Crises et mondialisation: comment sortir de la tragédie des 3C ?
Face aux enjeux planétaires, migrations, chômage de masse, terrorisme ou réchauffement climatique, et d’autres périls qui s’ajoutent chaque jour (une crise sanitaire), est-il seulement possible de proposer de véritables solutions ? Nos femmes et hommes politiques s’y essaient, mais s’ils parviennent si peu à le faire, c’est que nous avons là une sorte de confirmation de la tragédie des 3C qui établit que lorsqu’un système dépasse un certain seuil de complexité, il ne peut être à la fois complet et cohérent. Dans des systèmes complexes en effet, comme l’ont établi les théoriciens des ensembles, nous ne pouvons avoir en même temps la cohérence et la complétude. N’est-ce pas le drame de l’action publique qui se trouve ainsi dévoilée ? Serait-ce à dire que nous sommes finalement condamnés à l’impuissance, au scepticisme et à l’inaction ?
Ce n’est pas l’avis de Mireille Delmas-Marty qui nous propose un petit guide de navigation sur l’océan de la mondialisation, ce qui donne d’ailleurs le sous-titre du livre, lui-même intitulé « Aux quatre vents du monde », publié au Seuil. Pour l’auteur en effet, spécialiste des sciences criminelles dont elle est agrégée, ancienne Professeur au Collège de France où elle occupait une chaire d’études juridiques comparatives, l’Humanité est entrée dans le Pot au noir. Ce nom donné à cette zone tant redoutée des navigateurs du Vendée globe, du fait de ses conditions météo toujours douteuses, et où le vent ou bien souffle dans tous les sens ou bien plus du tout, au point que les marins peuvent y rester englués pendant des semaines. Cette zone terrifiante, c’est selon Delmas-Marty là où nous en sommes aujourd’hui, condamnés dit-elle à « se laisser porter quand les vents (sont) favorables, mais aussi (à) louvoyer face aux vents contraires, (et à) survivre au calme plat. » (p. 143).
Au-delà de la métaphore qui ravira les amateurs de sport maritime, l’auteur nous propose une réponse juridique en guise de boussole aux crises actuelles. Cette boussole, c’est une rose des vents qui différencie les quatre vents dominants dans la mondialisation, la liberté, la sécurité, la compétition et la coopération. Aussi comme l’explique l’auteur:
« cette boussole pourrait aussi indiquer (…) d’autres vents, tels que l’esprit de l’innovation entre liberté et compétition ; l’esprit d’exclusion entre compétition et sécurité ; l’esprit de conservation entre sécurité et coopération ; ou l’esprit d’intégration entre coopération et liberté ». (p. 17).
Ce que propose cet essai c’est plus au fond une nouvelle vision du droit international pour éviter la catalepsie ou la noyade, et redonner aux êtres humains le sens de l’initiative en opposition aux risques du pilotage automatique.
De ce point de vue l’analyse est indispensable, mais essentiellement juridique, c’est là sa force et sa limite. Plaisante justice qu’une rivière borne aurait dit Pascal, pour nous rappeler que les questions de société se jouent d’abord à un niveau éthique et politique. Les forces imaginantes du droit n’ont ni la capacité de transformer la présente coutume, ni l’autorité du souverain, on le voit avec Trump remettant en cause les accords sur le climat.
Dès lors, lorsque nous sommes invités à voter, il nous faut certes choisir le meilleur personnel naviguant pour sortir du Pot au noir, mais sans perdre de vue la tragédie des 3C : tout choix affirmatif comprend hélas sa dose de sacrifices et de concessions nécessaires à l’action. Nous voterons mieux, ou au pire moins mal, si nous en prenons pleinement conscience.
Réf.
Delmas-Marty, M. (2016). Aux quatre vents du monde, Paris : Seuil.
Président chez Potentials | Expertise en Coaching, Conseil et formation) DMC (secteur public)
4 ansoh que oui je reste déterminé sur cette notion d'humain...tout le monde en parle mais dans les faits NADA
Co-fondatrice de Human Exponentiel- Vice-Présidente de l'Institut du Travail Réel - Ma passion, capter les signaux faibles et les tendances de l'évolution psychosociale, Auteure et conférencière
4 anstrès juste "redonner aux êtres humains le sens de l’initiative en opposition aux risques du pilotage automatique" "nous rappeler que les questions de société se jouent d’abord à un niveau éthique et politique" merci beaucoup pour ce partage