Créer une deuxième génération de clauses sociales pour réduire les exclusions

Créer une deuxième génération de clauses sociales pour réduire les exclusions

Annie Verrier*, administratrice de l’Union Nationale des CCAS (UNCCAS), a lancé un vif plaidoyer pour la création d'une deuxième génération de clauses sociales dans les marchés publics. C'était le 6 mars 2018 lors du Forum des Achats Publics organisé à Lyon par Pacte PME et le Conseil National des Achats. Voici en substance son intervention.

Les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) des villes de plus de 10 000 habitants représentent 5 milliards de dépenses sociales (source DREES), Ils emploient plus de 123 000 agents. Ils sont gestionnaires d’EPHAD, de foyers logements, de services à domicile, de résidences sociales, etc. A ce titre, ils sont des acheteurs importants dans le domaine de l’action sociale de proximité.

Mais malgré ces moyens considérables, les communes et leurs CCAS n’arrivent pas à éradiquer la pauvreté, l’exclusion et l’isolement. L’évolution de notre société oblige donc les CCAS à investir dans l’action sociale autrement, en amont de l’élaboration des politiques publiques, notamment au travers des achats publics. C’est quelque chose de nouveau. Auparavant les sphères économiques et sociales ne se rejoignaient que très rarement dans nos collectivités locales. Et aujourd’hui encore, beaucoup d’élus et de citoyens pense que social veut dire « cas social ». Or le social est partout, et concerne tout le monde, de la naissance à la fin de vie. Nous devons donc changer le regard de notre société sur le rapport entre le secteur social et l’économique.

Il s’agit pour les collectivités locales et pour leurs CCAS de mener des actions préventives, et non plus d’agir après coup, en tentant de réparer les désordres sociaux causés par nos propres décisions (fracture numérique, isolement, oubli de notre jeunesse, exclusion des plus faibles, services publics inaccessibles, …). Cela impose que les CCAS s’impliquent dans l’ensemble des politiques publiques, notamment au travers de la commande publique.

Si nous voulons trouver des solutions pour améliorer le bien-être des habitants, nous devons influer très en amont sur les politiques du déplacement, du logement, de la voirie, de la formation, de la jeunesse, etc. La question sociale doit être au cœur du projet de territoire de chaque collectivité. Et par voie de conséquence, le CCAS doit être proactif en matière d’achat public, en posant un regard social sur tous les marchés publics de nos collectivités.

Les clauses sociales dans les marchés publics constituent une première étape dans la réponse, que les communes et leurs CCAS ne se privent pas d’utiliser d’ailleurs. Cependant au regard du montant total des marchés publics, nous pourrions aller beaucoup plus loin. Les clauses restent trop peu mobilisées. Les prescripteurs des collectivités ne sont pas assez sensibilisés à cette question. Ils doivent être systématiquement formés aux clauses sociales et aux marchés réservés. Aujourd’hui ce n’est pas encore le cas.

D’autre part, nous devons impérativement élargir le panel des accompagnements proposés sur chaque territoire. Les SIAE sont beaucoup trop limitées dans leur offre : ménage, travaux dans les espaces verts, ou le bâtiment correspondent à 80% des postes proposés au titre des clauses sociales. Nous n’utilisons pas assez les clauses sociales dans les fournitures de services.

Enfin et surtout, nous devons construire la deuxième génération de clauses sociales. Il s’agit d’inventer, d’imaginer des réponses différentes en matière d’inclusion économique et sociale. Ces nouvelles clauses sociales ne passent pas forcément par des embauches, mais par une adaptation de la commande pour limiter l’impact négatif sur la population.

Tous autant que nous sommes nous avons été confrontés à des achats qui généraient de l’exclusion : une télévision dont on n’arrive pas à régler les chaines, dont la notice est incompréhensible, et dont la télécommande est digne du tableau de bord de la fusée Ariane. Pour la faire marcher, on paye 40€ à un prestataire. C’est un véritable scandale !

Autre exemple : inscrire votre enfant à un centre de loisir nécessite trois déplacements. Le bureau est fermé quand vous sortez du travail, vous prenez un jour de congé pour faire vos démarches, mais il vous manque le bon papier, ou bien encore vous n’êtes pas au bon guichet il faut aller à l’autre bout de la ville. Bref, nous créons des dispositifs qui génèrent de l’exclusion, de la désespérance, et du mal-être. Le dernier en date, c’est le changement des démarches pour les cartes grises qui a fait couler beaucoup d’encre.

Les achats de demain devront donc être accessibles à tous, et faciles à lire et à comprendre (FALC).Chacune de nos démarches devra se faire en une fois, et nos demandes pouvoir être exprimées aussi en une fois. Cela implique de repenser complètement notre offre de service, notre commande publique, pour aller beaucoup plus loin dans la prise en compte des besoins et des préoccupations des plus faibles, des plus fragiles. En adaptant ainsi notre commande publique, les résultats ne se feront pas attendre : en simplifiant et en rendant compréhensible, on rend leur autonomie aux Français. Les bienfaits sociaux en sont considérables.

Dans cette deuxième génération des clauses sociales, nous devons aussi aller beaucoup plus loin dans l’intégration de notre jeunesse. Nous voulons utiliser les marchés publics pour créer des conditions favorables à l’insertion des jeunes dans le monde du travail : inclusion de stagiaires dans chaque marché de plus de 15 000€, proposition d’une offre de logement accessible à proximité pour certains chantiers, prise en compte des frais de déplacement, etc. Il faut donner aux jeunes les moyens de démarrer dans la vie.

Accessibilité, simplification, intégration de tous, impacts sur la santé publique, vous le voyez, nous sommes au cœur du développement durable et de la responsabilité sociale des entreprises et des collectivités. Nous devons tous ensemble partager la même éthique, en ayant le souci d’une commande publique et d’une offre de service systématiquement universellement inclusive. C’est à ce prix que nous pourrons investir dans des politiques publiques socialement responsables.

 *Annie Verrier, adjointe au Maire d’Amiens en charge de la Santé et du Bien Vivre, vice-présidente du CCAS d’Amiens, présidente de l’UDCCAS de la Somme, et administratrice de l’Union Nationale des CCAS, l’UNCCAS.

 


Denis D.

FRESQUEUR DE LA RENO

5 ans

Bonjour je souhaiterai m’entretenir avec vous sur le sujet !

Romain Fontaine

Directeur adjoint Enfance (prévention et protection de l’enfance)

6 ans

C’est pour ça qu’on aime les CCAS #proactif #innovant #servicepublicdeproximite Brice SAMSON

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