Déduire vos intérêts pour augmenter vos rendements après impôts
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Maintenant que la « saison des REER » (et des CELI) se termine, et que celle des impôts débute, cela semble être le parfait moment pour discuter d’une façon relativement simple d’améliorer les rendements après impôts des investisseurs qui possèdent à la fois des placements non enregistrés et des emprunts, soit la déduction des intérêts. En effet, tant au niveau fédéral que provincial, il est possible de déduire certains intérêts admissibles de vos revenus de placements, ce qui vous permet de réduire vos impôts, et donc d’augmenter vos rendements nets.
Une mise en garde s’impose toutefois avant de discuter des bases de cette déduction : la manière et l’ordre des étapes de mise en place d’une stratégie de déductibilité des intérêts sont primordiaux pour son acception par les autorités fiscales, et les lois ainsi que la jurisprudence sont susceptibles de changer. Nous vous recommandons donc fortement de consulter votre fiscaliste avant d’utiliser une telle stratégie pour vous assurer de son acception par l’Agence de revenu du Canada (l’ARC) et par Revenu Québec.
Quels intérêts sont déductibles?
D’abord, pour que les intérêts soient déductibles, l’emprunt doit avoir été effectué en vue de gagner un revenu de biens – dont celui de placements – ou d’entreprise, non exonéré (ce qui disqualifie les comptes enregistrés), et ces intérêts doivent être payés ou payables dans l’année en vertu d’une obligation légale de les verser. Ils doivent également être raisonnables, ce qui ne causera généralement pas de problème si le prêt est effectué à un taux de marché, tel que celui que vous obtiendriez auprès d’une institution financière.
Ensuite, il est normalement nécessaire – surtout pour les particuliers – de pouvoir établir un lien direct entre l’emprunt et l’utilisation pour gagner les revenus. Par exemple, si un investisseur hypothéquait sa maison et utilisait le montant du prêt pour investir dans un portefeuille de placements non enregistrés, il y aurait un lien direct. À l’opposé, si un second investisseur possédait un portefeuille de placements non enregistrés, et qu’il prenait une hypothèque auprès d’une banque pour s’acheter une maison plutôt que de vendre ses placements, il s’agirait d’une utilisation indirecte.
Même si les deux investisseurs étaient dans des situations économiques identiques (valeur de leurs placements non enregistrés, des dettes et des résidences), et que le fait d’emprunter permettait effectivement au second investisseur de ne pas vendre ses placements et de continuer à générer des revenus de biens, ses intérêts ne se qualifieraient fort probablement pas pour la déductibilité.
Cet exemple illustre également le fait que le collatéral utilisé pour obtenir le prêt n’affecte en rien la déductibilité des intérêts : on peut utiliser tant une marge hypothécaire qu’un compte de placement sur marge pour faire l’investissement, tant que toutes les conditions de la déductibilité sont respectées.
Finalement, dans le cas des actions, il est important qu’il y ait une expectative raisonnable de recevoir éventuellement des dividendes, faute de quoi les autorités fiscales pourraient refuser la déductibilité des intérêts (le critère de l’intention). Le fait qu’une action ne verse pas de dividendes au moment de l’achat ne sera généralement pas un problème, mais il ne faut pas que la société ait comme politique permanente de ne pas verser de dividendes.
Comment transformer vos intérêts non déductibles en intérêts déductibles
Selon une position administrative de l’ARC, il est possible de restructurer les emprunts afin de rendre des intérêts déductibles. Pour se faire, l’investisseur peut simplement vendre ses placements et rembourser son emprunt, puis emprunter de nouveau et investir le montant dans de nouveaux placements. De cette façon, il respectera le critère de l’utilisation directe.
Avant de mettre en place une telle stratégie, il faut cependant considérer le fait que la vente des placements pourrait conduire à la réalisation des gains en capital latents, et donc à une facture d’impôts. Au contraire, si vous avez des pertes latentes et si les mêmes placements sont rachetés dans les 30 jours suivants la vente (ou précédents), la règle des pertes apparentes s’appliquera et vous empêchera de les déduire. Le prix de base rajusté de ces placements sera cependant augmenté du montant de la perte refusée.
Ventes de vos placements et utilisation actuelle des fonds
Pour conserver la déductibilité des intérêts, l’utilisation des fonds qui importe est celle actuelle et non seulement celle initiale. Si vous disposez de vos placements, il faut donc suivre l’utilisation des fonds afin d’établir dans quelle mesure les intérêts demeurent déductibles.
