Covid 19: precipitation Vers un nouveau monde asocial ?
Qu’est-ce qu’une vie sociale.
Voilà bien une notion difficile à définir. Si je m’en tiens à une définition livresque, je peux dire qu’il s’agit d’une part de l’existence, de l’activité d’un être organique, de sa faculté de naître, de se développer, de se reproduire et de mourir. Et d’autre part, d’un lien à la société, une communauté d’individus qui partagent une culture ou des intérêts communs. Ce qui nous met en opposition avec la notion de vie privée.
Le confinement n’en n’est pas la cause, mais là révélé.
Je me retrouve bien dans cette notion de lien social concrétisé par le fait de rencontrer des amis et amies, de faire des activités en groupe, de «sortir», participer à des associations et autres manifestations conviviales, voyager et rencontrer du monde et toutes ces choses que l’on fait physiquement avec les autres. Ma profession d’expert m’amène également à avoir une vie sociale, selon ces termes, très active. Ai-je raison ?
Le premier lien de la vie social est aujourd’hui un réseau de fils de cuivre et de fibre optique, on dit bien «les réseaux sociaux». Grace à ces fils, je communique pour le plaisir et je travaille essentiellement. Mais je peux faire tellement plus sans bouger de mon siège.
Tout ça je le faisais avant, mais ça c’était avant.
Je fais «mes courses» par internet, je m’habille, je m’équipe, je me nourris, je me divertis. Je vérifie mes comptes aussi, je paye mes factures, tant bien que mal (la virgule vous pouvez la déplacer) je communique avec les instances de mon pays et paye mes impôts, la cantine des enfants, mes timbres, oui dès fois je fais des courriers sur du vrai papier. Ah, j’ai commandé un livre, oui dès fois je lis aussi sur du vrai papier. J’utilise ma nouvelle signature «électronique» pour ne pas me déplacer à la banque ou chez le notaire. Je regarde mes cartes de paiement et suis incapable de me souvenir des codes. Par contre j’ai un classeur avec plein de «ID», «Mot de Passe», «Code Client et Utilisateur», au cas où… Je fais de la visio-expertise, je vais sur des «Hodeï[1]» ou tout de ma vie est stocké, au cas où… Bref je peux faire quasiment tout depuis mon écran et il sait tout de moi.
Mais aujourd’hui quelque chose à changer.
J’ai vu quelqu’un, je l’ai raconté à mes enfants, c’était le transporteur qui m’amenait ce que j’avais commandé. Il allait chez le voisin, lui livrer des lunettes de réalité virtuelle. Il paraît que ça sert à faire croire que l’on est dans la «vrai vie» sans y être, mais tout en y étant tout de même… Et d’un coup, là debout, à côté du portail, j’ai paniqué, j’ai eu peur. Vous savez cette peur qui vous prend comme une angoisse, vous donne la chair de poule, vous ne savez pas si vous transpirez ou si vous avez froid. J’ai eu un flash du film « Clones ». Je me suis rendu compte que je pouvais absolument tout faire depuis chez moi, sans jamais sortir, sans jamais voir qui que ce soit et que les seuls liens sociaux physiques que je pourrais avoir seraient ceux que l’on m’autoriserait.
J’ai vraiment cette mauvaise sensation que l’on y vient à grands pas.
Sans pour autant parler de «clones» en tant que tel. Ils ne sont pour l’instant pour nous «gens du peuple» que des caméras, des écrans, et quelques robots à l’intelligence artificielle permettant de conduire nos voitures, nos avions et nos cafetières. Mais la rapidité de l’évolution technologique sur ce sujet est impressionnante. Le seul humain que j’ai vu aujourd’hui était un livreur. Le premier axe de recherche dans la robotique autonome, est la livraison.
Demain je ne verrai personne.
Le confinement m’a révélé un élément de nos vies. Nous n’avons aujourd’hui de vie sociale physique que ce l’on veut bien s’accorder et nous accorder. Peut-on considérer ce constat comme factuel ou est-ce une vue de l’esprit ?
Toujours est-il que demain, je ne verrai personne.
Vincent Massanès
Hodeï (Basque) = Nuage (Français) = Cloud (Anglais)