CRISE DES SCOLYTES : petits insectes, gros dégâts
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Depuis septembre 2018, on recense des dépérissements massifs d’épicéas en France, particulièrement dans le Grand-Est et en Bourgogne-Franche-Comté. Le principal responsable est le scolyte, petit insecte xylophage (se nourrissant de bois) naturellement présent dans les écosystèmes, mais dont la population a explosé depuis quelques années.
Comment la crise des scolytes a-t-elle évolué ? Quelles en sont les conséquences et quels leviers d’action peut-on mettre en place face à l’accélération de cette crise ?
Les scolytes sont de petits coléoptères de couleur noire ou brune, et dont la taille varie de 2 à 7 mm. Naturellement présents dans les écosystèmes en France, ils constituent un vaste ensemble d’insectes dont beaucoup sont spécifiques d’une essence.
Scolytes pullulant dans ce qu'il reste du cambium d'un épicéa coupé dans la Nièvre.
Le typographe, qui tient son nom des motifs qu’il creuse dans l’écorce des arbres, est le scolyte commettant le plus de dégâts en France. Il est spécifique de l’Épicéa et cause de lourds dégâts sur de nombreux massifs constitués de cette essence forestière.
Après être entrée sous l’écorce du résineux, la femelle creuse des galeries dans la couche de bois présente sous l’écorce (le cambium) pour y déposer des œufs. Les larves s’y développent ensuite en consommant une partie de ce cambium, avant d’atteindre un stade adulte et de quitter l’arbre. Après une période de reproduction, les scolytes se déplacent en nuée, et viennent atteindre les peuplements voisins en vue de nouvelles pontes, saison après saison.
De plus, ils transportent un champignon qu'ils inoculent au bois. Ce dernier bleuit le bois, et le rend inexploitable en déclassant ses usages initialement destinés aux charpentes et menuiseries. Ceci engendre une forte perte économique, avec une saturation du marché en produits bois de piètre qualité.
Cycle de reproduction des scolytes et de colonisation des épicéas.
Evolution et conséquences de la crise des scolytes en France
Depuis 2018, on assiste en France à une explosion de la population de scolytes typographes. En cause : des hivers plus doux, accélérant les cycles de développement de ces insectes qui deviennent alors nuisibles. De deux générations annuelles de typographes en plaine et une en montagne, on atteint jusqu’à trois générations par an, avec pour conséquence une multiplication exponentielle des populations de scolytes.
Des dépérissements à grande échelle dans les forêts sous 800m d’altitude sont ainsi causés, avec une majorité de dégâts concentrés dans les régions Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté. Les petits insectes font d’autant plus de ravages que les épicéas implantés en plaines sont souvent déjà en situation de stress hydrique en raison du réchauffement climatique.
Entre septembre 2018 et décembre 2021, les pertes d’épicéas ont représenté 32% des arbres sur pied dans ces deux régions (Bilan fin 2021 du Département de la santé des forêts paru en Janvier 2022).
Dépérissement massif d’Épicéas en Bourgogne-Franche-Comté
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Quels leviers d’action face à l’accélération de cette crise sanitaire ?
Un état des lieux des forêts ainsi qu’une détection précoce des foyers scolytés sont les premiers réflexes à adopter afin de limiter les pertes dans les forêts. En complément de l’observation sur le terrain, l’INRAe de Montpellier a notamment mis au point une méthode de télédétection permettant une visualisation spatiale des dégâts.
Dès le début des premiers signes de présence du scolyte, un piégeage peut être utile afin de limiter sa propagation. Diverses techniques existent, comme l’emploi d’arbres pièges, en laissant des arbres fraîchement abattus sur le terrain, attractifs pour les scolytes, sur lesquels sont appliqués un insecticide dès le constat de la présence des petits typographes dans l’écorce. Une autre technique de piégeage consiste en la mise en place d’un piège aux phéromones. Ces méthodes sont cependant surtout efficaces au printemps, lors du premier envol, sur une population affaiblie par l’hibernation.
Afin de limiter la propagation des scolytes à l’entièreté d’un massif, des coupes sanitaires, nécessaires et exceptionnelles, sont réalisées. Elles permettent ainsi de limiter la propagation de l’insecte, et nécessitent un suivi attentif des massifs et une grande réactivité de la part des professionnels forestiers.
Ces coupes doivent être suivies d’un reboisement constitué d’essences résistantes et diversifiées, mieux adaptées que les épicéas qu’ils viennent remplacer. Les futurs peuplements seront sélectionnés au cas par cas par les professionnels forestiers suite à une analyse fine des stations forestières sur lesquelles ils seront implantés, des sols et de leurs caractéristiques, du climat et de son évolution future, et des critères de vigilance sanitaire pour chacune des essences adéquates. Ces reboisements, qui interviennent dans un cycle économique fortement perturbé, entrent dans le champs du Label Bas-Carbone et des projets proposés par STOCK CO2.
Il est à noter que des peuplements d’épicéas ont souvent été implantés sur des stations qui ne leur étaient pas destinées initialement, moins favorables, et qu’ils préfèrent naturellement des altitudes supérieures à 800m et des sols acides, profonds et frais.
Les évolutions à prévoir
Dans son bilan de l’année 2021, le Département de la Santé des Forêts indique que “les conditions météorologiques de l’année ont permis une période de répit pour les épicéas et ont été nettement moins favorables au développement des typographes avec une baisse probable du niveau de population”. Les dégâts au printemps 2022 étaient attendus inférieurs à 2021, sauf en cas de période forte et sèche en sortie d’hiver.
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Sources :
Thomas MARTAL, Guillaume Panthou-Brochard, Helena Devetakov, Noah Bouffiès, Aubin LABERGERE-LAROCHE. Incubateur HEC Paris - STATION F : Antoine Lepretre, Anna Schwarz, Aymeric Penven