CULTURE ET « PÉRISCO » : COMPATIBLE ?
Vouloir proposer des ateliers de qualité en milieu scolaire, est-ce faire preuve d’élitisme ? Sous prétexte qu’il ne faut surtout pas risquer d’ennuyer les enfants, doit-on forcément céder aux sirènes du nivellement par le bas ?
TAP ou pas TAP ?
Depuis quelques semaines, je fais une expérience extrême : animer un TAP théâtre dans une école élémentaire. Pour ceux qui se sont un peu éloignés du système scolaire ces dernières années, les TAP, ou « temps d’activités périscolaires », sont proposés aux élèves des écoles maternelles et primaires en « contrepartie » de la mise en place de la semaine de 4 jours ½, et ce pour « alléger » lesdites semaines. Les formules varient selon les municipalités : ateliers gratuits ou payants, organisés deux, trois ou quatre fois par semaine. Bref. Chez nous, les lundis, mardis, jeudis et vendredis, les enfants de l’école primaire peuvent s’inscrire à de nombreuses activités : bricolage, cuisine, jardinage, jeux de société, etc. En début d’année, je suis donc allée proposer mes services ; l’idée : animer des ateliers en lien avec la lecture et l’écriture. Pour le moment, je suis en phase de test avec un atelier initialement intitulé « TAP découverte du théâtre contemporain », et que j’avais imaginé sous la forme d’un mini-comité de lecture : nous étions censés lire de petits textes d’auteurs de théâtre d’aujourd’hui, puis en discuter ensemble et en sélectionner un en fin d’année. Sur le papier, tout était parfait, et les adultes se montraient tous très enthousiastes. Oui mais voilà, le passage de la théorie à la pratique ne s’est pas tout à fait déroulé comme prévu… Je me suis retrouvée face à une horde de dix (je sais, oui, seulement dix) petits sauvageons en bout de course (horaire du TAP : 15h30-16h30), se courant après, sautant sur les tables, le tout dans une débauche de cris en tous genres… Le choc… Moi qui avant d’arriver me demandais essentiellement comment leur fournir du contenu intéressant en quantité suffisante, je me retrouvais à tenter de discipliner ces jeunes fauves débordant d’une énergie éminemment difficile à canaliser…
Haro sur la littérature après 15h30 ?
Je sors de cette séance un peu déboussolée quand même. De toute évidence, mon éternelle et immense naïveté ne m’avait pas préparée à cette confrontation. Il faut dire que jusqu’à présent, j’ai plutôt eu l’habitude de travailler avec un public consentant. Je me confie à quelques proches, le débat s’ouvre. On me conseille bien entendu de revoir mes exigences à la baisse, voire de proposer un programme qui ressemble davantage à ce que les enfants peuvent voir à la télé (des sketches, du léger, du fun). Mais je refuse de transiger sur les textes que je propose de faire découvrir. Ils me tiennent à cœur, ces textes. J’ai envie de les partager, de les entendre vibrer dans la bouche des enfants, de les voir émerger de leurs petits corps.
Mais je ne suis pas totalement bornée, alors je revois ma copie : je prépare une deuxième session plus dynamique, essentiellement axée sur le jeu et l’expression corporelle. Certes, cette formule fonctionne déjà mieux, puisqu’elle permet aux enfants d’être en permanence dans l’action, dans le mouvement. Et puis nous zappons. Beaucoup. Pas plus de 5 minutes par jeu, sinon le sujet se lasse. C’est épuisant. Peu constructif. Mais je réussis là où j’ai échoué la première fois : je parviens à capter brièvement leur attention. Est-ce tout ce que l’on est en droit d’espérer ? C’est vrai, ces ateliers sont hors temps scolaire, comme on me l’a fait remarquer sans ménagement : « Hé mais madame, c’est pas l’école, ici ! » Donc si je comprends bien, hors de l’école point de salut pour les livres ? Interdiction de faire surgir des univers poétiques, de parler de langue et de langages, d’évoquer des images nouvelles, de susciter la réflexion autrement ?
Peut-on faire lire et écrire en TAP ?
Pour être honnête, j’ai été effarée par le niveau général : en cours moyen, moins d’un quart du groupe lisait couramment ; je vous laisse imaginer la proportion en CE2. Et ne parlons pas de l’attitude face à l’adulte censé représenter l’autorité…
Après les vacances de la Toussaint, je compte également proposer un atelier d’écriture, ou plutôt un TAP « Jouons avec les mots », parce qu’il paraît que ça fait moins peur dit comme ça. Gageons que le fait de vouloir faire asseoir mes participants, qui plus est devant une feuille, ne me facilitera pas la tâche...
Mais je garde espoir. Je continue à croire que ne serait-ce qu’un enfant peut être touché par ces textes qui lui parlent de lui, de son époque, de son monde. Je continue à croire qu’un autre découvrira le pouvoir de ses propres mots et la richesse de son univers intérieur… Alors, pour moi, le pari sera gagné !
Et vous, avez-vous vécu des expériences similaires ? Vos propres enfants apprécient-ils ce genre d’ateliers ? J’attends vos retours et je mettrai à profit les prochaines vacances scolaires pour concocter mes futures séances ;)...
Rédactrice - Correctrice - Écrivain
8 ansMerci pour ton soutien, Julien ! Oui, les faire bouger et les faire rire, j'ai bien compris que c'était vital ;). Mais c'est sûr qu'eux aussi me font bouger (et rire aussi, parfois). Affaire à suivre...
Chef de projet Multimédia
8 ansBonjour Marie, Ne lâche rien, la qualité touche toujours les enfants. Ils ont, c'est vrai, beaucoup d'énergie à dépenser. Il faut juste les faire bouger beaucoup pendant 15 minutes puis une fois leurs cerveaux oxygénés, tu peux transmettre le meilleur des auteurs. Ah oui ! il faut aussi les faire rire ! et se déguiser. Ils aiment vraiment les déguisements. Plein de courage et d'énergie pour cette superbe initiative. Vive le théâtre. Julien