Culture de sécurité...
La catastrophe ferroviaire de Meudon Domaine public

Culture de sécurité...

L’une des principales difficultés, quand on travaille dans un milieu ou les exigences de sécurité sont élevées, est, paradoxalement, le maintien d’un haut niveau de culture de sécurité.

En fait, ce n’est pas paradoxal : si vous tirez au sort un cheminot, même affecté à des tâches de sécurité, il y a de fortes chances qu’en 30/35 ans de carrière, il n’ait jamais affaire à aucun accident grave…. Et encore plus si, comme la pratique s’est répandue dans les années Pepy, il s'agit de cadres dirigeants venus de l’industrie alimentaire ou de loisirs, sans culture de sécurité préalable et ne restant dans l’entreprise que quelques années.

Alors, au fil des années, l’attention s’use, la lassitude gagne,  malgré les efforts de ceux qui essaient de ranimer la flamme… jusqu’au jour ou une série d’accidents, comme celles des années 86/88 ou 2013 /2015 viennent vous rappeler à la réalité.

L’un de mes souvenirs est d’ailleurs d’avoir entendu un jour un directeur général délégué de la SNCF, dans les années 1980, à l’époque ou les dirigeants de la vieille maison étaient encore des experts :

« Nous sommes complétement fous,  des fous dangereux et mûrs pour Charenton. Car il faut être complètement fou, et fou dangereux, pour envoyer des mobiles de 400 t à 260 km/h et reposant sur des surfaces de contact fer fer de la taille d’un pouce.

Nous sommes fous, mais ce qui nous sauve, c’est que nous le savons, et qu’on reste à chaque instant, totalement en alerte du moindre signal précurseur, de la moindre indication anormale…

Et malheur à nous si un jour on oublie que nous sommes fous»

Je n’ai jamais entendu de meilleure définition de la culture de sécurité, même si elle est un peu provocatrice.

Au fil des années, j’ai rencontré de nombreuses méthodes pour essayer de rappeler l’importance de la culture de sécurité…

Par exemple, un ami américain m’a raconté qu’il avait institué 5 mn de prière avant le début des réunions, prière pour implorer Dieu de ne pas imposer à son réseau de tramway le drame d’un accident, et avec d’excellents résultats. Je n’ai pas eu le cœur de lui dire que, dans notre France athée, nous démarrions, à l’époque, toutes nos réunions par un point sécurité, et que cela semblait marcher aussi, du moins autant qu’on pouvait s’en rendre compte  tenu de la durée limitée de l’expérience.

Ou cet ami Japonais, qui, alors que nous échangions sur les procédures de sécurité et notamment en situation perturbée, pannes, etc sort de son armoire une statue de la déesse Kannon… en fait, un bâton pilote. Et comme il le disait lui-même, je ne sais pas si la statue et les prières changent le niveau de sécurité, mais cela ne coûte rien d’essayer.

Très gore… Je connais au moins un réseau ou, dans toutes les salles de réunion, il y a des photos d’accidents, de catastrophes ferroviaires « Respice post te, hominem  te esse memento , quia pulvis est et in pulverem reverteris… »

Accessoirement, il a l’un des meilleurs résultats de sécurité au Monde, même si j’ai toujours été mal à l’aise dans une de leurs salles… mais c’est probablement l’objectif.

La France est, ne nous plaignons pas, très nettement dans le peloton de tête en termes de sécurité, sauf peut être en ce qui concerne les passages à niveau

Mais le réseau qui a la meilleure sécurité depuis pas mal d’années est JR East, avec, par exemple, pas une seule victime dans les trains malgré des événements aussi graves que le séisme de Nagano ou celui du Tohoku en 2011.

Et, si j’ai bien compris (malgré la barrière du language), JR East pratique régulièrement, au moins une fois par an, des séances mi brain storming, mi kriegspiel avec ses agents, et notamment avec les conducteurs et les contrôleurs…  qu’est ce qui peut se passer ? que dois je regarder ? quels signes avant coureurs possibles ? les consignes de sécurité sont elles suffisantes ? quels types d’événements ne sont pas couverts et que peut on faire pour réagir ? »

Cela a probablement contribué au fait que, parmi les dégâts du Tsunami de 2011, il y avait 7 trains et une centaine de km de ligne côtière… mais parmi les 23000 victimes, pas un cheminot et pas un passager …




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