Acquisition d’une nouvelle source de revenus ou remboursement du prêt
Si vous achetez uniquement de nouveaux placements qui se qualifient comme une source de revenus, il vous sera possible de continuer de déduire les intérêts sur le solde impayé de votre emprunt, et ce même si la valeur des placements que vous acquérez est inférieure à ce solde en raison d’une perte sur les placements précédents. De même, si vous utilisez le produit de la vente – partielle ou totale – pour rembourser une partie de l’emprunt, vous pourrez généralement continuer de déduire les intérêts sur le solde impayé.
Utilisation à des fins inadmissibles
En revanche, si une partie ou l’ensemble des biens acquis en remplacement le sont à des fins inadmissibles, vous perdrez potentiellement une partie de la déductibilité. La portion du prêt qui sera admissible correspondra alors à la fraction de la valeur des nouveaux placements admissibles sur la valeur de ceux dont vous avez disposé, multipliée par le solde de l'emprunt. Si la valeur des actifs que vous avez vendus avait augmenté depuis l’achat, vous aurez également la possibilité d’utiliser, selon une approche souple de l'ARC, la valeur des nouveaux actifs admissibles, jusqu'à concurrence de la valeur du solde impayé de l'emprunt, ce qui permettrait de déduire une plus grande part des intérêts.
Fonds distribuant des remboursements de capital
Certains types de placement, tels que les fonds en série T ou FT, peuvent distribuer des remboursements de capital. Vous devez alors porter attention à comment vous utilisez ces distributions. Comme mentionné précédemment, si vous utilisez l’ensemble des fonds libérés pour réinvestir à des fins admissibles (p. ex. en rachetant des parts de ces fonds) ou pour rembourser une partie de votre prêt, vous devriez pouvoir continuer de déduire les intérêts en entier. Cependant, si vous choisissez plutôt d’acheter des biens personnels ou autrement inadmissibles, le pourcentage des intérêts que vous pourrez déduire sera réduit proportionnellement.
Refinancement de votre dette dont les intérêts sont déductibles
Au cours de la période de détention de vos placements, il se pourrait que vous deviez remplacer votre emprunt initial par un nouvel emprunt (p. ex. si un second prêteur offre des taux plus avantageux). Celui-ci ne servirait donc pas directement à acquérir la source de revenus. Heureusement, un emprunt effectué pour rembourser un emprunt antérieur est réputé être utilisé pour la finalité initiale. Donc si les intérêts sur votre premier prêt étaient déductibles, les intérêts sur le prêt de remplacement devraient continuer de l’être.
Règle particulière pour le Québec
Au niveau provincial, il faut tenir compte d'une disposition additionnelle qui s’applique afin de limiter les intérêts et les frais financiers déductibles aux revenus nets de placements de l’année. Ces frais non déduits peuvent cependant être reportés rétrospectivement de trois ans, et prospectivement dans toute année subséquente.
Gardez des traces
Un dernier avertissement s’impose avant de conclure cet article. Comme indiqué dans plusieurs arrêts de la Cour suprême du Canada, c’est au contribuable de prouver le lien qui existe entre l’emprunt et la source de revenus. Il est donc essentiel de conserver vos documents financiers et de tenir des livres de compte. Autrement, vous risquez de devoir argumenter avec l’ARC et Revenu Québec, et potentiellement de payer des pénalités et intérêts si votre déduction était ultimement refusée. Séparer le prêt dont les intérêts sont déductibles et le compte de placement qui y est rattaché de vos autres comptes serait également une bonne idée pour vous faciliter la tâche.
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Nous avons rédigé le présent commentaire afin de vous donner notre avis sur différentes solutions et considérations en matière d’investissement susceptibles d’être pertinentes pour votre portefeuille de placements. Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement ceux de la Financière Banque Nationale. En les exprimant, nous nous efforçons d'appliquer au mieux notre jugement et notre expérience professionnelle du point de vue d’une personne appelée à suivre un vaste éventail de placements. Par conséquent, le présent texte représente notre opinion éclairée et non une analyse de recherche produite par le Service de recherche de la Financière Banque Nationale, ou une recommandation légale.
Les rendements présentés le sont uniquement à titre illustratif et éducatif et ne représentent pas des promesses de rendements.