COVID-19 / COP-21, le «jour d’après » ....

Une congruence de déclarations et d’articles sur le « jour d’après »laisserait à penser que plus rien ne sera comme avant. Simple formule de rhétorique ? Est-ce que l’histoire des crises ne nous a pas enseigné notre capacité à oublier aussi facilement nos déclarations d’intention du moment précédent ? L’actualité chasse une autre actualité. La crise de 2008 est à cet égard, hélas, illustrante....

En moins de quinze jours de confinement, la nature semble reprendre ses droits. COVID-19, dans cette « guerre » sans merci, devient l’allié objectif de la COP-21 !

Sans prolonger les poncifs et la petite musique ambiante, cette crise sans précédent laisse tout de même envisager la perspective de repenser le modèle de la mondialisation. Bien sûr, nos analystes et les politiques nous feraient presque croire que nous allons devenir les pionniers  d’un monde où « le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant … ». Tout sera corrigé : les maux, les erreurs et les égarements de la mondialisation qui devait permettre à l’humanité, ne l’oublions pas, de vivre une ère radieuse à tout point de vue.... Il nous sera juste demandé collectivement pour répondre aux enseignements de cette crise d’écrire une nouvelle page en régulant mieux les flux des échanges au profit de la proximité (bien pour le CO2), en réinternalisant des pans entiers de l’industrie (moins bien pour le CO2) ....

Cette crise inédite, avec ses effets de bord qui ne peuvent être encore calculés, va réorienter en profondeur nos sociétés qui ont pris conscience de leur fragilité. Ne faisons pas de procès d’intention. Cependant, l’inversion du paradigme à la fin des années 80 qui peut se résumer par cette formule « la finance est au service de l’économie et l’ économie au service de l’homme », montre de façon criante et ce déjà depuis les crises antérieures que nous sommes dans une impasse. Il suffit de constater pour cela les effets dramatiques de la crise actuelle dans le secteur de la santé.

Cette crise pourrait être, si l’on en croit les dernières statistiques, la fin de la société de consommation, telle que nous l’avons connue jusqu’à présent. Les nouveaux maîtres mots sont la proximité, le développement durable et la volonté de consommer en fonction des besoins primordiaux. Le consommateur se voit dévolu un rôle de citoyen responsable avec l’injonction d’acheter des produits utiles pour notre propre économie. Il faut être sur ce point prudent et savoir si cela constitue une tendance de fond ou un discours de circonstance. En revanche, il est évident que notre modèle et le mode de répartition de la richesse ne pourront rester en l’état. Revenir à des pratiques plus dans la mesure et respectueuses de l’environnement s’impose. Elles avaient cours pour certaines finalement, il n’y a pas si longtemps. La prise de conscience que des métiers peu valorisés, mais essentiels à la bonne marche de la société et de l’économie  (santé, distribution alimentaire, propreté, énergie … ) conduira à repenser les échelles de salaire. La course aux profits et aux dividendes avec la démesure que l’on a connu, sera, espérons-le, certainement moins effrénée. En revanche, les idées qui foisonnent sur le repli et le retour à la nation, voire à l’autarcie restent des réponses simplistes. Certes, avoir une approche raisonnée et régulée des flux et des échanges se révèle nécessaire. Qui serait contre l’internationalisation des échanges ? En revanche, l’interdépendance asymétrique présente un vrai risque que la crise actuelle a mis en relief. Sur le plan environnemental, il faudra se souvenir qu’il n’a suffi que de quinze jours pour constater que les objectifs de la COP-21 sont réalisables.

Encore une fois, l’Entreprise reste un des vecteurs essentiels pour conduire à bien ces évolutions, même si l’Etat, l’Europe sont plus que nécessaires pour réguler et encadrer. Oui, la mondialisation dans sa forme actuelle a laissé la place le plus souvent à l’ubris. Oui, nous dansons sur un volcan et notre planète a des ressources non extensibles. Il ne faudrait pas que le Covid-19 chasse les enjeux de la Cop-21…. Il ne s’agit pas d’opérer une révolution, mais de corriger le système en puisant des idées et des modèles éprouvés dans « l’ancien monde ».

La phrase de Levinas « On est responsable de la responsabilité des autres » mérite d’être méditée. C’est ainsi et par ce biais qu’il sera possible de créer un socle de valeurs solides pour une entreprise et l’armer pour faire face à ces enjeux. La RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), devenue incontournable, reposera sur les valeurs d’engagement, d’authenticité, de responsabilité et de sens. Les salariés devront bien évidemment au cœur de ces dispositifs. La RSE ne peut exister qu’avec l’engagement des salariés qui ne l’oublions pas sont également des citoyens et des consommateurs. Au-delà de réinventer des modèles, les DRH seront, en sortie de crise,  à la manœuvre pour accompagner les entreprises et les salariés. C’est un sujet de fond qui ne repose pas que sur de bons sentiments ou de la moraline …, mais sur des actions concrètes et positives qui doivent trouver leur traduction à l’échelle de l’entreprise et de façon plus large au niveau de la Nation, de l’Europe et du Monde.

