Décès du Camarade Georges Beuchard à l'âge de 98 ans
Georges Beuchard le 7 juillet 2016 à la remise des Palmes académiques à l'Ambassade de France en Allemagne (© Malik Berkati)

Décès du Camarade Georges Beuchard à l'âge de 98 ans


J'ai eu la chance de rencontrer Georges Beuchard lors de sa période berlinoise qui clôt une longue et riche vie jalonnée de multiples aventures et rencontres qui racontent les enjeux du siècle passé. Avec Philippe Loiseau, nous avons collaboré avec Georges sur ses derniers projets, mais surtout nous avons développé une amitié qui nous a soudés jusqu'à cette fin advenue ce 14 mai 2021.

Je reproduis ici le texte que Philippe Loiseau a écrit in memoriam, suivi de l'hommage d'une de ses filles ainsi que du mien, puis un extrait d'un ouvrage de Georges:

Georges Beuchard vient de nous quitter. Il a longtemps hésité...

Né en Algérie en août 1922, Georges est et restera un personnage au destin tout particulier. Il est fils d’enseignants engagés, brillant élève au lycée d’Oran, et se lie d’amitié avec Albert Camus en 1938. Le 14 août 1944, il participe au débarquement en Provence et obtient la médaille de reconnaissance de la Nation. Journaliste à 'Oran républicain' puis 'Alger républicain', il est aussi employé à Casablanca puis exploite la ferme familiale à Souk-El-Had (Maroc). Père de trois enfants, Georges devient instituteur à Mogador puis dans le Sud-Ouest algérien, à Tindouf et Colomb-Bechar (Sahara), une expérience qui le marquera et pendant laquelle il confiera personnellement à Charles de Gaulle ses sentiments, très précis, sur le mouvement à venir de l’indépendance de l’Algérie. De retour vers la côte méditerranéenne, à Oran, et la côte atlantique, à Rabat et Essaouira, il fonde plusieurs écoles.

Il doit quitter l’Algérie au début des années 60 et travaille comme enseignant vacataire dans différentes villes en France. Georges s’installe en Allemagne en janvier 1970, son pays d’adoption, où il se marie en secondes noces avec Christa Albers et avec laquelle il partagera 49 ans de vie commune. Il est notamment à l’origine de la création du Lycée français de Munich, ville où il a vécu une trentaine d’années, engagé dans la vie associative française et franco-bavaroise, avant de s’installer à Berlin. Il est officier des Palmes académiques et chevalier de l’ordre national du Mérite. Georges consacre également une partie de sa vie à l’écriture et à l’amitié franco-allemande, amitié pour laquelle il développe une activité majeure, notamment au séminaire annuel de Fischbachau. Il n’aura alors de cesse de convaincre l’Allemagne de s’intéresser à la Méditerranée... Ayant rejoint, à 15 ans, la SFIO en 1937, il totalise, comme aucun autre, près de 85 ans d’adhésion au parti socialiste, dans ses bonnes et ses mauvaises années… Georges est fidèle ! Installé à Berlin sur le tard, il se fait de nouveaux amis, développe ses contacts, donne encore quelques conférences, et d’une verve alerte et insistante, il continue à recevoir quelques intimes en sa bibliothèque pour de longues causeries… De très riches heures !

Ses amis sont donc aujourd’hui tristes de son passage sur une autre rive, mais ils peuvent s’estimer heureux de l’avoir connu et aimé, de lui avoir dit, quand il était temps, leur admiration pour sa vie et ses engagements pour la langue française, la littérature, l’écriture et l’école. Merci, Georges !

14.05.2021, Philippe Loiseau

Georges, tu étais mon ami !
Tu m’as transmis non pas le goût, mais l’essence de la liberté. Celle qui coule intrinsèquement dans tout homme libre, humble et tolérant. Cet héritage est une clé qui ouvre toutes les serrures, abolit les frontières, et permet de rester debout pour avancer sur sa route… Le jour où je suis née, dans cette ville d’alizés, il n’y avait pas de vent m’as-tu dit. Le jour de ton départ, un double arc-en-ciel, m’a apporté ton message me disant d’être heureuse.
Au revoir mon père, mon ami !

Karole Gardelle

Mon ami Georges, nous nous sommes connus dans ta période berlinoise et tu as fait de moi le témoin privilégié d'un siècle riche en Histoire et histoires que tu contais avec passion et toujours beaucoup d'humour, même dans les recoins les plus dramatiques des événements que tu relatais. Tu m'appelais «fils», comme on dit au pays aux plus jeunes que soi, mais je prenais ce terme d'affection au premier degré. Je suis triste aujourd'hui, mais tellement reconnaissant d'avoir fait un bout de chemin avec toi !

Malik Berkati

« Ceci n’est pas un conte de fées. C’est une histoire dure, comme la vie ; brève, comme la vie, et comme elle, authentique.

J’ai connu Ali et Mahjouba. Ils vivaient dans un lieu où la notion de tribu est encore vivante. Certaines de ces tribus, sous la conduite d’un chef éclairé tenté par l’aventure, ont connu la gloire et laissé une légende. Le chef disparu, elles se sont diluées.

Dans le Sud marocain la montagne, isolée à travers les siècles, donne parfois l’impression d’avoir vieilli plus vite que les hommes qu’elle abrite. Dans le même Sud, en d’autres endroits, elle a conservé la jeunesse du monde. On y trouve des coutumes en prise directe sur l’Antiquité. Mais les hommes qui y vivent ne sont pas des hommes de l’Antiquité.

L’être humain naît, travaille, disparaît, sans laisser d’autre trace que des pas dans la poussière d’un sentier. L’enfant apprend à lutter en même temps qu’à marcher, et l’adolescent gagne depuis longtemps sa vie à l’âge où, ailleurs, il passe son baccalauréat. Les grands-mères y ont trente-cinq ans et les arrière-grands-pères soixante. Dans ces régions d’Afrique quand on travaille, on vit ; quand on ne travaille plus, on attend la mort.

On y vit rapidement sur un rythme lent.

Magid, Ali et Mahjouba ne sont pas spécifiquement marocains. Ils ont leurs pareils en Europe et en Amérique. (…)

Mahjouba subit un destin conditionné par un milieu social rudimentaire, un régime économique précaire, des éléments naturels trop souvent hostiles. (…) C’est donc une résignée consciente qui donnera un sens à sa mort fondée sur le non-sens. (…) »

Mahjouba (extraits), par Georges Beuchard, Krefeld, 1971


Michèle Kahn

Ecrivain, journaliste, membre de divers jurys littéraires

3 ans

Quelle vie belle et riche, et quels beaux témoignages d’affection et de respect !

Jean-Philippe Jeannerat

En disponibilité chez En construction

3 ans

Merci de votre partage, dans ses éléments douloureux comme dans la beauté du parcours évoqué et des hommages rendus - avec ma profonde sympathie.

Magaly Baudel

Conseillère RH - Responsable de Projets RH - Animatrice Réseau - Conseillère Mobilité Carrière chez Préfecture de la Région Grand Est

3 ans

Quelle tristesse...j'en garde un très bon souvenir lors de nos nombreuses soirées et activités à Munich...un homme engagé et amoureux de la langue française.

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