et 25 septembre 2013, et ont même étendu leur jurisprudence à la résidence secondaire aux termes d’un arrêt du 18 décembre 2013, dans des circonstances exceptionnelles. Sa construction jurisprudentielle a été encore poursuivie en 2014 et 2015 par son extension à l’hypothèse où le mari a financé la construction de la maison sur le terrain personnel de son épouse.
La Cour de cassation, en incluant les dépenses d’investissement dans les charges du mariage, donne à réfléchir sur la portée de la clause de contribution insérée de façon systématique dans les contrats de mariage, car c’est bien la combinaison de ces deux éléments qui mène à la neutralisation des créances entre époux séparés de biens.
Cette règle a le mérite de la simplicité, mais elle instille un caractère communautaire dans les régimes séparatistes, à l’inverse les régimes communautaires conserveront un îlot d’esprit séparatiste, notamment par le jeu des récompenses.
En 2017, la Commission Familles du 113ème Congrès des Notaires de France avait très justement souligné ce problème : l’appréciation extensive de la notion de charges du mariage déséquilibre le régime de la séparation de biens.
Les Notaires depuis ont corrigé ce déséquilibre en adaptant la rédaction des contrats de mariage et des actes de vente, mais cela est inefficace pour les anciens actes ou rien n’a été prévu et où cette jurisprudence a vocation à s’appliquer.
Par un arrêt récent du 3 octobre 2019, la Haute juridiction revient en partie sur sa position et juge que l’apport en capital personnel effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Par conséquent, il y a lieu de différencier les modes de financement d’un bien indivis affecté à l’usage familial :
- L’époux remboursant intégralement le crédit affecté contribue aux charges du mariage.
- L’époux qui apporte en capital des fonds personnels dispose d’une créance.
Il semble donc que la Cour de Cassation ait en partie entendu le message du 113ème Congrès des Notaires de France, preuve de son efficacité.
Retraitée. J’occupais le poste de rédactrice en chef de La Semaine Juridique, Édition générale (JCP G (LexisNexis)
5 ans#ConseilDeLecture Sur cet arrêt note à paraître du professeur Véronique Bouchard dans le JCPG de lundi 11/11