La nature s’est rappelée à nous comme un avertissement sans appel et nous fait prendre conscience de notre fragilité et surtout de notre responsabilité individuelle et collective, non seulement à l’égard de la nature, mais également à l’égard de nous-mêmes.

 

Marie-Hélène MILANO

Chargée de développement des partenariats

4 ans

Merci pour ce bel article ! Je partage votre scepticisme concernant "le jour d'après". Les hommes oublient ... Le concept de Lévinas de "responsabilité pour autrui" trouve en effet tout son sens aujourd'hui.

Caroline DRH du XXI siècle

Management RH et organisation

4 ans

L'internationalisation des échanges avec une approche raisonnée et régulée sans repli sur soi ni réponses simplistes, c'est possible avec des Hommes d'Etat. Philippe Murer en fait la démonstration dans son dernier livre "Comment Réaliser la Transition Ecologique, un Défi Passionnant" aux Editions Jean-Cyrille Godefroy : https://www.editionsjcgodefroy.fr/livre/comment-realiser-la-transition-ecologique/. Intéressant, instructif et éminemment d'actualité. Bonne lecture.

Nicolas Bergeret

Je suis passionné par les défis RH I Développement des talents I Innovation I Organisation RH

4 ans

Merci beaucoup cher Arnaud pour ce point de vue que je partage. Et je veux ici rebondir sur trois points que vous évoquez. Le premier sur l'évocation du monde de demain qui ne sera certainement pas aussi utopique que ce que les médias nous promettent. Il faut cependant se souvenir que la révolution industrielle en France a pris son ampleur au lendemain de la Grande Guerre, qui a mis en place les procédés tayloriens dans nos usines pour répondre à la crise et fabriquer des obus. De même, l'acheminement de biens utiles à l'armée américaine au Vietnam, par porte-containers, a scellé les modèles d'échanges internationaux encore balbutiants. Il ne serait donc pas impossible que cette crise universelle nous installe dans un nouveau paradigme, qui reste à définir. Second point, la prise de conscience du caractère essentiel et indispensable des fonctions sous-valorisées nous force à revoir la répartition des richesses. Le système financier imposé par les actionnaires, captant l'immense majorité des revenus, a imposé le dogme du court-terme dans la gestion des entreprises. Sans y prendre garde, le confinement a remis en place les bienfaits du temps long. Et de redécouvrir le rendement stable et le besoin de cash. En gros, une gestion plus traditionnelle et prudente du capital. Espérons qu'il bénéficiera à tous. Car enfin, le sens du collectif que vous évoquez si justement, et que le gouvernement nous assène, est le sujet majeur qui émane de cette crise. Prendre soin de soi et des autres, et de notre environnement, pas seulement au sens écologique du terme, mais bien au regard de la société toute entière, c'est ce à quoi j'espère que nous prenons tous conscience en ces temps difficiles, pour en sortir plus fort collectivement.

Johann Vannieuwenhuyse

Executive Director - Michael Page Canada

4 ans

Merci Arnaud pour cette prise de hauteur, encore plus éclairante avec les événements en cours. Je te souhaite le meilleur à toi et tes proches.

Patrick Dugois

Devenez coach d’organisation 🧩 | Fondateur de l’école @AkaTransformations | J’accompagne la réussite des transformations des entreprises grâce au coaching collectif

4 ans

Merci Arnaud pour cet article qui synthétise bien où l'on en est et dont j'approuve la teneur. Seul point de divergences peut-être, pour ma part, je ne regrette pas que l'on oublie vite les enseignements de la crise. Cela peut paraître paradoxale. Mais en fait, il y aurait un énorme risque à vouloir tout changer et faire table rase. Substituer un rêve à un autre ne me paraît pas bon car l'homéostasie du système est aussi le ressort de sa survie. Oui, les intérêts particuliers vont résister. Oui, certains n'auront de cesse de ré-instrumentaliser et de promouvoir le statut quo. Pour moi, c'est inévitable et même rassurant dès lors que parallèlement, on s'attache à la montée des consciences, aux évolutions structurelles qui de toute façons auront lieu. De ce point de vue, je partage l'idée, que rien ne sera plus comme avant. Et au fond, c'est tant mieux. Peut-être, au risque d'être très choquant - et avec un bémol par respect pour les souffrances humaines vécues - qu'il ne pouvait pas nous arriver meilleure chose. Avec beaucoup de recul, peut-être que le coronavirus d'aujourd'hui vaut mieux que l'effondrement de demain. Gageons qu'il nous aura instruit pour l'éviter. En tout cas merci pour cet article et ce débat.

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